Personne ne dit « Full Métal Planète », tout le monde dit « Feu-meu-peu », car lorsqu’on aime quelque chose d’un amour tendre et vrai, on lui donne un petit nom. Et la simple évocation du nom du jeu provoque la même réaction chez tous ceux qui y ont joué à la fin des années 1980 ou plus tard, en héritant d’une boîte familiale : « Ah oui, le jeu de minage là ! Avec les tanks et les roches. C’était bien ça, je m’en referais bien une partie un jour. »
Le point & click est un des grands anciens du jeu vidéo. Du chef-d’œuvre au navet, une chose est sûre, plus personne ne s’extasie devant la mécanique en elle-même. Dans le jeu de plateau, c’est encore le cas. Attendez que quelqu’un sorte un jeu en free-to-play avec des microtransactions et il va décrocher un Spiel des Jahres.
Le roi est mort, vive le… hop hop hop, pas si vite ! C’est que je n’ai pas encore décidé exactement quelles fesses me conviennent le mieux sur le trône de notre belle Angleterre. Celles d’un Anglais méprisant, d’un Écossais bourru ou d’un Gallois malpoli ? J’hésite, je tergiverse. C’est tellement complexe d’être un homme de l’ombre et de déterminer le nouvel idiot utile à qui l'on va prêter allégeance.
Les éditeurs Super Meeple et Tiki s’associent pour rééditer un jeu de construction et de communication de 2013 : « La Bocca ». Pour commencer, ils ont complètement explosé la magnifique cohérence entre le thème, le matériel et le nom de l’original. Parce que le bâtiment, c’est d’abord la passion de casser.
En voyant ce jeu estampillé « Astérix » et sa tonne de figurines identiques, je me suis dit « On pourrait très bien faire le même jeu sans tout ça et ça coûterait deux fois moins cher ». Il s’avère que c’est exact, que ce jeu alternatif existe bien mais qu’en réalité, je ratais complètement ce qui en fait tout l’intérêt.
Surtout, ne pas alerter le KGB. Des morts, des codes, des attentats, l’affaire était délicate. Entre les voyous locaux, les indics, les chausse-trappes et les fausses pistes, il fallait être discret et habile. La boulette, c’est lorsque j’ai dit « Excusez-me, i have sans doute sauté une carte because je ne sais pas du tout qui est ce Günter que tout le monde cherche, ni why ». Là, tout le monde a compris, « Oh, lui, il est de la CIA ».
J’y ai cru. Quand Kahn Lusth m’a dit « Perco, cette semaine tu fais Essen », j’ai tout de suite commencé à préparer ma valise. Des vêtements chauds, un exemplaire de « Parler l’allemand sans avoir l’air d’un scientifique fou », de la nourriture consommable – je ne partage pas la passion de mes collègues pour le Currywrust –, j’étais prêt. En réalité, j’allais bien parler du salon d’Essen, mais celui de 2013.
J’ai un aveu à vous faire. Je vis à Paris, j’ai un enfant de moins de deux ans, mon chef est Kahn Lusth et, pourtant, je ne suis pas du tout masochiste. J’ai juste fait deux ou trois choix un peu hasardeux dans ma vie. Alors un jeu silencieux qui s’appelle Tranquillité, j’avais plus que des attentes, j’avais des besoins.
Je suis un rêveur. Je veux croire à un monde dans lequel les excités de la bagarre, qui n’aiment que les figouzes et les acharnés de la gestion, qui n’aiment que les petits pions d’action, puissent se tenir la main et se taper avec amour. Un endroit beau et inclusif. Ce monde existe. Ce monde, c’est Kemet : Blood and Sand.