Pour pouvoir discuter sereinement de Pathfinder : Kingmaker, il faut d'abord rappeler ce qu'est Pathfinder tout court, le jeu de rôle papier que les Russes de Owlcat Games adapteront donc en jeu vidéo. Imaginez un monde original, attachant, peuplé de personnages hauts en couleur et parsemé de mystères fascinants. Vous l'avez bien en tête ? Bon, maintenant imaginez l'extrême inverse : voilà, vous avez Pathfinder. À la rédaction, on n'a jamais compris pourquoi, mais figurez-vous que ce jeu de rôle papier jouit d'une immense popularité – en partie grâce à sa vastitude, son équilibrage et la qualité des campagnes officielles. Pour nous, il reste le cousin soporifique de Donjons & Dragons, un truc vaguement fade à côté duquel Pillars of Eternity passe pour un chef-d’œuvre d'originalité. Qu'à cela ne tienne : sur Kickstarter, dix-neuf mille joueurs ont trouvé que Pathfinder ferait un excellent jeu de rôle PC à l'ancienne, tendance Baldur's Gate remis au goût du jour.
Transformé en archive gratuite
- Cet article, initialement réservé aux abonnés, est devenu gratuit avec le temps.
Pathfinder : Kingmaker
Le roi Merlin
C'est avec une incrédulité grandissante que nous avons regardé, en juin, le compteur d'un Kickstarter s'envoler vers la stratosphère. Avec son équipe de développeurs moscovites, son point de vue isométrique et son univers médiéval-fantastique banal, Pathfinder : Kingmaker avait déjà une tombe à son nom dans le cimetière du financement participatif. Il a pourtant récolté près d'un million de dollars. Un succès fulgurant qu'on explique par la présence d'un mercenaire des mots renommé, d'un bubon clivant et d'un compagnon assez particulier qui s'étale sur des centaines d'hectares.
Baldur à cuire. Baldur's Gate. Le nom est lâché. Quand Pathfinder : Kingmaker ne fait pas penser à Pillars of Eternity (dont il a repompé l'interface sans vergogne), il fleure bon Baldur's Gate, le jeu de Black Isle Studios qu'il faut imiter pour être dans le coup et même que si t'as pas fait ton clone de Baldur avant 50 ans, t'as un peu raté ta vie. On reste donc largement en terrain connu, avec un groupe de six personnages à diriger, des dialogues verbeux, des prairies à explorer et des serrures de coffres à forcer avec un voleur elfe niveau 12. Sans oublier de savoureux combats en temps réel pausable, cette pustule purulente qui enfle sous l'aisselle du jeu de rôle PC et qui a tout de même de nombreux partisans. Oui, beaucoup de joueurs apprécient ce genre d'affrontements et vantent leur dynamisme, mais j'admets avoir du mal avec ces batailles bordéliques pendant lesquelles il faut mettre en pause toutes les secondes et demie – je leur préfère un bon vieux tour par tour ciselé avec élégance. Cela dit, la question importe peu : que vous appréciez ou redoutiez ce système de combats, il ne sera pas l'élément central du jeu. Au contraire d'un Baldur's Gate, Pathfinder : Kingmaker ne proposera pas que de l’exploration et des bastons.
La tactique du tycoon. Pour se démarquer, Owlcat Games compte sur un personnage un peu spécial. Un compagnon qui évolue au fil de la partie. Un compagnon qu'on traverse et sur lequel on marche. Un compagnon avec des milliers d'habitants. Un royaume, en fait, « pensé comme un compagnon à part entière ». Et pour cause : il accompagnera le joueur tout au long de sa partie. Bombardé roi de la région, vous devrez gérer votre territoire entre deux quêtes et autres expéditions dans les donjons. A priori, tout se fera par le biais d'événements aléatoires qui vous mettront face à des décisions à prendre. Une incursion de pillards à repousser, un pays voisin qui demande du blé, un crime qui demande à être puni avec plus ou moins de sévérité : vous aurez à gérer tous les aspects de la vie du royaume, avec l'assurance que vos choix auront de vraies conséquences. Trop de laxisme sur le plan de la sécurité et votre domaine deviendra moins sûr, avec des rencontres aléatoires tous les cent mètres pour faire bonne mesure. Envoyez un capitaine vénal raser un camp de bandits et il rapportera le butin, ce qui assainira les finances du royaume, mais envoyez quelqu'un de sympa accomplir le même boulot et le trésor sera distribué à la populace, ce qui améliorera votre popularité. D'autres leviers vous permettront d'infléchir la politique de votre royaume, notamment la construction de bâtiments : claquez tout dans des musées et des théâtres et vous obtiendrez un petit empire culturel, privilégiez les marchés noirs et vous deviendrez pote avec les coupe-jarrets du coin. Ce qui se reflètera dans les rues de la capitale, où vous pourrez vous promener pour constater les conséquences de chacune de vos décisions.
Un royaume averti en vaut deux. Sans plus de détails et à onze mois de la sortie du jeu, il est encore trop tôt pour s'emballer. Évidemment, tout ce que racontent les développeurs sur la gestion de royaume est une douce musique à nos oreilles. Il faudra cependant qu'elle soit suffisamment profonde et variée pour qu'elle présente un véritable intérêt, d'autant qu'équilibrer la partie gestion et la partie aventure paraît compliqué : si l'une se révèle meilleure que l'autre, pas sûr qu'on apprécie de devoir se farcir la plus faible alors qu'on voudrait passer du temps à administrer ou, dans l'autre cas, à explorer. Deux éléments incitent cependant à l'optimisme – et ont largement contribué au succès de Pathfinder : Kingmaker sur Kickstarter. D'abord la présence de Chris Avellone, célèbre auteur pour Planescape : Torment, Fallout 2, KOTOR, Wasteland 2, Divinity : Original Sin 2 et j'en passe. Ce vétéran de l'industrie supervisera l'essentiel de l'histoire, des dialogues et des personnages, ce qui donne confiance en la narration. De plus, Owlcat Games s'appuie pour son projet sur la campagne Kingmaker du jeu de rôle sur table Pathfinder ; une campagne vénérée par les rôlistes, qui laisse beaucoup de liberté aux joueurs et permet elle aussi de gérer un royaume. Reste à espérer qu'elle se transpose bien en jeu vidéo.