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The Silver Case
L’assassin habite au 51
Parmi les interrogations qui traversent les amphithéâtres de mes petits chouchous – j’ai nommé les chercheurs en games studies – se pose la question de la conservation des jeux vidéo. Qu’adviendra-t-il des jeux des années 1980 ? 1990 ? Dans 10 ans ? 50 ans ? Et même si l’on conserve religieusement les disquettes 5 ¼ et CD-ROM dans des conditions de température et d’hygrométrie adaptées, aura-t-on encore le matériel pour les faire tourner ?
Au début, j’ai fait l’erreur de considérer The Silver Case comme un jeu parmi d’autres. Je l’ai lancé, j’ai vu du texte apparaître à l’écran dans une fonte moche, avec un bruit de machine à écrire, il y avait des lignes qui glissaient dans tous les sens, de gauche à droite et de haut en bas, des sortes de cadres mouvants et épileptogènes qui faisaient clignoter des écrans par ailleurs fixes. C’était l’heure de la sieste, je n’étais pas préparée à ça. Alors j’ai fait mes devoirs. The Silver Case, développé par Grasshopper Manufacture, date en réalité de 1999. À l’époque, le studio, qui a depuis développé Killer7 ou Lollipop Chainsaw, se résume à une poignée de personnes réunies autour de Goichi Suda, aka Suda51. C’est le tout premier jeu d’une équipe devenue semi-mythique. Un jeu qui, jusqu’à ce début octobre, n’était accessible qu’aux locuteurs japonais munis d’une PlayStation 1. Un jeu désormais traduit dans la langue de Bob Dylan et enrichi de graphismes un peu moins low poly.
Twin piques. Dans une ville froide et sombre, Ward 24, un mystérieux meurtrier assassine sans relâche. En tant qu’enquêteur, vous allez suivre sa trace. Pour l’essentiel, The Silver Case relève du roman interactif. Des phrases défilent, vous cliquez à la souris ou vous appuyez sur le bouton du pad (il garde de son passé de titre console une aura de jeu pour canapé, devant lequel on a envie de se rouler en boule) pour voir les dialogues, bourrés de violence froide et de testostérone. Des images participent à votre compréhension de l’affaire : mélange de dessins soignés, de cinématiques, de passages animés… Et parfois, vous devrez même vous déplacer, comme dans un Myst, de nœud en nœud, sur des rails, regarder autour de vous, et interagir : discuter avec un personnage, résoudre un puzzle, déchiffrer un code, ou répondre à des questions. Est-ce parce qu’il vient de loin, d’il y a longtemps, ou parce qu’il est peuplé de personnages antipathiques, durs, impitoyables ? The Silver Case prend son temps, une douzaine d’heures, pour flanquer à qui prendra la peine de pénétrer son univers des chocottes de qualité.