Notre volatile va traverser une zone de turbulences, veuillez regagner votre tranchée, attacher votre ceinture, mettre un casque, enfiler des gants et endosser ce parachute blindé par-dessus votre gilet pare-balles. Sale temps pour les canards sauvages.

Mise à jour : une petite série de réponses aux questions le plus souvent posées après cette publication a été ajoutée en fin d'article.

Les temps sont durs pour la presse indé. Comme dans beaucoup de secteurs économiques, nous avions déjà du mal à gérer les conséquences de deux ans de pandémie inédite, mais voilà que nous tombent à présent sur le bec celles d’une guerre déclenchée par la Russie en Ukraine.

Pas de vaccin pour la presse Tech

Les confinements à répétition ont définitivement handicapé, et parfois carrément empêché, les ventes en kiosque. Les voyages en train ou en avion se sont raréfiés pendant deux ans, et avec eux l’achat de magazines pour les égayer. Le télétravail a diminué les heures en transports en commun, tant mieux, mais aussi les heures de lecture et les ventes de journaux sur le chemin du boulot. Des habitudes de consommation ont été perdues, et des points de vente ont disparu, sans retour car le monde s’est transformé.
Parallèlement, les pénuries se sont multipliées. Celles de composants électroniques tout d’abord, qui ont perturbé les chaînes logistiques, limité la fabrication et raréfié les sorties de nouveaux produits dans notre domaine, celui du matériel de jeu vidéo et de la high-tech en général. Le milieu du hardware n’est pas le seul, bien sûr à avoir subi retards et changements de plannings : combien de jeux vidéo retardés, de salons annulés, de contrats d’édition mis en pause pour les studios, et de mois sans actualité pour la presse ?
Dès lors, pourquoi acheter un magazine quand l’actualité est morne et les produits de toute façon soit introuvables, soit hors de prix ?

Crise après crise, le papier va-t-il devenir une matière trop précieuse pour y écrire des idioties ?

« Oh regarde, elle est vraiment grosse cette vague ! » (dernières paroles)

Puis fin 2021, une autre pénurie plus inattendue est apparue : celle du papier. Pendant la crise du Covid, la demande de carton s’est emballée (oui, je sais…), en partie à cause du boom de la vente par correspondance mais aussi sous la pression de l’industrie pharmaceutique, prête à payer très cher pour emballer ses précieux médicaments. Le carton et le papier se faisant concurrence sur la même matière première, dans une industrie dont les capacités de production étaient en retrait depuis des années, le résultat a été une première explosion des prix du papier de +30 % à +50 %.
Puis est arrivée la guerre russe en Ukraine et ses multiples impacts : forte augmentation des prix de l’énergie (l’industrie du papier est très énergivore), gros problèmes logistiques (les grands acteurs du papier européens sont scandinaves) et tension sur les matières premières (produits chimiques pour les encres, aluminium pour les plaques d’impression, bois russe et biélorusse sous embargo…). S’est ensuivie en mars une nouvelle augmentation du prix du papier, mais aussi de la plupart des autres composants, de 15 % à 20 %.

C’est ici que Canard PC perd des plumes.

Durant les deux ans de pandémie, nos ventes en kiosque avaient beaucoup souffert et nos recettes publicitaires encore plus. Et là, en deux mois, nos coûts de fabrication ont augmenté brusquement de plus de 26 %, et ce n’est probablement pas fini. La situation reviendra bien un jour à la « normale », mais nous ne savons pas combien de temps cela prendra. Et en attendant, une chose est sûre : notre organisation actuelle n’est plus viable dans ces conditions infernales, et pour éviter de finir en magret, Canard PC n’a d’autre choix que de diminuer ses coûts de toute urgence.
Tout d’abord, et c’est l’aspect le plus douloureux de cette situation, nous supprimons des emplois dans chacune de nos activités actuelles : un à Canard PC, un à Canard PC Hardware et un sur la chaîne Canard TV. Comme c’est la triste règle en pareilles circonstances, ce sont les derniers arrivés qui partent les premiers : Ellen Replay, Oni et Sylvester Standalone vont perdre leur boulot. Aucun d’entre eux ne l’a mérité, ce sont d’excellents journalistes et des compagnons de rédaction comme on en trouve peu. Cette situation est parfaitement injuste. À la fin de cet été, vous ne verrez plus non plus la signature de Fishbone qui, sans être un membre permanent de la rédaction, était un compagnon de route du magazine depuis sa création. C’est un bout de l’histoire de Canard PC qui se termine.
Ce n’est pas tout. Après avoir augmenté le prix des magazines en février, nous sommes contraints de baisser provisoirement leur pagination à partir de cet été et cela tant que les coûts d’impression resteront aussi délirants. J’espère que cette dernière mesure sera temporaire, mais sauf heureuses surprises (par exemple un vaccin définitif contre l’armée russe et une défaite du Covid), je ne crois pas à une amélioration cette année. Ah, et nous cherchons un papier moins cher pour la rentrée aussi, alors si vous en avez 6 ou 7 tonnes qui traînent dans votre cave…

