Dans Dual Powers, en revanche, je peux tenir exactement ce genre de propos. Le jeu consiste à poser des unités (bolcheviks révolutionnaires pour un joueur, armée blanche fidèle au tsar pour l’autre) afin de contrôler les différents quartiers de Petrograd pendant la guerre civile russe de 1917. La partie est divisée en rounds où chacun joue tour à tour les cartes de son deck pour invoquer de simples soldats ou des héros, comme Staline ou le prince Lvov. Là où ça devient intéressant, c’est qu’à chaque round les joueurs choisissent secrètement le quartier qu’ils doivent contrôler ; on se retrouve donc toujours à essayer de deviner ce que l’adversaire essaie de protéger selon les endroits où il masse ses unités. Pas simple, d’abord parce qu’on peut toujours bluffer et ensuite parce qu’un autre quartier, celui de l’émeute qui se déplace à chaque round, fait office d’objectif commun. La bonne ville de Petrograd est donc le théâtre d’un beau bordel, avec des forces révolutionnaires et contre-révolutionnaires partout, mais le jeu reste toujours lisible, surtout parce que ses combats se résolvent en deux secondes (deux unités adverses de la même puissance s’annulent, un point c’est tout).
Transformé en archive gratuite
- Cet article, initialement réservé aux abonnés, est devenu gratuit avec le temps.
Dual Powers : Révolution 1917
Désunion soviétique
« La volonté du peuple est avec moi, tu n’arriveras pas à vaincre l’émeute. À moins que tu décides d’invoquer Lénine ? » Voilà le genre de phrases que je prononce à peu près tous les jours, même si ce n’est hélas jamais dans le cadre d’un jeu de plateau.
R.U.S.S.E. Grâce à cette règle enfantine, Dual Powers se prend rapidement en main et les quelques personnes avec qui j’ai pu le tester ont tout de suite pigé les règles. Et ce, malgré l’univers du jeu, qui ne doit pas aider à l’immersion quand on n’est pas un nerd de la révolution d’octobre (la plupart des six héros ne sont pas très connus en France, comme Kornilov ou Zinoviev). Des illustrations chouettes auraient pu aider, mais à part sur la boîte du jeu et les portraits des personnages historiques, le graphisme laisse un peu à désirer. Par exemple, le plateau et la plupart des cartes n’ont que des logos en guise d’illustrations, alors qu’on aurait pu espérer des dessins inspirés de la propagande soviétique. Une petite déception rattrapée par la découverte graduelle de l’ingéniosité du jeu, qui comporte pas mal de petites subtilités : une barricade mobile qui bloque l’accès à certains quartiers, le marqueur de « volonté du peuple » qui change de main, un calendrier qui compte les jours jusqu’à octobre (et la fin de la partie) et déclenche des événements comme le retour d’exil de Trotski, la possibilité de faire se reposer les troupes, et ainsi de suite. Massacrer des compatriotes n’aura jamais été aussi amusant !