Si Destiny attire toujours du monde près de trois ans après sa sortie, c'est à cause de l'effet vieille pantoufle. On s'y sent bien, on retrouve immédiatement ses marques, ses armes préférées, ses pouvoirs de classe, le bestiaire riquiqui dont on a appris les mouvements par cœur... C'est comme le vélo ou la physique nucléaire, ça ne s'oublie pas. D'autant qu'on n'a pas grand-chose à y faire : on dessoude des ennemis (toujours les mêmes) pour récupérer du butin, de nouvelles armes qui permettront de mieux buter les adversaires suivants, qui nous fileront à leur tour de nouvelles armes, et ainsi de suite. Mais surtout, Destiny prend tout son sens en multi, dans les (trop peu nombreux) raids, qui exigent significativement plus du joueur et de ses indispensables coéquipiers, en temps (ça prend des heures), en coordination, en ingéniosité et en talent pur. Il faut donc presque juger Destiny à l'aune de son groupe d'amis et de son temps libre, car si on le fait sur ses qualités propres, il n'y a pas de quoi perdre le sommeil. Chez Bungie, on semble en être au moins un peu conscient, puisque l'on regrette que seul un joueur de Destiny sur deux ait pu participer à un raid. Pousser plus de monde vers les raids est, mais on y reviendra, l'un des grands travaux de Destiny 2.
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Destiny 2
Vex & the city
Destiny 2 ? Mais pour quoi faire ? Figurez-vous qu'il y a encore beaucoup de monde sur Destiny premier du nom, alors qu'il s'agit d'un jeu au scénario inepte (et réécrit à la dernière minute après un développement chaotique), à l'univers générique, aux personnages transparents, au contenu rachitique et aux combats mous (la faute aux ennemis débiles plus qu'aux flingues, qui ont souvent une bonne patate), même pour un FPS qui souffre de la lenteur inhérente à la visée à la manette. Bref, à quoi bon une suite ?
Bungie regrette que seul un joueur de Destiny sur deux ait pu faire un raid.
Destin tragique. Destiny 2, donc. On pourrait en tartiner des tonnes, reprendre l'argumentaire de Bungie (« c'est un nouveau départ pour tout le monde, les vétérans comme les débutants »)... En réalité, de ce que Bungie en a montré lors de son événement américain, cette suite ressemble surtout à une grosse extension de Destiny. Le principe reste le même : après avoir choisi une classe de personnage pour son hérosNote : 1, on va défoncer des ennemis avec ses petits flingues, ses petits pouvoirs magiques et ses petits poings. On gagne du butin, on grimpe en niveau (car tout le monde, même les vétérans du premier épisode, repart à zéro), on change son équipement, on voyage jusqu'au niveau suivant, dans une nouvelle zone ou sur une autre planète, et on recommence. Parfois on souffre un peu parce que les ennemis sont d'un niveau supérieur au nôtre, ou parce qu'il y a un boss, mais le reste du temps on trimbale sa carcasse plutôt tranquillement. La mission solo montrée par Bungie, le premier niveau de Destiny 2, changeait tout de même un peu par rapport à celles du premier jeu, avec un aspect plus scripté, des interactions avec d'autres personnages... Pour un peu, on aurait pu se croire dans un Halo. De fait, Bungie promet que cette fois, les PNJ seront un peu mieux intégrés aux missions, qu'ils ne serviront pas qu'à donner des quêtes dans le hub central. Et que le monde sera lui un peu moins mort, moins vide, avec plus d'activités et de personnages, pour s'occuper même en solo. Bon, ce ne sera pas une promesse difficile à tenir : difficile de faire plus morne que les mondes du premier Destiny.
Note 1 : Destiny 2 conserve les classes et sous-classes du premier, mais ajoute de nouvelles sous-classes : dawnblade pour le warlock, arcstrider pour le hunter et sentinel pour le titan.
La version PC Que sait-on de la version PC de Destiny 2 ? Tout d'abord qu'elle n'est pas développée en interne chez Bungie, mais sous-traitée à (pardon, « développée en proche partenariat avec ») Vicarious Visions, une filiale d'Activision qui, ces dernières années, enchaînait les Skylanders. Parmi les promesses de Bungie, on notera un curseur pour régler le FoV, un support complet du clavier-souris avec même la possibilité de reconfigurer les touches (waouw ! c'est carrément le futur, là), un frame rate « non limité » (contre 30 images par seconde au max sur consoles), la possibilité de jouer en 4K, une interface un peu modifiée... Côté mauvaises nouvelles, Bungie ne prévoit pas de serveurs dédiés. Le tout sortira uniquement sur Battle.net (permettant à Activision Blizzard de ne pas refiler une partie de ses revenus à Steam), mais un peu plus tard que sur consoles (où il est prévu pour le 8 septembre), pour « faire ça comme il faut ».
