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L'Aventure Layton : Katrielle et la conspiration des millionnaires - Au doigt et à l’œil

François Alliot, pour un oui ou pour un non

Vous ne connaissez sans doute pas son nom, mais vous connaissez probablement celui de son dernier jeu : François Alliot a développé Reigns, l'un des très gros succès du jeu mobile en 2016, où l'on gouverne son royaume à coups de décisions binaires. Parisien émigré à Londres (« ça s'est passé un peu par accident : j'ai épousé une Anglaise. »), il était de passage à Paris pour donner une conférence à l'École Normale Supérieure. On en a profité pour le coincer une demi-heure dans un café, où, calme, posé, en choissant bien ses mots, il est revenu sur le développement de Reigns.

Klondike, des pépites en collectif

Depuis quelques années, sur les salons, dans les game jams, parfois même dans les pages de Canard PC, on voit apparaître de petits jeux étranges, pleins de couleurs, tantôt joyeux, tantôt mélancoliques. Des titres comme Sacramento, Mu Cartographer, Orchids to Dusk, Gulag Paradise, Even the Stars, USS Tlancy... A chaque fois, leur créateur est l'un des membres du collectif Klondike, dix vingtenaires (les trois fondateurs approchent de le trentaine, les autres viennent de finir leurs études) aux profils variés, qui jusqu'à il y a peu se concentraient tous dans le Nord de la France. Les rassembler tous, pour discuter avec eux du sens d'un collectif dans le jeu vidéo, tenait de la gageure. Non seulement parce qu'ils sont nombreux, mais aussi parce qu'ils sont désormais éparpillés un peu partout sur la planète. On a donc fini par trouver un compromis : un rendez-vous parisien avec ceux qui pourraient être là (Brice Dubat, dont on a envahi l'appartement, mais aussi Titouan Millet, ainsi que Lucie Viatgé et Tom Victor, de passage à Paris avant de repartir pour Montréal où ils travaillent désormais), et les autres (Armel Gibson, Delphine Fourneau, Pol Clarissou, Héloïse Lozano, Typhaine Uro et Félix Roman) en même temps sur Skype, depuis des contrées aussi variées que Lille ou la Suède. Une conversation avec dix personnes, c'est un grand bazar, surtout quand les dix se connaissent depuis des années, forment un noyau. Ca s'interrompt, ça se vanne, il y a des messes basses, des private jokes... Parce que ce hors-série ne fait que cent pages et pas mille, et pour conserver un minimum de confort de lecture, j'ai dû couper dans le vif, donner un semblant de normalité à l’ensemble. Ça peut donner l'impression que certains ne parlent pas (et de fait, certains ont moins parlé, ce qui est après tout normal dans une dynamique de groupe, surtout que les quatre présents ensemble à Paris avaient l'avantage d'une conversation plus naturelle que ceux séparés par la barrière de Skype), mais pour mieux vous y croire, imaginez que chaque réponse un peu longue était interrompue en permanence par des rires, des petites piques gentilles, des « Ah mince, Héloïse ne nous entend plus », « Titouan, approche-toi du micro, on comprend rien ! » et autres petits problèmes techniques.

Stéphane Beauverger, créateur de mondes

La première fois que j'ai rencontré Stéphane Beauverger, il y a quatre ans, j'avais d'abord été un peu déçu : on m'avait promis le scénariste de Remember Me et j'espérais donc rencontrer Alain Damasio, pape de la science-fiction française (auteur de la Horde du Contrevent et cofondateur de Dontnod, le développeur du jeu). En réalité, après avoir lancé le projet, Damasio avait confié la responsabilité du scénario à Beauverger. Chaleureux, bavard, passionné par son sujet (il est après tout scénariste depuis bientôt vingt ans), Stéphane Beauverger m'avait vite fait oublier ma déception initiale. Lui aussi romancier (je recommande son Déchronologue, qui mélange piraterie des caraïbes et paradoxes temporels), il bosse désormais sur l'écriture deVampyr, le prochain jeu de Dontnod, dans lequel on incarne un médecin vampire (mais pas spécialement heureux de l'être) dans le Londres de 1918 ravagé par la grippe espagnole et une invasion de suceurs de sang. Pour cette nouvelle rencontre, plutôt que de parler spécifiquement du jeu et de son cadre historique (même si Stéphane Beauverger est le genre de personne capable de sortir au débotté un exemple sur la vie recluse, quasi-monacale, des infirmières londoniennes d'après-guerre, et d'expliquer ensuite dans quel contexte il peut intégrer ça dans son jeu), je lui ai demandé de m'expliquer en quoi consistait son métier de directeur narratif et comment on créait un univers de jeu vidéo.

