À l'exception d'une extension pour Dawn of War, Titan Quest a été le seul jeu d'Iron Lore Entertainment, studio fondé par des anciens de l'industrie qui avaient notamment travaillé sur les Age of Empires. Fidèles à leurs racines, ces vétérans du STR (pseudo-)historique ont eu l'excellente idée d'abandonner le médiéval-fantastique usé jusqu'à la toile pour créer le premier hack & slash antique. Ainsi, au fil d'un tour du monde classique, le joueur de Titan Quest combattait à peu près tout ce que le bestiaire des mythologies grecque, égyptienne et chinoise compte de bestioles monstrueuses avec un nombre original de têtes et de membres. Lors de sa sortie en 2006, les détracteurs de Titan Quest ont insisté sur ses défauts, par exemple des niveaux trop longs et répétitifs. Ses amateurs, eux, s'extasiaient devant les indéniables qualités du jeu, comme son extraordinaire extension Immortal Throne, où la frontière d'Hadès était si floue que le joueur était incapable de dire à quel moment exact il avait quitté le monde des vivants pour celui des défunts. Mais tous s'accordèrent à reconnaître que la mythologie antique constitue un cadre parfait pour l'éviscération en série de méchants à laquelle les jeux vidéo nous ont habitués – à tel point qu'on se demande toujours pourquoi il n'est pas davantage exploité. D'autant que, comme nous le montre ce « Panier garni », les autres médias sont férus depuis longtemps de génocide à l'huile d'olive.
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Titan Quest
Panier garni
Parce qu'il n'y a pas que le jeu vidéo dans la vie, mais que ce serait quand même dommage de trop s'en éloigner (on se les pèle là-dehors, et le monde est dangereux), « Panier Garni » vous donne l'occasion de découvrir une sélection de livres, films et autres activités déconcertantes en lien avec un jeu célèbre ou inconnu.
À voir : Jason et les Argonautes Des squelettes, une hydre, un géant en bronze... Pour retrouver l'ambiance « héros enduit d'huile d'olive qui pourfend les méchants à coups de ξίφος et de δόρυ », on n'a pas trouvé mieux que le film de Don Chaffey. Certes, le Technicolor de 1963 pique un peu les yeux, mais le charme de ces acteurs qui transpirent tout le temps (on reconnaît le héros de péplum à sa sudation1) n'a pas d'équivalent moderne. Quant à l'animation en stop motion, ces squelettes qui se dandinent de façon saccadée, elle restera toujours classe et plus inquiétante que ces images de synthèse dont parlent les jeunes et qui, si vous voulez mon avis, n'ont aucun avenir. D'ailleurs, en parlant d'avenir, s'il vous reste un peu de temps pour caler Méduse et le Kraken dans votre soirée cinéma, vous voudrez sans doute regarder aussi Le Choc des titans (Desmond Davis, 1981).
1. Mythologies, Roland Barthes, « Les Romains au cinéma ».
À faire : le ménage On a tendance à l'oublier, mais au cours de ses douze travaux, Héraclès n'a pas fait que se friter avec des hydres, des taureaux et des chiens à trois têtes. Il a aussi nettoyé les écuries d'Augias. Si jamais vous vous sentez l'âme d'un héros classique, qui ne redoute ni la mort ni le châtiment divin, vous pouvez commencer par nettoyer votre appartement de fond en comble. Certes, c'est un gros travail, surtout si, comme à Augias, vous ne l'avez pas fait depuis longtemps. Vous allez devoir virer la poussière d'endroits où la main de l'homme n'a jamais mis le pied, détartrer la faïence avec des produits tellement toxiques que même Circé n'en voudrait pas, descendre des quintaux de vieilleries (vêtements immettables, disquettes, anciens Canard PC) mais une fois tout cela terminé, quelle satisfaction ! Quel plaisir, même, de savoir que tout est propre, à sa place, et restera ainsi pendant au moins deux ou trois jours, après quoi il faudra tout recommencer. Si jamais vous ne vous sentez pas encore prêt à pareille aventure, vous pouvez toujours livrer bataille à Argus en achetant une voiture d'occasion.
À manger : de la méduse Mets à la mode chez les jeunes artistes qui rêvent de Persée2, la méduse peut être dégustée en salade. Le plat, d'origine japonaise, est assez facile à préparer. Découpez les pauvres bêtes en lamelles, faites-les tremper dix secondes dans l'eau bouillante avant de les mettre dans une assiette. Accompagnez d'ail haché et de ronds de concombres, puis servez avec une sauce au soja. Ça ne vous donne pas faim ? Attendez d'apprendre que les méduses doivent impérativement être laissées à tremper dans l'eau froide pendant douze heures avant tout préparation pour tuer la bactérie hémolytique qu'elles contiennent, et vous aurez encore plus envie de vous contenter d'un McDo'.
2. Oui, je m'approvisionne chez le même fournisseur de calembours que Fishbone.
À écouter : le chant des sirènes Si vous avez, comme moi, la chance d'habiter un appartement situé à côté d'un hôpital ou d'un commissariat, vous en profitez déjà chaque jour. Le chant majestueux des sirènes. Celle des pompiers (435 Hz puis 488 Hz, cadence de 28 cycles/minute) et de la police (435 Hz puis 580 Hz, 55 cycles/minute), celle des ambulances, beaucoup plus travaillée (420 Hz puis 516 Hz puis 420 Hz à nouveau et silence de 1,5 s, le tout à raison de 30 cycles/minute). Leur chant mélodieux, à toute heure du jour et de la nuit, si attirant qu'Ulysse n'a pu y résister qu'en se bourrant les oreilles de cire et en se ligotant comme un gigot au mât de son navire. Si vous voulez mon avis, il était quand même un peu con.
À lire : 300 Depuis son excellente adaptation cinématographique par Zack Snyder, on ne présente plus 300, le comic book de Frank Miller qui raconte de façon... euh... disons, virile la bataille des Thermopyles, durant laquelle 7 000 soldats grecs (dont 300 spartiates, les autres on s'en fout ils ne sont pas assez cool et musclés) ont fait face à l'armée de l'empire Perse. La bande dessinée, pas plus que le film, ne prétend être un modèle de réalisme historique (Miller a trouvé l'idée dans The 300 Spartans, un film de 1962 déjà quelque peu romancé), mais c'est ce qui fait justement son charme. On ne demande pas au chevalier d'une chanson de geste ou aux héros de Marvel d'être crédibles. On veut des archétypes, des modèles de vertu et de courage, des adversaires coupés d'un trait dans le sens de la hauteur. Si malgré tout vous ne pouvez vous empêcher de voir dans la BD de Miller une œuvre de propagande, si son sous-texte (l'Europe civilisée assiégée par des hordes décadentes, barbares et brunâtres) vous dérange trop, vous pouvez toujours lire The Global Minotaur de Yanis Varoufakis. C'est aussi l'histoire d'un grec qui se bat contre des forces plus grandes que lui, mais au moins vous ne pourrez pas le soupçonner d'être facho.