Entre ces trois first-person shooters, il n'y aura pas de match sur le plan technique. Red Orchestra 2, sorti quand Sarkozy était président, montre forcément son âge. Post Scriptum, un an après sa sortie, continue de souffrir de sévères problèmes de performances sur certaines cartes, malgré des décors taillés à la serpe. Hell Let Loose les éclate joyeusement, exploitant très correctement l'Unreal Engine. Sur un gros PC – impératif lorsqu'on veut jouer à un shooter multi où plus de 80 joueurs gambadent sur une carte énorme –, le jeu est nettement plus beau que ses concurrents et l'affichage reste stable au-dessus de 50 FPS. Ça n'est pas aussi flamboyant qu'un Battlefield bien sûr, mais le studio indé Black Matter a quand même fait du beau boulot. Tout au plus peut-on reprocher une petite tendance à l'aliasing sur la végétation des cartes forestières. Rien de grave. Ça tourne bien, c'est propre, et les bugs sont supportables pour une version anticipée.
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Hell Let Loose
L'enfer, c'est les autres (qui spawnkillent)
Deux jeux se disputaient jusqu'à présent le marché du shooter tactique 39-45 : le vieux (mais toujours vaillant) Red Orchestra 2 et Post Scriptum, sorti l'année dernière. Hell Let Loose arrive sur le ring pour secouer tout ça, avec une version anticipée très propre et pas moins de cent joueurs simultanés sur de très jolies cartes campagnardes.
Après une année passée à aimer-haïr Post Scriptum, j'ai trouvé rafraîchissant de ne plus me taper des randonnées de trois bornes pour rejoindre la ligne de front.
Le TTK ? TKT. Hell Let Loose propose donc des batailles à 50 contre 50 sur de grandes cartes dont il faut conquérir un à un les points de contrôle. Les joueurs sont invités à se regrouper en escouades de six personnes avec un officier – le rôle le plus ingrat – tentant de diriger les traditionnelles classes de soldat de l'époque. Le rifleman part crever en première ligne, le medic ressuscite ses camarades, quelques classes de soutien peuvent réparer des machins ou poser des caisses de bidules, vous connaissez la chanson. Il existe aussi des escouades spéciales pour les blindés et l'artillerie. C'est très proche de Post Scriptum, les jeux sont quasiment des jumeaux, avec toutefois une vraie différence structurelle. Plus étroites, plus ramassées, les cartes de Hell Let Loose ont un TTK – Time To Kill, un terme technique de vRAiS gAm3rz indiquant le temps moyen avant de se prendre une bastos ou de tuer un ennemi – assez réduit. Pour peu que les points de réapparition mobiles soient correctement gérés par l'équipe, on met rarement plus de 20 secondes à arriver sur la ligne de front ou rejoindre l'escouade. En ce qui me concerne, après une année passée à aimer-haïr Post Scriptum, j'ai trouvé rafraîchissant de ne plus me taper des randonnées de trois bornes pour voir un peu d'action. Je range donc ça dans la catégorie « points positifs ». Les cartes de Hell Let Loose semblent avoir la taille idéale pour des équipes de deux équipes de 50 joueurs. Elles sont assez grandes pour permettre de belles manœuvres tactiques sans pour autant condamner les piétons à de longues marches dans des champs déserts.
Ablation des muscles dorsaux. Il y a en revanche quelques petites choses que le jeu réussit moins bien que Post Scriptum. D'abord, les mouvements. Attention, ça va faire mal : on ne peut pas se pencher. Croyez-moi, alors que tous les shooters tactiques font ça depuis 1952, ça fait bizarre de ne pas utiliser les touches A et E comme d'habitude. Ensuite, le spawnkill. C'est un peu la conséquence de la taille des cartes. Un joueur adverse pénible peut très bien investir une petite minute de son temps pour contourner soigneusement à pied la ligne de front, se placer dans le dos d'un point de réapparition mobile et tuer du joueur à la chaîne. Le problème est beaucoup plus présent que dans Post Scriptum, et c'est frustrant. Évidemment, dans une équipe bien commandée, avec des escouades ventilées correctement sur toute la largeur du front, le spawnkill est très réduit. Mais on ne joue pas toujours dans ces conditions.
Oui, je suis un lâche. Comme son frère ennemi Post Scriptum (et tous les autres shooters multi orientés teamplay), Hell Let Loose est en effet très dépendant du serveur sur lequel vous tombez. Avec plus de 80 joueurs présents, dans une escouade disciplinée, dirigée par un joueur volontaire et enthousiaste, la soirée est un régal. Les combats sont dynamiques, l'ambiance furieuse, c'est de la belle simulation de massacre 39-45. Dans le cas contraire, les parties deviennent de lentes agonies solitaires où l'on erre sans but en crevant à la chaîne. Bien sûr, il y a toujours le bruit impressionnant des obus qui pètent, la beauté d'un tank allié chargeant une tranchée ennemie, mais sans équipe, sans coordination, sans frères d'armes, les combats perdent les deux tiers de leur intérêt. Ainsi, lâchement, et bien qu'il soit déjà possible d'y prendre beaucoup de plaisir, je n'engagerai pas ma responsabilité en vous recommandant l'achat immédiat de Hell Let Loose. Il faut être prudent. Attendre quelques mois. Espérer que les développeurs publient des mises à jour régulières afin qu'une communauté motivée se cimente autour de leur jeu. Je ne veux pas vous voir d'ici quelques semaines débarquer dans mon immeuble avec une batte de base-ball et me dire « Yo, j'ai claqué 30 boules dans Hell Let Loose en suivant tes conseils et maintenant les serveurs sont vides, alors tes rotules vont payer sale journalope ».