La simulation de vol a beau être un secteur de niche dans le paysage vidéoludique, le nombre de pratiquants n’a pas l’air de trop baisser avec le temps. Non seulement les vieux de la vieille refusent d’abdiquer, quitte à jouer sur de vieux tromblons moddés jusqu’au trognon par des bricoleurs aussi fous que talentueux (coucou, Falcon BMS !), mais en plus, de petits nouveaux s’y mettent. Rien que dans mon entourage, mon camarade Louis-Ferdinand Sébum a choisi de devancer la crise de la quarantaine en ingurgitant le manuel du A-10C sur DCS – ce qui occasionne de plaisantes discussions le matin, autour d’un café, sur les avantages comparés de largages de bombes lisses en CCIP ou en CCRP – et plusieurs personnes ont découvert sur le tard le charme du combat aérien de la Seconde Guerre mondiale.
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IL-2 : Battle of Kuban
Crimée et châtiments
On a longtemps pensé que le simmeurNote : 1 était une espèce en voie d’extinction. Prédiction renforcée par la disparition manifeste et progressive de son habitat, la simulation hardcore. Mais à l’aube de cette année 2018, l’espèce se porte indéniablement mieux, comme en témoigne la vigueur de la licence IL-2 qui, avec Battle of Kuban et Battle of Bodenplatte, s’apprête à sortir ses troisième et quatrième extensions stand-alone.
Note 1 : Un simmeur est un humanoïde dont le corps est composé à 70 % d’eau et le bureau à 70 % de périphériques hors de prix, et qui, dans sa version aérienne, ne s’amuse jamais tant que quand il fait décoller, voler et atterrir (ou planter dans le sol) un aéronef plus ou moins antique.
On est probablement devant ce qui se fait de mieux actuellement en matière de sensations de vol.
Saga à la dérive. Du côté des éditeurs de jeu, ça ne va visiblement pas trop mal non plus, merci de vous inquiéter. Outre Eagle Dynamics qui maintient son DCS World à flot (voir encadré), on voit des moddeurs devenir pros (la Team Fusion, à qui l’on doit le relooking d’IL-2 : Cliffs of Dover, « ressorti » depuis dans une Blitz EditionNote : 2). Et pour 1C Game Studios, anciennement 777, les choses ont l’air d’aller un peu mieux après le lancement en demi-teinte d’IL-2 : Battle of Stalingrad en 2013. Pour mémoire, ces développeurs russes, déjà auteurs de l’estimable simulateur de coucous de la Première Guerre mondiale Rise of Flight, étaient attendus comme des sauveurs après l’effroyable four de Cliffs of Dover. Mais à sa sortie, malgré ses jolis graphismes et ses modèles de vol très convaincants, BoS constituait un empilement de choix de game design douteux et d’absences incompréhensibles, notamment d’une campagne solo digne ce nom, d’un éditeur de missions et de la possibilité d’héberger des serveurs multijoueurs privés.
Note 2 : Heureusement gratuit sur Steam pour les possesseurs du titre original.
DCS : demandez le programme Avec la finalisation (« un jour ») de sa carte Normandy 44, Eagle Dynamics deviendra un concurrent direct de 1C Game Studios. Mais en attendant, c’est plutôt du côté du canal historique, à savoir DCS World et ses jets plus ou moins modernes, qu’il y a du mouvement. À commencer par ce si attendu passage en version 2.5 – spectaculaire changement de moteur graphique à la clé – qui a été officiellement annoncé pour la fin de ce mois de janvier. Du côté des appareils, certains modèles particulièrement emblématiques sont attendus sous peu, tels le F/A-18 Hornet ou le F-14 Tomcat. Ce dernier, en plus de permettre de rejouer les scènes les plus mémorables de Top Gun – qui n’incluent pas des roulages de pelle au ralenti – sera livré avec une toute nouvelle IA pour occuper le rôle du RIO, le navigateur qui renseignera le pilote, voire commentera ses actions. En revanche, à l’exception du détroit d’Ormuz, promis depuis belle lurette mais pas daté, pas de nouvelles cartes prévues. Toujours aucun théâtre coréen pour faire évoluer les Sabre et MiG-15, ni de Vietnam pour voir s’épanouir les Huey, MiG-21 ou les futurs MiG-19, F-4E Phantom et A-4E Skyhawk en cours de développement, alors que côté matos l’offre s’étoffe, et parfois de manière surprenante (avion-école Yak-52, appareil de voltige Christen Eagle 2, GPS pour l’hélicoptère Mi-8, moui, moui, moui…). Bref, ça bouge, mais peut-être pas assez pour faire se dépêtrer DCS de son image de « soft d’apprentissage » dépourvu de contenu un peu excitant, qu’il soit solo ou multi.
