Bien sûr, quand j'ai lancé Airport CEO, il m'a proposé de lire des pages de mode d'emploi. Et comme de coutume, avec plus d'un millier d'heures cumulées sur Dwarf Fortress, Prison Architect et autres jeux de gestion ou de construction en 2D, je lui ai dit : « T'es gentil gamin, tu gardes tes tutos et tu laisses passer le professionnel. » Quelle erreur. Dans Airport CEO, rien n'est simple. Tenez par exemple, je trace à la souris les fondations du terminal de mon aéroport, j'attends que des petits travailleurs arrivent pour le bâtir, et rien ne se passe. Non, il faut aller dans un menu bien planqué, signer un contrat avec une entreprise de BTP puis convoquer les ouvriers. J'installe ensuite une piste d'atterrissage, une place de parking pour avion, un comptoir d'enregistrement et... rien ne se passe non plus. Résigné, j'entame alors une plongée dans le manuel « Construction » en sept étapes, avec images illustrées, pour piger ce qui se passe.
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Airport CEO
Jeu de gestion en phase Terminal
Voici quelques mois, dans le Canard PC no 357, je testais la version anticipée de SimAirport. Ma conclusion peu enthousiaste en appelait à votre sagesse : « Attendez quelques numéros que nous tripotions son concurrent, Airport CEO, afin d'être sûr de miser sur le bon cheval. » Voilà, le jour est arrivé où nous allons enfin pouvoir comparer les deux rivaux. J'espère que vous avez été patients.
Ah, il faut gérer ça aussi ? Une bonne heure plus tard, j'ai enfin un aéroport archibasique qui commence tout juste à fonctionner. Parce qu'Airport CEO ne fait pas dans la simplification. Non, vous devrez tout prévoir, tout gérer. Il y a des tas de menus (un peu moches d'ailleurs), des machins à connecter à des bidules, des cases à cocher, des plannings à remplir... Le titre ne ment pas : il faut vraiment se taper le boulot d'un dirlo d'aéroport. Avant d'accueillir le moindre avion, j'ai dû séparer mon terminal en plusieurs zones (sécurisées et libres), installer des points de contrôle, embaucher le bon nombre d'employés à chaque poste – agents de sécurité, d'accueil, d'embarquement, d'entretien... –, vérifier que les comptoirs d'enregistrement étaient en nombre suffisant pour satisfaire les demandes des compagnies aériennes, signer des tas de contrats, dispatcher les horaires d'une trentaine de vols, placer les barrières-rubans servant à canaliser les queues devant les guichets... Il faut même construire à la main le trajet des avions sur les voies de circulation pour qu'ils transitent entre la zone d'embarquement et la piste. À côté, SimAirport ressemble à un jeu pour iPad. Mais l'activité est distrayante. On a vite fait d'y perdre deux heures sans s'en rendre compte. Et quand tout est mis en place et que le premier avion débarque ses premiers passagers, il y a de quoi être sacrément fier. Pourtant, je ne vous parle là que d'un aéroport de miséreux, même pas capable de ravitailler les avions ou de gérer les bagages des passagers...
Il est interdit de fulminer dans l'enceinte de l'aéroport. Ahh, les bagages... C'est là qu'Airport CEO a commencé à me brutaliser. Les instructions concernant les fonctionnalités avancées n'ont pas encore été écrites. Du coup, il faut y aller au pifomètre et... j'ai mis deux soirées. Deux soirées à lire les forums – les développeurs y postent en catastrophe quelques explications, car tous les joueurs sont bloqués. Deux soirées à installer des tapis roulants dans tous les sens, à connecter des bâtiments à des comptoirs, à fouiller des sous-menus de sous-menus pour trouver l'option indispensable, à me demander pourquoi mes employés restaient à se tourner les pouces alors que les valoches s'entassaient dans le terminal. Et cerise sur le gâteau, des bugs réguliers (véhicules bloqués, piste d'atterrissage irréparable, pathfinding dans les choux...) sont venus coincer mon curseur de frustration sur 11. Les développeurs sont réactifs et postent une mise à jour quasi quotidienne, mais on est loin d'un jeu praticable dans la sérénité. Et pourtant, parce que je suis désespérément accro à ce genre de titres, j'ai enchaîné les aéroports les uns après les autres, brûlant des cierges pour que mon système de ravitaillement en fuel fonctionne et que mes petits camions aillent bien décharger les zincs sans se piéger dans un mur invisible.
Vivement les plateaux-repas. Si cette version anticipée m'a parfois écœuré par ses mystères et ses bugs, je suis quand même à peu près certain d'une chose : Airport CEO a l'ambition d'être le plus réaliste des jeux de gestion d'aéroport. On sent bien que les développeurs veulent en reproduire le fonctionnement complet, avec toutes ses zones, ses métiers, ses boutiques hors taxes, ses problèmes de toilettes surchargées, ses avions qui partent en retard, ses ballets de véhicules de service tournant autour des avions... Il y a encore de belles lourdeurs dans l'interface – la gestion du planning des vols, par exemple, est épouvantable – mais les menus permettent déjà d'entrevoir la complexité que pourrait atteindre la version finale. Bientôt, il faudra gérer les aléas météo et les services aéroportuaires avancés, comme la livraison des plateaux-repas ou le dégivrage des avions. J'ai hâte de passer des heures de prise de tête intensive à essayer de faire fonctionner ce bazar.