Life is a bitch (mais nous ne sommes pas encore morts)

Nous savions dès 2020 que le modèle économique de la presse indépendante sur papier allait être en danger. Nous ne sommes pas restés les bras croisés. C’était le sens de la transformation globale révélée en juin 2021 avec une campagne de pré-abonnement, un nouveau site web, des formats d’émission plus variés et une nouvelle formule de Canard PC.
Depuis trois ans, nous avons activé une transition structurelle importante : entre 2019 et 2021, nos abonnements ont augmenté de 50 % et le chiffre d'affaires de notre activité numérique a été multiplié par trois. Mais changer le modèle économique d’un magazine comme le nôtre est un processus lent et nous n’avions prévu ni la crise du papier, ni l’invasion russe, ni surtout la radicalité de leurs conséquences.
Ce nouveau paysage nous oblige à nous adapter très brutalement. Pour passer cette année 2022, en serrant les dents très fort, d’abord, mais aussi pour retrouver les conditions viables d’une activité à laquelle nous tenons farouchement et pour laquelle nous avons toujours des ambitions. Alors oui, c’est un sale temps pour les canards sauvages, mais on ne va pas se laisser abattre.

Vous vous demandez comment nous aider ?

Quelle bonne idée ! C’est facile, achetez-nous.
Achetez-nous en kiosque, ou par abonnement. En numérique, c’est beaucoup moins cher et on ne risque pas d’augmentation du papier. Mais en papier, si c’est votre plaisir, ça nous aide aussi. Si vous êtes déjà abonné, abonnez vos amis, votre dentiste, ou votre tonton communiste (astuce : sur un malentendu, Canard PC peut passer comme un supplément de L’Humanité). Si toutes vos connaissances sont déjà abonnées, ou si vous n’avez pas d’amis, interpellez les gens dans la rue pour leur parler de Canard PC (vous pouvez le faire aussi sur Twitter et Facebook, mais c’est moins drôle). Faites connaître notre chaîne Twitch (là aussi vous pouvez vous abonner pour nous soutenir) et notre chaîne YouTube.
Enfin, sachez que :


  • Paypal, c’est cher : payer par Paypal nous coûte dix fois plus cher que par CB ;

  • Le numérique, c’est pas cher : 3 € le numéro ! (12 Canard PC + 4 Canard PC Hardware pour 49 €/an) ;

  • Le numérique, c’est riche : l’abonnement numérique vous donne accès au Web mais aussi aux versions PDF sur mobile, y compris les hors-série.


 

Je rajoute une petite FAQ avec les réponses aux questions le plus souvent posées :

Pourquoi ne pas faire un Ulule ou une cagnotte de soutien ?
Dans le contexte économique actuel, avec l’explosion infernale des coûts de fabrication, notre fonctionnement et notre organisation actuelle ne sont plus viables dans ces conditions. Nous devons d’abord retrouver un modèle économique viable et une ligne de flottaison. Il ne serait pas très honnête de vous demander des dons sans cette adaptation préalable, ce serait comme remplir un seau percé.
Nous ferons appel à votre solidarité si nous en avons besoin et quand nous aurons construit une solution de sortie de crise.

Pourquoi ne pas baisser la qualité du papier pour faire des économies ?
En raison de la pénurie expliquée dans l’article, il est aujourd’hui difficile de changer de papier, voire de trouver du papier : pour pouvoir satisfaire tout le monde, les fabricants rationnent les imprimeurs en fonction de l’historique des commandes passées. Nous allons changer le papier de couverture pour une version moins épaisse et un peu plus économique, mais nous devrons attendre la disponibilité du nouveau papier en septembre ou octobre.

Pourquoi ne pas abandonner le papier et passer au tout-numérique ?
Aujourd’hui, deux tiers des lecteurs de Canard PC achètent (au numéro ou par abonnement) la version papier. Nous ne pouvons pas l’arrêter du jour au lendemain sans mettre encore plus en danger notre activité et nos emplois.

Pour vous aider, vaut-il mieux s’abonner au papier ou au numérique ?
En temps normal, nous vous conseillerions de choisir le support qui vous fait le plus plaisir. Mais aujourd’hui avec les incertitudes sur le prix du papier, nous préférons vous conseiller le numérique.
Nous avons mis en place un tarif d’abonnement numérique “de soutien” pour ceux qui en ont les moyens.