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Genre : tuiles, placement, draft
Créateurs : Whitney Loraine, Josh Camden
Illustrateur : Jola Sopek
Éditeur : Th3rd World Games (pas de VF, uniquement sur Kickstarter ou en import)
Nombre de joueurs : 2 à 6
Nombre de joueurs optimal : 4 ou 5
Durée : 30 minutes
Complexité : simple
Surface de jeu recommandée : table de salon
Prix : 50 €
À la base, tout partait un peu d’une blague. On a aperçu la campagne Kickstarter de Charcuterie en fin d’année dernière, alors qu’elle culminait déjà à presque 90 000 dollars et que les premières versions lançaient leur production. Il ne m’en fallait pas plus pour décider d’aller harceler la rédaction pour faire passer cette indispensable dépense en note de frais, et en parler dans l’un des prochains hors-séries. J’ai donc reçu la version Kickstarter complète, avec toutes les contreparties promises par les créateurs du projet. Un petit sac en tissu qui ressemble à du fromage, des planches cartonnées avec un effet « bois massif », et même une planche à découper pour se faire passer les pions. Vous pouvez aussi décorer la table avec vos propres couteaux ou ustensiles de cuisine, si vous avez confiance en vos invités.

C’est l’heure de plancher

Malins que vous êtes, vous avez peut-être déjà remarqué qu’il y a un thème qui se dégage : oui, Charcuterie est un jeu qui parle de planches. Et de fromage. Et de charcuterie. Plus précisément, c’est un jeu d’ambiance et de placement de tuiles où les gens autour de la table vont jouer à tour de rôle « l’hôte », qui invite les autres joueurs dans son salon pour une petite soirée. Et parce qu’on sait recevoir par ici, on organise même un concours. La personne qui crée la plus belle planche apéro gagne la partie.

Mécaniquement, c’est plutôt futé. L’hôte de la partie choisit quels aliments il pose au centre, en les groupant par petits paquets. Il laisse ensuite la main au joueur suivant qui doit choisir un paquet d’aliments à disposer sur sa planche, puis le joueur suivant et celui d’encore après jusqu’à ce que tout le groupe ait pu se prendre au petit jeu du draft. Le truc, c’est qu’au début de la partie ont également été tirées des petites cartes d’objectif communes à tout le monde, qui vont définir la façon dont chacun devra placer les aliments sur sa planche. Réunir plusieurs fromages ensemble peut par exemple donner plus de points, poser un combo crackers-raisin-gouda aussi, ou partir sur un petit build salami-rosette pour se spécialiser dans la charcuterie peut être la meilleure décision. Remplir tous les objectifs est impossible, il faut donc se spécialiser et choisir son combat pour remporter plus de points que le reste de la tablée.

Peu de pain sur la planche

Le jeu s’appelle Charcuterie, c’est quand même marqué en GROS avec du vernis sur la boîte. Alors qu’on parle de fromage et de crackers à la limite, passe encore, mais pourquoi on vient nous enquiquiner avec des légumes et des fruits à poser sur la planche ? Les Américains, tout simplement. Ils ont une pratique de la planche bien différente de la nôtre, voilà pourquoi on se retrouve à jouer avec des morceaux d’orange sanguine, de la sauce ranch, des fraises ou du Colby, qui reste à ce jour le fromage le plus ennuyeux jamais inventé.

Comme à la fin d’une épreuve de Top Chef, tout le monde lève les bras une fois que les aliments ont fait un tour de table complet.

À savourer entre salamis

C’est là que Charcuterie devient un autre jeu. Un jeu où tout le monde se retrouve avec une quinzaine d’aliments sur les bras et essaye de décrypter la section des règles qui explique comment la nourriture doit être disposée. Attention, il ne faut pas confondre les « groupes d’aliments » avec les « aliments adjacents », les « paires d’aliments » s’opposent aux aliments uniques… Et bien évidemment, toutes ces conditions sont cumulables.

S’ajoutent à cela des règles universelles, comme l’interdiction qu’un aliment ne dépasse de la planche ou l’obligation pour tous les pions nourriture d’être en contact direct avec la planche. En finalité, on doit donc jongler avec tout un tas de contraintes plutôt chiantes qui définissent le contenu des planches. C’est la partie la plus méticuleuse du jeu : quand on lève les yeux, on peut voir tout le monde triturer ses petits aliments en carton pour caler le chou-fleur sous la tapenade sans que celle-ci ne touche les carottes, elles-mêmes encerclées par le roquefort.

Dites-le avec des choux-fleurs

Comme à la fin d’une épreuve de Top Chef, tout le monde lève les bras une fois que les aliments ont fait un tour de table complet. On a interdiction de modifier quoi que ce soit sur sa planche, car c’est l’heure de compter les points. Sans aucun doute la partie la plus longue et chaotique du jeu, même quand on connaît les règles. « Mais non, tu vois bien que mon salami ne dépasse pas du bord ! », dit l’un. « Et puis de toute façon, là ton gouda est collé à la baguette, donc ça forme un groupe », rétorque un autre. Un troisième joueur tente de se faire entendre : « Vous avez mal compté là, j’ai douze points avec le chou-fleur, pas dix ! » Un joyeux foutoir plein de mauvaise foi et d’interprétations douteuses, qu’on peut adorer ou détester. Personnellement, j’ai moins aimé cette partie du jeu, même si j’ai conscience que c’est là que certains types de joueurs vont s’en donner à cœur joie.

Un tiers draft, un tiers placement et un (gros) tiers mauvaise foi, Charcuterie est un pot-pourri d’influences qui se joue beaucoup en pinaillant, mais c’est ce qui fait le sel de ses parties. Pas sûr que je le ressorte toutes les semaines, mais c’est l’une de ces boîtes rigolotes avec suffisamment de bonnes idées à l’intérieur pour occuper une bande d’amis gourmets le temps d’une soirée.

Images © Th3rd World Games