Longtemps, j'ai été un esthète de la vue à la première personne. La simple idée d'un jeu de guerre avec une caméra qui suivrait mon personnage à cinq mètres derrière réveillait mes nombreux ulcères. Aller ainsi me battre contre d'autres joueurs, en voyant dans les coins et par-dessus les couverts sans m'exposer, me rendait malade par avance – c'est d'ailleurs pour cette raison que je suis longtemps resté à l'écart de Playerunknown's Battlegrounds. Et puis, un jour, j'ai cliqué sur le mauvais bouton dans le menu principal de Ghost Recon Wildlands et je me suis retrouvé sur Ghost War, son mode multijoueur compétitif. Deux équipes de quatre joueurs, un bout de terrain minuscule emprunté à la carte solo, de la troisième personne à gogo... En somme, tous les ingrédients pour des parties insupportables. Dont le mélange donne l'un des meilleurs modes PvP auxquels j'aie pu jouer dans ma vie.
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Ghost Recon Wildlands
Le spectre de Ghost War
Le saviez-vous ? Depuis qu'on peut y supprimer les bots alliés, la campagne solo de Ghost Recon Wildlands est un régal. Une aventure superbe, variée, immense, le chaînon manquant entre GTA V et Arma III. À côté, avec ses bêtes fusillades dénuées d'exploration, le mode PvP du jeu n'inspire pas la même confiance. En le lançant, je m'attendais à du multijoueur bancal et anecdotique, peuplé de butors prépubères qui font panpan dix minutes le samedi soir avant d'aller se coucher tôt parce qu'il y a foot le lendemain matin. J'avais tort. Terriblement tort.
Avec une seule arme en bandoulière et des adversaires humains, il faut soudain faire preuve de discrétion, de réflexion, de tactique.
Lutte de classes. Si on me mettait un flingue sur la tempe et qu'on me demandait d'identifier ce qui fait la qualité de Ghost War – et c'est d'ailleurs comme ça qu'on travaille, à Canard PC –, j'arrêterais sans doute mon choix sur ses classes de personnage. Il y en a plus de vingt : des snipers, des bourrins et des spécialistes du drone, chacun avec une arme spécifique et une capacité spéciale. L'enforcer peut étourdir les ennemis avec un puissant tir de suppression sorti de sa mitrailleuse, le drone du médecin remet sur pied les alliés à distance, le disruptor brouille la minicarte et les équipements des ennemis trop proches. Chaque classe ne peut être représentée qu'une fois dans chaque équipe, ce qui conduit à souvent varier les rôles et, du même coup, à changer complètement de style de jeu. Il y a bien sûr les différences de tactiques, évidentes, entre un tireur d'élite et un bourrin muni d'une sulfateuse. Mais la force de Ghost War est de réussir à introduire des variations même entre deux classes qui pourraient passer pour similaires. Par exemple, parmi les classes d'assaut, celle du pointman prend l'ennemi de front grâce à ses flashbangs et sa résistance au tir suppressif, tandis que l'assassin, doté du même rôle offensif, profite de sa profonde réserve d'endurance pour courir en bordure du conflit et prendre l'ennemi à revers. De même, le tireur d'élite stalker se coule parmi les ombres de la jungle et profite du fait que ses tirs ne révèlent jamais sa position, tandis que le sniper classique préfère se retrancher en haut d'une tour et assurer ses arrières avec des mines antipersonnel. Comme ces styles de jeu variés se combinent à des conditions météo diverses, à des types de matchs différents et à des cartes nombreuses, deux matchs ne se ressemblent jamais vraiment.
Le colosse aux équipiers d'argile Même dans les parties à plus haut niveau, je vois encore beaucoup de joueurs qui commettent des erreurs monumentales. En général, c'est lors du choix des classes que les mauvaises décisions commencent : il faut s'assurer d'avoir une équipe équilibrée, avec au minimum un drone et un sniper, sans quoi on court au désastre. Ensuite, une fois en jeu, il faut utiliser au maximum la spécificité de chaque classe : drôner le plus possible avec les classes idoines ou fournir du soutien de loin avec un sniper, se servir d'un perso rapide pour contourner, et ainsi de suite. Tout en se rappelant que les matchs sont longs, et qu'en général c'est l'équipe la plus impatiente et la plus hâtive qui perd. Enfin, la priorité absolue doit être donnée au soin des camarades tombés au combat : les relever peut changer une défaite certaine en victoire éclatante. Pour empêcher l'équipe adverse de faire de même, placer une mine sur chaque cadavre ennemi donne en général de très bons résultats.
La Bolivie en rose. En solo, Ghost Recon Wildlands nous pousse à jouer à un rythme effréné. On foudroie des hélicoptères à l'aide d'un lance-roquettes avant de filer à toute berzingue sur l'autoroute en alignant des types au fusil d'assaut, on atomise des bataillons entiers en guise de petit-déj' et on ne s'attarde jamais dans un village plus de trente secondes. Ghost War, lui, nous force à prendre tout notre temps. Avec une seule arme en bandoulière et des adversaires humains, il faut soudain faire preuve de discrétion, de réflexion, de tactique – toutes ces choses que le festival d'explosions de la campagne principale escamote. Surtout, le terrain de jeu réduit à un seul village, une seule colline ou une seule mine à ciel ouvert oblige les joueurs à tirer parti du level design très soigné du jeu. Il y a ces phases d'infiltration où l'on saute de couvert en couvert dans un bidonville en priant pour que le joueur d'en face regarde dans la direction opposée, ces surveillances du haut d'un mirador où chaque angle mort est un déchirement, ces falaises où un soldat tente de ne faire plus qu'un avec la texture des rochers pendant qu'il appelle un tir de mortier. Même la vue à la troisième personne ne parvient pas à vider Ghost War de sa substance : une fois qu'on y est habitué, on peut l'envisager comme un élément stratégique de plus, une pièce du puzzle à prendre en compte lorsqu'on prévoit de charger une position ennemie. Et puis allez, j'ose le dire : vous aurez beau être allergique à la troisième personne en multi, ce serait dommage de se priver d'un si beau mode PvP pour une telle broutille.