Bordel, 130 heures ? C’est cinquante de plus depuis le test du jeu en mai 20161, ça. J’aurais pu en faire, des trucs constructifs, en 130 heures : réparer ma douche qui fuit, apprendre à jouer de la bombarde pour emmerder mes voisins, offrir une sépulture décente à Théodule, mon pauvre poisson rouge devenu tout blanc… Au lieu de cela, j’ai mené les campagnes des quatre factions jouables dans le jeu de base, puis tout rasé avec mes armées du Chaos, saccagé les terres du Vieux Monde avec les hommes-bêtes, expérimenté des alliances improbables en multijoueur coopératif, pris la tête du mouvement éco-terroriste des elfes sylvains…
1. 8/10 dans le Canard PC n° 340.
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Total War Warhammer
La guerre totale des DLC
On ne dirait pas, comme ça, mais Canard PC est constamment à la pointe de la technologie. Le choix des jeux à tester dans le magazine, par exemple, est effectué par un supercalculateur refroidi à l’azote qui utilise un algorithme ultra-puissant garantissant une sélection purement aléatoire. Pour la rubrique On y joue encore, en revanche, c’est plus artisanal : on regarde sur Steam le temps passé par chacun sur ses jeux. Avec plus de 130 heures à mon compteur, on a donc habilement déduit que Total War : Warhammer constituait un excellent candidat.
Orques de triomphe. C’est qu’il y en a eu, des ajouts, dans ce Total War : Warhammer. Comme on le prédisait avant même sa sortie, la collaboration entre The Creative Assembly et Games Workshop – deux sociétés dont les capacités d’essorage de portefeuilles ne sont plus à démontrer – a engendré une palanquée de DLC payants. Au milieu de ce coûteux contenu (il y en a à ce jour pour 60 euros au total, soit le prix du jeu de base), on en trouve certes quelques-uns de gratuits. Grey Wizard et Jade Wizard, d’abord, qui rajoutent de nouvelles écoles de magie. Mais le vrai petit plus, c’est Wurrzag. Un nouveau leader orque, à la tête d’une nouvelle faction (les Mains sanglantes), qui possède une accointance particulière avec les orques sauvages, ses propres quêtes scénarisées et qui justifie à lui seul de relancer une grande campagne pour peu que l’on goûte au type de jeu spécifique des peaux-vertes. Si vous n’avez pas relancé TW:W depuis un moment, il y a par ailleurs de grandes chances que vous soyez dépaysé aujourd’hui, même sans avoir déboursé le moindre centime. Les nouvelles unités et factions intégrées par les DLC payants, et dont on parlera plus loin, sont en effet utilisées par l’IA. Il faut donc se préparer à voir, entre autres, débarquer des hordes d’hommes-bêtes qui n’aiment rien moins que harceler vos armées faiblardes et piller une ville dès que l’occasion se présente, ou assister aux effets du rouleau-compresseur elfe sur le Vieux Monde.
Chaos technique. Prendre le contrôle du Chaos, la faction qui fait office de croque-mitaine dans le jeu de base, était l’objet du tout premier DLC pour TW:W - Chaos Warriors Race Pack, vendu 7,50 euros – qui était, en son temps, offert en bonus de précommande. Changement radical de gameplay pour cette faction qui se joue en horde mobile, sans aucune colonie, à la manière des Huns de Total War : Attila. Pas évidentes à maîtriser, constamment à la recherche de territoires à ravager pour faire croître la horde et assurer l’entretien des deux à trois armées nécessaires, in fine, à une fin des temps digne de ce nom, les troupes chaotiques sont plaisantes à jouer, mais la justification du prix n’est pas franchement évidente. Passons rapidement sur Blood for the Blood God, le DLC qui, pour 2,50 euros ajoute des effets sanguinolents aux batailles. Cela devient une – sale – manie chez Sega et The Creative Assembly et outre son prix disproportionné, il se montre à la fois limité par certains aspects2 et excessivement zélé, au point que l’on se croirait parfois devant une version fantasy de Braindead. Dommage, car les démembrements et les décapitations font couleur locale dans l’univers de Warhammer…
