Layers of Fear, le précédent jeu de Bloober Team, associait une direction artistique somptueuse à un gameplay d'une platitude absolue, même pour un simulateur de marche. Entre deux énigmes de niveau CE3*, le joueur se traînait d'une pièce à la suivante pour y découvrir une nouvelle scène macabre ou surréaliste. Observer continue sur la même lancée.
Comme je le disais lors de mon allocution annuelle aux membres du Poney Club de Neuilly-sur-SeineNote : 1, « c'est quand même triste d'être aussi réactionnaires à votre âge ». Mais le côté réac' de la jeunesse dorée n'est rien à côté de celui des joueurs, eux aussi vieux avant l'heure. Obsédés par le bon temps d'autrefois au point de faire passer Éric Zemmour pour un anarchiste révolutionnaire, ils recherchent désespérément leur enfance perdue dans les gros pixels de platformers old school ou les couloirs sinueux de jeux de tir à l'ancienne. Avec Dusk, ils seront comblés.
Note 1 : Elle a d'ailleurs provoqué un tel scandale que le jeune Jean-Charles de Margy-Beaumont en a avalé sa tétine.
Voici en gros comment seront présentés les événements dans les livres d'histoire, que personne ne prendra au sérieux : « À l'été 2014, une bande de jeunes hommes sexuellement frustrés lança une campagne de harcèlement visant des développeuses et journalistes de jeu vidéo. Cette campagne a été l'un des principaux canaux de recrutement de l'alt-right, mouvement protofasciste qui, fin 2016, a contribué à l'élection d'un gâteux dont le principal conseiller était le cofondateur d'un site d'extrême droite. Six mois plus tard, des nazis défilaient dans les rues de Virginie. Mais l'industrie du jeu vidéo, chez qui tout avait commencé, ne resta pas sans réagir : au tournant de l'année 2018, de Far Cry 5 à Wolfenstein II, sortirent plusieurs titres qui mettaient en scène la droite radicale américaine. » D'avance, souhaitons bon courage aux profs du XXIIe siècle.
Maître de conférences à l’Université de Liège, Björn-Olav Dozo a travaillé sur la littérature belge avant de s'intéresser aux jeux vidéo et à la presse spécialisée. Il est responsable de la création du Liege Game Lab (http://cpc.cx/iMq), le centre de recherche sur le jeu vidéo de l'Université de Liège, qui a comme particularité de proposer un grand nombre de conférences ouvertes au public. Son regard d'ensemble sur les game studies et la place qu'occupe le jeu vidéo comme objet d'étude à l'Université nous a donné envie de le rencontrer.
De 2002 à 2013, le polonais Kornel Kisielewicz a développé et maintenu DoomRL, roguelike gratuit inspiré du jeu d'Id Software. Complexe mais beaucoup plus péchu et facile d'accès que la plupart des jeux du genre, DoomRL a rapidement bénéficié d'un succès considérable au-delà de la petite niche de masochistes amateurs de jeux en ASCII et en tour-par-tour. Fort de ce succès, Kisielewicz a créé d'autres roguelikes inspirés de licences connues, comme AliensRL et DiabloRL, sur son site chaosforge.org. Enfin, en novembre 2016, il a lancé (et réussi) une campagne Kickstarter pour financer son premier jeu commercial : Jupiter Hell, suite spirituelle de DoomRL aussi hardcore mais entièrement en 3D. Le parcours atypique de Kornel Kisielewicz, ainsi que son intérêt exclusif pour un genre de niche, nous ont donné envie de lui poser quelques questions.
Entré chez Libération en 1999 comme informaticien, successivement chroniqueur « jeu vidéo » de 2001 à 2006, rédacteur en chef de Ecrans.fr de 2006 à 2011 et, aujourd'hui, hôte du podcast Silence on joue !, Erwan Cario a été témoin et acteur, pendant plus d'une décennie, de l'évolution du traitement du jeu vidéo par les médias généralistes. C'est pourquoi nous avons souhaité lui poser quelques questions sur son parcours, la naissance et la mort d'Ecrans.fr, et le regard qu'il porte sur le journalisme de jeu vidéo.