Io, Io, on rentre du boulot. Pour des raisons scénaristiques (que les fans connaissent sûrement déjà et qui ennuieront les nouveaux, alors autant faire l'impasse), les zones du premier jeu seront inaccessibles dans la suite, et on se baladera donc uniquement dans de nouveaux coins. Enfin, nouveaux... Le premier épisode avait connu un développement difficileNote : 2, et une grande partie de son contenu avait été coupée avant la sortie. Comme le jeu n'a pas changé de moteur, on en retrouvera des bouts dans Destiny 2, comme l'European Dead Zone (EDZ), la nouvelle grande carte sur Terre. Côté nouvelles planètes, on aura droit à Titan (lune de Saturne où d'immenses bases flottent sur un océan de méthane, et où l'on rencontrera de façon très logique Zavala, le chef des titansNote : 3), Io (mystérieuse lune sulfurique de Jupiter) et Nessus, où végétation florissante et constructions des Vex se mélangent. Les Vex qui, de toute évidence seront de retour, comme les Cabals, qui sont pour le moment présentés comme les principaux adversaires du jeu. Aura-t-on droit à un nouveau bestiaire (et, rêvons un instant, à des combattants plus intelligents, ce qui ouvrirait la porte à des affrontements moins répétitifs ?) ou faudra-t-il se contenter de variations des ennemis de Destiny ? Pour l'instant, tout ce qu'a montré Bungie semble aller dans le sens de cette dernière hypothèse.
Note 2 : Destiny 2 aussi, d'ailleurs, puisqu'il sort avec un an de retard. En fait, selon le contrat initial signé par Bungie et Activision en 2010, c'est Destiny 3 qui devait sortir fin 2017. Remarquez, ce contrat prévoyait aussi que Destiny 1 sortirait sur PC, donc clairement tout ne s'est pas passé comme prévu.
Note 3 : La classe de personnage, bien entendu.
Après des années de disette, Destiny 2 paraît soudain bourré à craquer de contenu.
Au Cabal masqué. Du côté des nouveautés annoncées, notons en vrac de nouvelles armes (et de nouveaux types d'armes), un mode multijoueur simplifié (désormais, tout se fera en quatre contre quatre), un nouveau mode de jeu calqué sur Counter-Strike (une équipe doit poser une bombe dans le camp adverse et la défendre... L'année 1999 a appelé, elle voudrait déposer une main courante), la possibilité de gérer son clan directement dans le jeu, l'ajout de ce que Bungie appelle les « guided games » et qui ressemble en fait très fort à du matchmaking pour les raids, la possibilité de passer d'une planète à une autre sans faire une pause en orbite... Plein de petites choses qui amélioreront le confort de jeu mais qui, fondamentalement, ne révolutionnent rien. Le matchmaking pour les raids (qui permettra à un clan de prendre temporairement un joueur, ou à un joueur solo de se trouver une équipe pour profiter ponctuellement de ce que Bungie appelle « le contenu le plus unique de Destiny ») a tout de même l'air plutôt malin, s'inspirant visiblement des sites de rencontre, publication de petites annonces comprises. Côté contenu, Destiny 2 devrait être aussi rapiat que son prédécesseur : outre la campagne solo, le mode multijoueur compétitif et de nouveaux « strikes » (les missions coopératives moins longues que les raids), il ne contiendra au lancement qu'un seul raid. S'il faut attendre un an et la prochaine extension (il y en a déjà deux qui sont annoncées) pour voir le suivant, ça fera un peu léger.
Destiny's child. Bungie a tellement affamé les joueurs de Destiny, offrant si peu de nouveau contenu dans le jeu d'origine puis dans ses (fort chères) extensions, que les vétérans de la série prendront n'importe quelle nouveauté avec plaisir tant que ça leur permet d'assouvir leur faim de raids et de butin. Ce n'est pas un syndrome de Stockholm, car personne n'est véritablement otage de Bungie dans cette histoire, mais on peut peut-être parler de syndrome d'Uppsala (70 km au nord de Stockholm) ou quelque chose du genre. Face à pareille radinerie, fatalement, des fonctionnalités qui tombent sous le sens (comme la gestion des clans intégrée au jeu, ou le matchmaking pour les raids, des trucs basiques pour un jeu connecté) deviennent tout d'un coup des grosses nouveautés, des points forts de cette suite. On frise le foutage de gueule, mais tout le monde semble prendre ça avec le sourire. Après tout, après des années de disette, Destiny 2 paraît soudain merveilleux, bourré à craquer de contenu à découvrir et de magnifiques planètes à explorer... alors qu'en l'examinant avec un peu de recul, tout ce qu'a annoncé Bungie donne plutôt l'impression d'un Destiny 1.5. Et malgré tout, on rechaussera cette vieille pantoufle sûrement sans déplaisir, mais en se demandant tout de même s'il ne serait pas temps d'acheter un nouveau modèle.