Grâce à Session, j’ai enfin eu l’impression d’être Andrew Reynolds. Pendant plusieurs heures, j’ai tenté le même grind, sur la même barre, au-dessus des mêmes marches, jusqu’à parvenir à mon but. La seule différence, c’est qu’à aucun moment, alors qu’il tentait son varial heelflip, Andrew Reynolds ne s’est dit que la réalité était buguée. Le problème de Session, ce n’est pas que ce soit dur, ni que ce soit réaliste : c’est qu’une fois sur deux, un grind ne passe pas parce que le moteur physique a décidé d’aller voir ailleurs, à un endroit où la gravité et les règles élémentaires de la friction n’existent plus. À la limite, dans n’importe quel autre type de jeu, ces errements ne gâcheraient pas forcément l’expérience. Le problème, c’est que Session est un jeu de skate. Dans l’art de la planche à roulettes, tout est question de flow, c’est une danse qui ne souffre aucun accroc, si les mouvements sont exécutés avec grâce, tout doit s’enchaîner parfaitement. Imaginez la manière dont aurait réagi Andrew Reynolds si, une fois sur deux, alors que son mouvement était parfait, il avait été saisi, au sommet de son saut, d’une crampe aussi soudaine qu’inexplicable qui l’aurait condamné à toujours recommencer, tel un Sisyphe des sports extrêmes. Jouer à Session, c’est lutter contre soi-même, contre la difficulté et le réalisme du jeu, mais aussi contre une physique, malheureusement, un peu pétée.
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Session
What a CPC journalist gotta do ?!
Andrew Reynolds est l’un des skaters les plus célèbres de la planète, mais il souffre de troubles obsessionnels compulsifs. Dans la vidéo What’s a guy gotta do ?!, il tente, pendant 6 minutes et 44 secondes, de sauter par-dessus 16 marches en faisant un varial heelflip. Toutes les quatre secondes environ, il se vautre. La vidéo, l’une des plus connues du skater, le montre en train de se ramasser et de se relever sans cesse, avant de parvenir à exécuter sa figure, après plus d’une centaine d’essais et autant d’hématomes.
Coup de flip. Dommage que Session souffre encore, en ce début d’early access, de quelques bugs bien gênants, parce que le jeu montre déjà de très belles choses. Contrairement à Skater XL, son seul concurrent, la surface de jeu est assez vaste pour offrir différentes ambiances, on y trouve des volées de marches de toutes les tailles, des barres de grind de toutes les formes, des sculptures, des trottoirs, des bouches d’incendie, des tables d’école, des fontaines, des plans inclinés, soit à peu près tout ce dont un skater pourrait rêver dans un premier temps, sous une douce lumière de fin d’automne. En dehors des grinds, les figures fonctionnent souvent correctement. Après quelques heures d’apprentissage, on rentre les 360 flip et autres inward heelflip avec une main dans le dos et un beau sentiment d’accomplissement (Louis-Ferdinand Sébum m’en est témoin, lui qui m’a entendu pendant tout l’après-midi lâcher des « Alors, c’est qui le patron ! »). Par rapport à Skater XL, le jeu paraît déjà bien plus avancé, avec des musiques plutôt chouettes pour accompagner les sessions, la capacité de descendre de son skate pour se placer correctement devant un spot ou la possibilité d’éditer et d’enregistrer ses meilleures séquences pour se la péter devant ses petits copains.
Le cas skate. Si l'on omet tous ces petits défauts, Session a de quoi devenir le nouvel étalon d'un genre de jeu où, depuis Skate 3, rien ne semblait plus possible. Mais pour ça, il reste tout de même un chantier assez conséquent : déjà, il faut absolument régler ce problème de grinds qui finissent avec les dents sur le trottoir une fois sur deux. Les barres de grind, très souvent, sont également placées assez bizarrement, juste un peu trop haut, ce qui oblige à être beaucoup trop précis pour un jeu qui fonctionne avec des manettes. Le jeu est aussi rempli de petits bugs qu’on apprend à contourner mais qui ne devraient pas exister, par exemple l’impossibilité de terminer un 360 flip sur un manual si l’on appuie sur la touche un tout petit peu trop tôt Note : 1, ou le skater qui se bloque bizarrement si l’on pousse les sticks d’une certaine manière (c’est impossible à décrire mais, en gros, tant que vous ne saurez pas faire les figures parfaitement, ce genre de bugs se produira très fréquemment, puis diminuera à mesure que votre exécution se perfectionnera). Comparé à Skate 3, le jeu propose aussi très peu de figures et, tant que le catalogue ne se sera pas étoffé, il est un peu difficile de créer son propre style en mélangeant les possibilités offertes par le moteur, ce qui était la principale force du jeu d’Electronic Arts.
Note 1 : Si ce que vous venez de lire ressemble à du chinois, c’est tout à fait normal, vous pourrez reprendre la lecture de votre Canard PC en tournant la page.
Roulez jeunesse. Est-ce à dire que, pour l’instant, comme Skater XL, Session n’est qu’une sorte de grosse démo injouable mais qui promet de belles choses ? Pas totalement non plus. Le jeu est un peu plus avancé que ça. J’ai passé une petite dizaine d’heures dessus, sans m’ennuyer, à désapprendre les figures de Skater XL et Skate 3 pour réapprendre à les réaliser correctement dans ce jeu beaucoup plus exigeant, mais plus gratifiant. J’ai cherché des spots un peu partout dans ce gros quartier pour faire les plus belles combinaisons possible, et j’ai vraiment été ému, après m’être cassé les dents pendant plus de deux heures sur une volée de marches, quand j’ai trouvé le moyen de la survoler d’un magnifique triple flip après avoir pris de la vitesse en dégringolant une rampe d’escalier. Et tout ça, sans me casser un seul os, contrairement à Andrew Reynolds.