Pierre Corbinais, ouvreur du jeu alternatif

Quel que soit le festival de jeux vidéo ou la game jamNote : 1 auquel vous assistez, Pierre Corbinais, bientôt la trentaine, y est probablement aussi. Impossible de le manquer : grande silhouette longiligne, petites lunettes, cheveux courts et grand front, toujours un bâton de réglisse ou une vapoteuse en bouche et une tasse de matéNote : 2 à la main. Et bien sûr, immanquablement, une chemise aux mille couleurs et aux motifs exubérants. Libraire de formation, puis journaliste, Pierre Corbinais, alias Pierrec, est devenu un peu malgré lui l'une des figures de proue de la scène indé française. Non seulement parce qu'il écritNote : 3 et développe des jeux, qui derrière un pixel art sommaire cachent des récits réussis, tantôt sérieux, tantôt drôles. Mais aussi parce qu'il documente les créations des autres sur ses sites, l'Oujevipo, dédié aux jeux indés, et Shake That Button, dédié aux jeux à contrôleur alternatif.

Note 1 : Un évènement, physique ou en ligne, durant lequel des créateurs développent un jeu vidéo avec des contraintes particulières de temps et de contenu.
Note 2 : « À A Maze (Ndlr : le plus gros des festivals de jeux vidéo alternatifs, qui oscille tous les six mois entre Johannesburg et Berlin), on est peu sorti du lieu du festival et je n'ai presque rien vu de Berlin. Mais j'ai découvert le maté. »
Note 3 : Cet entretien l'a d'ailleurs mis encore plus en retard pour son prochain projet, Enterre-moi, mon amour, qu'il scénarise pour The Pixel Hunt et Figs.

Rekka Bellum et Devine Lu Linvega, dériveurs professionnels

Dans les vidéos de leur journal de bordNote : 1, on les voit retaper un moteur, recoudre une voile ou nettoyer la coque de leur bateau. Devine Lu Linvega et Rekka Bellum, tous deux la trentaine, qui officient sous le nom de Hundred Rabbits, ne sont pas des développeurs indés comme les autres. L'un a en parallèle une carrière de musicien sous le nom d'Aliceffekt, l'autre est aussi connue comme illustratrice de livres pour enfants. Ils produisent surtout des jeux hantés, souvent tout en noir et blanc, où le joueur perdu tente de saisir un monde qu'il ne comprend pas, entouré de gens ou de textes dans une langue inconnue. Et puis, depuis un an, ce couple de Canadiens, qui a longtemps vécu au Japon, vit sur son bateau Pino. Partis de la côte ouest du Canada, ils ont d'abord longé les États-Unis, allant de port en port en découvrant petit à petit, à la rude, les bases de la navigation en pleine mer sur un voilier. Fin 2016, ils ont fini par arriver au Mexique, où nous devions faire une interview vidéo. Finalement, c'est début mars et par email que nous avons pu brièvement discuter, la veille de leur grand départ : une traversée du Pacifique devant durer au moins un mois. Au moment où ce magazine arrivera en kiosque, si tout va bien Devine et Rekka devraient commencer à approcher de l'île Marchand, en Polynésie française, un petit voyage de 5 000 kilomètres, leur plus long à ce jour. À terme, dans un an, le couple compte repartir au nord et vise un retour au Japon par la mer. Et pendant qu'ils luttent contre les flots déchaînés, qu'ils apprennent à revoir leur alimentation et leur organisation à cause des contraintes de la navigation, ils se débrouillent aussi pour préparer leur prochain jeu, Markl.

Note 1 : Qu'on peut consulter sur leur site, où l'on peut aussi suivre une carte de leurs déplacements : http://100r.co/