Steam est depuis longtemps dans le collimateur des grands éditeurs. Pour avoir trop longtemps négligé le jeu sur PC sans avoir vu venir la dématérialisation, ils ont laissé apparaître et grandir un acteur tiers qui s’est imposé comme un incontournable pour les consommateurs, captant jusqu’aux trois quarts des ventes numériques sur PC. Les trois gros (Activision Blizzard, Electronic Arts et Ubisoft) ont alors tenté d’utiliser leur propre boutique numérique (Battle.net, Origin et Uplay) pour concurrencer Steam. La grande intelligence de Steam ayant été de ne pas se contenter d’être un magasin mais aussi un outil pratique pour les joueurs et les développeurs (via les fonctions de SteamWorks, disponible gratuitement), Steam a bien résisté. Plutôt que d’être distribué partout, les éditeurs ont donc commencé à retirer leurs jeux de Steam pour ne plus les offrir que via leur propre service. Bon, à part Ubisoft, que la gestion calamiteuse de Uplay a mis passablement en retard dans ce domaine.
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Battlenet s’affirme face à Steam
C’est bien joli cette histoire de « jeux en tant que service » (game as a service, ou Gaas), cela a plein d’avantages, mais pour un éditeur qui gère plusieurs gros jeux cela demande pour être efficace une solide infrastructure en ligne. Et si on veut en profiter au maximum, il faut la gérer soi-même.
Les données sur les joueurs et leur comportement d’achat sont devenues un carburant marketing précieux à conserver jalousement.
Electronic Arts a été le premier. Il y a trois ans environ, Electronic Arts a cessé de vendre ses jeux sur Steam. Ils ne sont désormais disponibles que sur Origin (et via des vendeurs tiers à qui Origin vend des lots de clés). Outre un avantage technique incontestable (il est plus facile de gérer tous les joueurs sur la même plateforme que de faire cohabiter Steam et Origin), il s’agit surtout d’une motivation financière et stratégique : stratégique car les données sur les joueurs et leur comportement d’achat sont devenues un carburant marketing précieux à conserver jalousement ; financier parce qu’avec le développement des microtransactions, il est devenu intolérable pour les éditeurs que Steam puisse prendre sa dime de 30-40 % sur chaque transaction liée à sa plateforme. C’est le modèle même des Gaas qui pousse à cette concentration.
Et là vous me dites, il reste un mystère. En 1996, Blizzard, pionnier dans ce domaine, lançait le service Battle.net pour permettre aux futurs joueurs de Diablo de jouer facilement en ligne. En vingt-deux ans le service a beaucoup évolué et est devenu une boutique qui rassemble les jeux Blizzard et leurs différents services : tournois, classements, etc. Battlenet a toujours été très populaire, grâce au succès continu des jeux Blizzard, mais aussi à son efficacité, et le fait qu’il ne soit pas plus utilisé par Activision après le rachat de Blizzard était une sorte d’anomalie. Une anomalie qui est peut-être sur le point de prendre fin, puisque Activision Blizzard vient d’annoncer que la version PC de son prochain Call of Duty, Black Ops 4, ne serait pas disponible sur Steam mais intégrée à Battlenet (jusqu’à présent, le seul jeu non Blizzard de la plateforme était Destiny 2, présenté comme une exception). Sans savoir si cette annonce est un prélude à une disparition totale des jeux Activision de Steam, on notera quand même qu’en novembre 2018, la guerre des shooters entre Call of Duty et Battlefield se passera entièrement hors de Steam.