Kremlin 2 : a new batch. Depuis, le studio a sorti Battle of Moscow et la licence a considérablement évolué. Les maladroites et calamiteuses tentatives de séduire les publics de War Thunder ou World of Tanks à coups de gains d’XP et de déblocage de modules (bombes, canons, mitrailleur, livrées…) ont pris une balle dans la nuque avant d’être enterrées dans un coin perdu de l’Oural. L’éditeur, bien qu’effroyablement complexe, a fait son apparition, tout comme les serveurs privés. Avec l’arrivée très prochaine de Battle of Kuban, initialement prévu fin 2017 mais repoussé de quelques semaines, le IL-2 nouvelle génération va continuer de s’étoffer. Côté multi, le mode coopératif va être implanté – les serveurs actuels fonctionnent tous en mode dogfight, dans lequel on entre et sort à l’envi – tandis que le jeu en solo s’annonce un peu moins déprimant. À la traditionnelle campagne historique présente depuis BoS, enchaînement pas franchement excitant de missions générées aléatoirement, s’ajoute un mode carrièreNote : 3 assez proche de celui mis en place dans Rise of Flight. Le joueur pourra sélectionner un escadron parmi ceux historiquement présents et se lancer dans le grand bain, accumulant les sorties, victoires et médailles jusqu’à périr comme un con, le visage encastré dans le tableau de bord parce que son moteur a serré au moment où il franchissait un col de montagne.
Note 3 : Il sera également intégré, a assuré le studio, aux théâtres de Stalingrad et Moscou, que l’on achète le nouvel opus ou pas.
Caucase toujours. Ben oui : au cas où vous vous poseriez la question, on ne fait pas que tirer sur des raclures nazies ou de la vermine communiste dans IL-2 : on gère le pas d’hélice, la richesse du mélange air-carburant, les surpresseurs, les températures, les radiateurs et on apprend à respecter le domaine de vol de son appareil sous peine d’entamer une esthétique, mais problématique, vrille à plat. Sauf à voler avec toutes les options de réalisme décochées, ce qu’on veut bien tolérer au début mais à un moment il faut grandir et enlever les petites roues du vélo, IL-2 se veut réaliste, technique et exigeant. Les vols exécutés sur la bêta de Battle of Kuban confirment d’ailleurs qu’on est probablement devant ce qui se fait de mieux actuellement en matière de sensations de vol. Et pour ne rien gâcher, cette nouvelle carte du Caucase est sublime. Mieux : la présence des rivages de la mer Noire, de reliefs escarpés et de verdure à perte de vue lui donne presque un côté « Club Med » en comparaison des régions plates, souvent arides, auxquelles on avait eu droit jusqu’alors. Bien évidemment, BoK arrive avec sa fournée d’avions, ajoutant huit modèles aux seize existants (hors avions premium, accessibles via les éditions du même nom ou séparément sur la boutique en ligne). Outre les habituelles déclinaisons d’appareils déjà présents (Yak-7b, IL-2 AM-38F, Bf-109 G4, Fw 190 A-5, Bf 110 G-2), on note une coloration « crédit-bail » pour cet épisode, avec l’arrivée des Airacobra P-39L-1 et A-20 Havoc américains, ainsi que du Spitfire Mk VB anglais (premium, celui-ci).
À l’ouest, bientôt du nouveau. « Mais, objecterez-vous, tout cela c’est bien joli mais pour la troisième fois, c’est sur le front russe que cela va se dérouler, et les Popov, j’en ai un peu ras la frange. » Tout d’abord, merci de garder vos saillies xénophobes pour vous. Ensuite, j’ai de bonnes nouvelles : 1CGS a dévoilé sa feuille de route pour les mois à venir et la prochaine extension, toujours stand-alone et dont l’accès anticipé est attendu pour le printemps prochain, s’intitulera Battle of Bodenplatte. Je vous épargne une recherche sur Wikipédia : cette opération s’est tenue en janvier 1945 lors de la bataille des Ardennes et visait, pour les Allemands, à porter un grand coup aux forces aériennes alliées. Et s’est conclue par la volatilisation de la Luftwaffe. Outre un changement bienvenu de théâtre, ce nouveau volet offrira la réjouissante perspective de voler sur les mythiques appareils que sont le P-51 Mustang, le P-47 Thunderbolt, le P-38 Lightning, le Tempest ou encore le Me 262 allemand, premier chasseur à réaction de l’histoire. Et après cela ? Direction le Pacifique, et potentiellement les batailles de Midway ou d’Okinawa. Une facette de la Seconde Guerre mondiale que le studio désirait exploiter plus tôt mais qu’il a préféré repousser en raison de la masse de travail requise par la modélisation des dégâts sur les navires et l’analyse des documents techniques japonais d’époque pour modéliser fidèlement les appareils embarqués de la marine impériale. Pas encore de date annoncée pour cette future migration mais au vu du programme à venir, on serait étonné de voir la poussière et les toiles d’araignée encrasser les Hotas.