Vous vous souvenez de la bataille médiatique qui eut lieu entre 2014 et 2015 aux États-Unis autour de la neutralité du Net ? L’arrêt « Open Internet Order » de 2015 avait fini par consacrer cette neutralité avec un fort soutien d’Obama contre le lobbying de certains, notamment les câblo-opérateurs. Mais Ajit Pai, le nouveau président de la Federal Communication Commission (FCC, équivalent de l’ARCEP chez nous) nommé par Trump, a bien l’intention de faire sauter ce verrou. Or, ce qui commence aux États-Unis a une fâcheuse tendance historique à débouler sous peu chez nous.
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Ne jouons pas avec la neutralité du Net
Ce n’est pas un scoop pour les joueurs, quelle que soit leur plateforme préférée, leur loisir est devenu lourdement dépendant d’une connexion internet. Ce qu’ils ne réalisent pas forcément, c’est qu'ils vont devoir suivre attentivement certaines évolutions législatives sur la régulation des télécoms, pour le bien de leur portefeuille.
Le jeu vidéo a toujours poussé la technologie dans ses retranchements.
Bombe à neutralité. La neutralité du Net, c’est ce qui interdit à votre fournisseur d'accès de limiter spécifiquement votre usage de certains services gourmands dans votre contrat, ou à vous offrir des services payants supplémentaires pour vous affranchir de ces limitations. C’est ce qui lui interdit aussi, par exemple, de limiter la bande passante pour tout ce qui relève de la vidéo sauf pour le service ou bouquet qui acceptera de lui verser une dîme pour passer dans ses tuyaux. C’est, pour ses défenseurs, ce qui permet d’assurer une concurrence saine sur Internet, sans que les grosses boîtes en place ne puissent acheter la qualité de service pour étouffer l’apparition et la popularité de leurs challengers.
À l’inverse, les opérateurs plaident que rien ne changerait chez la majorité des clients, mais que pour assurer investissements dans les infrastructures et qualité de service globale, ils ont besoin de la possibilité de réguler les consommations extrêmes ou atypiques, ces pics qui font souffrir tout le système. Or, « extrême » et « atypique », c’est exactement la définition de la consommation internet des joueurs. Le jeu vidéo a toujours poussé la technologie dans ses retranchements, qu’il s’agisse des premiers MMO quand l’internet balbutiait ou du téléchargement de jeux entiers quand Netflix en était encore à envoyer des DVD par la poste.
Premiers arrivés, premiers taxés. Les répercussions potentielles pour les joueurs-consommateurs américains sont faciles à voir : les forfaits « data » pour ne pas être limité sur le téléchargement de jeux ou le visionnage de Twitch, les forfaits « performances » pour un ping et une latence acceptables, ou encore les accords que pourraient passer tel constructeur ou tel autre pour s’assurer que son service est privilégié (imaginez Sony et son Playstation Now). Mais si les consommateurs sont touchés, les studios aussi, qu’ils utilisent un prestataire cloud (et si c’est le concurrent qui obtient la voie rapide ?), développent un jeu en ligne (avec quels joueurs si les factures explosent ?) ou simplement un jeu mobile (si Google paye pour être prioritaire, quid de mon jeu iPhone ?). Il ne faut pas croire que ce sont des hypothèses purement théoriques. En février 2017, le procureur général de New York a décidé de poursuivre le câblo-opérateur TWC pour infraction à la neutralité du Net, l’accusant entre autres d’avoir laissé délibérément se dégrader son service pour faire passer à la caisse Netflix, bien sûr, mais aussi… Riot Games, développeur de League of Legends.