Avant de parler du jeu lui-même, faisons un petit topo sur la guerre sourde, pleine de rancœur et d'acrimonie, qui déchire la communauté des pilotes virtuels depuis plusieurs années. D'un côté, vous avez Jimbo, 61 ans, du Nebraska. Fanatique de Flight Simulator depuis les années 1990, il y a englouti deux fois le prix de sa maison. Qu'importe donc si FSX (ou Prepar3d, la version améliorée développée par Lockheed Martin) tourne à 8 FPS et crashe toutes les 20 minutes, car Jimbo ne veut pas abandonner les 192 add-on hors de prix qu'il a accumulés depuis une décennie. En face, vous avez Brian, 58 ans, retraité de Caroline du Nord. Lui ne supporte pas cette antiquité qu'est devenu FSX. Alors il vole sur X-Plane 10, simulateur de vol moins connu, mais réputé plus complexe, plus performant, plus réaliste. X-Plane 10 n'est pas parfait : les couleurs sont hideuses, l'interface immonde, mais son moteur 3D 64 bits, plus moderne, tourne correctement. Oh bien sûr, pas à 60 images/seconde, mais Brian se contente de 30 FPS stables, l'étalon-or en matière de simulateur de vol.
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X-Plane 11
Décollage de rétine
Enfin du neuf dans le monde sclérosé, momifié, moisi des simulateurs de vol civils sur PC. Il aura fallu attendre plusieurs années, mais une première version « attention peinture fraîche » de X-Plane 11 est disponible depuis quelques semaines. Serait-il enfin l'heure de ressortir le palonnier du placard ?
Le look ringard de X-Plane 10, avec ses menus infects et ses couleurs pisseuses, appartient enfin au passé.
Gros coup de polish. Jusqu'en 2016, le front était statique. L'arrivée de X-Plane 11 est en train de tout bousculer. Dans ce que les historiens appelleront peut-être « la Grande Migration de 2017 », les intégristes de FSX daignent enfin installer le simulateur de vol ennemi et – c'est le consensus sur les forums spécialisés – s'extasient devant la qualité de cette nouvelle version. Il faut dire que Laminar Research a enfin daigné donner à son simulateur de vol ce coup de polish qui lui manquait cruellement. Découvrir X-Plane 11 est donc un vrai plaisir pour les yeux. Écrans de chargement splendides, menu d'introduction lisible, options compréhensibles... Ça donne presque un petit côté AAA à ce simulateur de niche. L'écran de sélection des avions livrés en standard se montre tout aussi enthousiasmant : trois airliners d'excellente qualité (737, 747 et MD-82, qui vaudraient facilement 30 euros pièce sur FSX), quatre avions de tourisme dont l'inévitable Cessna 172 et quelques gadgets comme un planeur, un hélico et même un SR-71 pour faire mumuse à 60 000 pieds.
Beau de base. Une fois en vol, X-Plane 11 s'avère étonnamment fluide vu la qualité visuelle fournie. Les chiffres : sur un gros PC doté d'un CPU à 4 GHz et une GeForce 1080, le frame rate tourne autour des 25-30 FPS dans le cockpit ultra-détaillé du 737, en plein milieu de l'aéroport de Los Angeles, avec des dizaines d'autres avions garés aux portes, le HDR activé, un antialiasing 4X et le niveau de détails réglé sur High. Pour ce genre de jeu, c'est presque miraculeux. En vol, on se stabilise rapidement autour des 30-40 FPS, ce qui reste suffisant pour pratiquer dans de bonnes conditions. Et surtout, on en prend plein les yeux. Le nouveau shader de dispersion atmosphérique donne aux panoramas aériens un réalisme incroyable. Les décors de base sont très réussis. L'autogen (création des bâtiments selon le terrain survolé) est cohérent, les reliefs convaincants et de nombreux aéroports déjà modélisés avec un bon niveau de détails. En passant quelques heures sur Ortho4XP, un merveilleux utilitaire gratuit d'importation d'images satellite, il est possible d'améliorer encore le résultat et de voler au-dessus de paysages entièrement identiques à ce que vous verriez depuis le hublot d'un vol Easyjet.
C'est pas du vol, mais bon. X-Plane 11 a beau corriger quasiment tous les défauts de son prédécesseur, il garde un gros furoncle plein de pus sur le visage : la modélisation des nuages. Par défaut, disons-le tout net, elle est dégueulasse, indigne du reste du jeu. Des add-on médiocres tentaient jusque-là de corriger ce problème, jusqu'à la sortie de XEnviro, développé par des codeurs russes, il y a quelques semaines. Là, ça devient... beau à en chialer sur le clavier. Sans quasiment aucune perte de fluidité, il est enfin possible d'afficher des formations nuageuses gigantesques, visibles jusqu'à l'horizon. XEnviro rajoute aussi ses propres filtres sur les couleurs de base du jeu, il affiche l'ombre 3D des nuages sur le sol, modélise la pluie et les bourrasques... pour la modique somme de 70 dollars, à rajouter aux 60 du jeu original. Oui, c'est scandaleusement cher. Mais on l'a toujours su : la simulation de vol sur PC est un sport de riche.
Flight Simulator, repose en paix. Après quelques Seattle-Los Angeles et Paris-Nice, je n'ai pas trouvé le moindre défaut rédhibitoire à cette version de développement, dont Laminar Research dit tout de même qu'elle est encore loin d'être optimisée. La fluidité s'annonce déjà remarquable. Le look ringard de X-Plane 10, avec ses menus infects et ses couleurs pisseuses, appartient enfin au passé. Les avions livrés en standard sont largement suffisants pour s'occuper pendant des mois. On peut déjà rajouter à cette liste des dizaines d'appareils compatibles développés pour X-Plane 10. Et si l'on en croit les rumeurs, quelques-uns des plus gros pourvoyeurs d'add-on FSX (comme OrbX, spécialisé dans les aéroports 3D) sont déjà en train de préparer des produits pour ce nouvel X-Plane. Bref, toutes les conditions sont réunies pour en faire le simulateur de vol de référence de ces prochaines années.