Cthulhu Wars est imposant. Sa boîte haute, large et lourde pourrait semer le chaos dans vos espaces de rangement si bien ordonnés. C’est qu’il y en a du matériel, là-dedans… À commencer par les quelque 70 figurines, dont les plus grandes atteignent 18 cm, format que l’on rencontre plus souvent au sex-shop du coin que dans les boîtes de jeux de plateau. C’est « fat » comme disent les Américains, qui en connaissent un rayon en matière de surcharge pondérale, tout comme ce projet né sur Kickstarter qui a réussi à lever près d’un million et demi de dollars en 2013, et dont la version française est arrivée à la fin de l’année dernière. Cette guerre mondiale entre Grands Anciens, c’est le bébé de Sandy Petersen, à qui l’on doit le célèbre jeu de rôles L’Appel de Cthulhu. Son jeu de plateau voit s’affronter quatre factions : Cthulhu, forcément, Shub-Niggurath, Nyarlathotep et le Signe jaune (Hastur et le Roi en jaune), chacune luttant sur la carte du monde pour contrôler le plus de portails possible et ainsi avancer sur l’échelle de l’apocalypse qui déterminera quel Grand Ancien pourra s’attribuer le mérite du saccage de la planète.
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Cthulhu Wars
Le jeu de la démesure
Il arrive parfois, après avoir entendu une interview de Pascal Bruckner ou pris connaissance du devis pour réparer une toute petite fuite d’eau dans sa douche – nan mais sans rire, il est en euros ou en roubles, ce montant ? – que l’on ait envie de mettre la terre entière à feu et à sang. Cela tombe bien, c’est précisément ce que propose Cthulhu Wars. La mauvaise nouvelle, c’est que d’autres que vous ont inscrit l’apocalypse sur leur todo list et que vous n’êtes pas du genre partageur.
Chaos technique. Sous ses faux-airs de Risk, Cthulhu Wars dissimule un jeu finalement assez complexe. Les règles de base sont pourtant relativement simples, puisque chaque joueur va tout mettre en œuvre pour maximiser à la fin du tour son gain en points de victoire (apportés par les portails contrôlés) et en points de pouvoir (qui conditionnent le nombre et la nature des actions qui pourront être entreprises lors du prochain tour). Et, fait important, les joueurs effectuent une action, et une seule, chacun leur tour jusqu'à l'épuisement des points de pouvoir de chacun. Le déplacement et le combat constituant deux actions distinctes, impossible – sauf pouvoir spécial – de procéder à une blitzkrieg de l’indicible. Si l’invocation de monstres et, in fine, du Grand Ancien de notre faction constitue une priorité, la pierre angulaire du jeu demeure les adorateurs. Ces unités de départ, extrêmement vulnérables, sont les seules à pouvoir créer ou contrôler un portail et rapportent, par leur simple présence sur le plateau, de précieux points de pouvoir. Malgré des combats sous forme de jets de brouettes de dés, Cthulhu Wars est plus subtil qu’il en a l’air. Ne serait-ce que par l’asymétrie des quatre factions de base. Chacune dispose en effet de ses propres créatures, pouvoirs, grimoires – des pouvoirs supplémentaires débloqués par des sortes d’achievements – et par conséquent de son style de jeu : agressif et puissant au combat pour Cthulhu, défensif pour la Chèvre noire, tout en traîtrise et en fourberie pour le Chaos rampant, sans parler de Hastur et ses potes, qui possèdent leurs propres conditions de victoire… Reste que son prix exorbitant – environ 170 euros – dissuadera le vulgum pecus, quelles que soient ses mécaniques. Et que seuls ceux qu’émoustille le fait de posséder, ou mieux, de peindre, les nombreuses et très belles figurines de ce bestiaire lovecraftien envisageront de maltraiter leur portefeuille.