2. Si le cœur vous en dit, certains mods, comme le Radious Blood Mod, permettent toutefois de l’améliorer.
Les nouveaux saigneurs. Poursuivons l’exploration du panier boursoufflé de la ménagère kislévienne avec The Grim and the Grave et The King and the Warlord. Deux DLC vendus 7,50 euros chacun et qui possèdent de nombreux points communs, puisqu’ils ajoutent des unités, des bâtiments spéciaux, des leaders, des seigneurs et des régiments de renom, unités uniques d’élite. Le premier se focalise sur l’Empire et les comtes vampires, le second sur les nains et les peaux-vertes. N’allez pas croire que les deux se valent, loin de là : contrairement à son pote, que l’on qualifiera poliment de « très dispensable », The King and the Warlord propose de nouvelles zones de départ et des objectifs inédits pour les deux leaders, ce qui donne aux campagnes naines et peaux-vertes une dimension nouvelle (et autrement complexe), justifiant pleinement de les rejouer. S’il ne fallait choisir qu’un DLC payant dans la liste, ce serait celui-là. Ne serait-ce que parce que Skarsnik, le nouveau leader gobelin, est un gros fan de squigs, qu’il en a d’ailleurs un en animal de compagnie, et que les squigs, c’est con, c’est rigolo et ça colle un boxon pas possible dans les rangs ennemis.
Boucs et misères. Terminons, enfin, avec les gros morceaux. Les DLC à 17,50 euros chacun qui apportent deux nouvelles factions à TW:W. Livrées avec une mini-campagne qui se déroule sur une mini-carte inédite permettant de se familiariser avec leurs spécificités, elles sont évidemment toutes deux jouables – et c’est d’ailleurs là le plus intéressant – sur la carte de la grande campagne. Call of the Beastmen offre la possibilité de commander les hommes-bêtes évoqués plus haut. Un fonctionnement qui emprunte au Chaos pour le système de horde, et aux orques pour la jauge de combativité permettant de faire apparaître une harde de Brays (équivalent de la Waaagh) et dont la capacité à entamer des batailles classiques sous forme d’embuscades lui donne des airs de guérilleros à cornes et poil dur. Realm of the Wood Elves, dernier DLC en date, intègre lui les elfes sylvains. Beaucoup plus rafraîchissant et novateur que le précédent, il nous colle à la tête d’une faction délicate à manipuler. Car si les unités « arbres » (pensez aux Ents du Seigneur des Anneaux) sont solides, les elfes se voient souvent gratifiés, à raison, du qualificatif « glass cannon » (canons de verre dans la langue brexitienne) en raison de leur rapidité et de leur puissance inversement proportionnelles à leur résistance. Qui plus est, nos amoureux de la nature peuvent coloniser toute la carte, mais en dehors de leurs provinces traditionnelles, surpuissantes d’un point de vue logistique car possédant jusqu’à dix emplacements de structures, ne peuvent bâtir que des avant-postes un peu pourlingues.
Euros-vision. Le contenu est indéniablement de qualité, quant à savoir si le prix exigé est justifié, c’est à l’appréciation de chacun. Tout juste peut-on dire que chacun de ces deux DLC représente, en plus de challenges assez relevés, une bonne vingtaine d’heures de jeu. De quoi relativiser (ou pas) ou inciter (ou pas) à la patience jusqu’à février, quand la faction des bretonniens sera livrée gratuitement à tout le monde. Huit mois après sa sortie, on a en tout cas une double confirmation : d'abord celle que l’univers de Warhammer colle à la perfection à la saga Total War ; et ensuite que pour en profiter pleinement, la revente d’organes non vitaux ou l’arrachage de sacs à main de petites vieilles risquent de devenir une nécessité.