Il y a des signes qui ne trompent pas. En général, quand je bousille mon après-midi à réorganiser des parkings à ambulance, puis ma soirée à harmoniser les peintures et l'ameublement de mon nouveau département de cardiologie, c'est que le jeu me plaît. Comme Prison Architect, Software Inc, ou même Rimworld et Minecraft, Project Hospital est d'abord un merveilleux jeu de construction. Vous tracez des plans de salle au sol. Vous montez des murs. Vous placez des milliards de meubles, de chaises, de plantes vertes, de machins médicaux. Vous vérifiez l'écart entre deux baies vitrées (car qui oserait construire un bâtiment qui ne soit pas parfaitement symétrique ?). On peut même faire des hôpitaux à plusieurs étages, avec ascenseur et poutrelle de soutien. J'adore ça, c'est mon crack personnel. Project Hospital pourrait ne rien proposer d'autre que sa partie architecture/décoration d'intérieur, j'y aurai quand même perdu une semaine entière.
Transformé en archive gratuite
- Cet article, initialement réservé aux abonnés, est devenu gratuit avec le temps.
Project Hospital
Viens voir le docteur
Après deux décennies de famine, une période de joie et d'abondance s'ouvre pour les amateurs de gestion hospitalière. En août dernier sortait Two Point Hospital, avec ses petits docteurs cartoons, ses maladies rigolotes et ses magnifiques environnements 3D. Deux mois plus tard, voici donc Project Hospital, qui fait le pari d'être beaucoup plus sérieux, complexe et réaliste. Attention, on n'est plus là pour jouer à Docteur Maboul.
On sent que les développeurs ont soigneusement étudié le fonctionnement d'un véritable hosto et se sont attachés à reproduire le maximum de choses.
En cancer exceptionnel. Mais je vous rassure, il y a quand même un jeu vidéo pour accompagner tout ça. Et un jeu vidéo sérieux, en plus. Là où Two Point Hospital faisait dans le léger et la blague potache, Project Hospital a un ton beaucoup plus grave. Ici, l'objectif est de monter au sein d'un même bâtiment de vrais départements médicaux (urgences, radiologie, orthopédie, chirurgie...) qui fonctionnent de manière réaliste, afin de soigner des patients atteints de vraies maladies bien déprimantes. Jamais un jeu n'avait simulé tout ça avec autant de détails. Chaque patient arrive avec différents symptômes, et les médecins vont ordonner une batterie d'examens aux différents services de l'hôpital (radiologie, labo d'analyse...) pour trouver le bon diagnostic. En construisant de nouveaux départements et de nouvelles salles, on améliore la prise en charge du patient pour qu'il puisse être mis en observation quelques heures, hospitalisé, scanné, charcuté, réparé… Cela fait gonfler les profits et encourage de nouvelles sociétés d'assurance à envoyer leurs clients chez vous se faire facturer des soins à prix d'or. Pour que cette grande horlogerie fonctionne, il faut tout gérer : les besoins du personnel, les sièges disponibles dans les salles d'attente, les équipes de nuit, les ambulances, la myriade d'équipements médicaux, les lits disponibles, les spécialités de chaque toubib, les compétences des chefs de service, le budget de fonctionnement… Le souci du détail est impressionnant, on sent que les développeurs ont soigneusement étudié le fonctionnement d'un véritable hosto et se sont attachés à reproduire le maximum de choses. Même les appareils d'analyse du caca, c'est dire.
Faut avoir fait médecine. Franchement, durant la première demi-heure, la somme de choses à bâtir, à gérer, à surveiller, semble un peu décourageante. Le jeu vous balance des tas de menus à onglets, des feuilles bourrées d'icônes, il faut piger le principe du management par département, se perdre dans les méandres de l'interface de construction... Project Hospital n'a pas le côté charmeur et accessible de Two Point Hospital. Mais quand le cerveau finit par prendre le pli, il devient difficile de poser la souris. Durant ma premier après-midi de jeu, j'ai fait 14 h 30-20 h 30 d'une traite, sans même prendre le temps de grignoter un Pépito au goûter. Il y a toujours quelque chose à faire, une salle d'attente à réorganiser, un nouvel étage à bâtir, un labo de machin-truc à agrandir, une salle pleine d'appareils étranges à monter. Et je ne vous raconte pas la fierté qu'on ressent en voyant les premiers patients passer sur le billard d'un service de chirurgie qui a demandé des heures d'effort et d'économie pour sortir du sol. Notez que si vous êtes pressé, vous pouvez utiliser des préfabriqués, des salles prêtes à l'emploi qui évitent d'avoir à poser chaque élément à la main. C'est une option que mon sens de l'honneur m'interdit – mon œuvre se doit d'être unique –, mais elle est présente si vous êtes une de ces irrécupérables brutes que la déco d'intérieur ennuie.
Il n'y a pas urgence. Il n'y a aucun doute pour moi : si vous aimez les jeux de gestion/construction pour maniaques, Project Hospital sera l'une des meilleures choses auxquelles vous aurez joué cette année. Je n'ai pas autant bloqué sur un jeu de ce style depuis l'excellent (mais méconnu) Software Inc. J'aurais adoré lui mettre un 9/10, pour signifier le cran supérieur qu'il représente par rapport à son concurrent Two Point Hospital (8/10 dans Canard PC n° 387). Project Hospital n'atteindra malheureusement pas cette note en raison d'un côté « on l'a sorti un peu vite pour profiter de l'effet Two Point Hospital » assez évident. Il y a quelques petits bugs énervants, des boutons qui fonctionnent mal, une traduction française cradingue. Certains mécanismes de jeu, comme le déverrouillage de nouveaux départements, ne sont pas clairs – j'ai dû lire les forums Steam pour piger. Dans la partie construction, il n'est pas encore possible (mais les développeurs y travaillent) de faire pivoter les décors en 2D isométrique et de déplacer des tables sur lesquelles se trouvent déjà des objets. Ça ne m'a pas gâché le jeu, loin de là, mais on sent qu'il faudra encore un ou deux trimestres de patchs pour qu'il soit vraiment irréprochable côté confort et finition.
