Dans The River, chaque joueur est le dirigeant d'un groupe de colons qui s'installent dans le nouveau monde. L'objectif consiste à créer une colonie plus prospère-youplaboom que celles de nos concurrents. Pour cela, chacun descend le long d'une rivière pour y installer des terrains et des bâtiments. On pourrait être tenté de remplir son plateau à toute vitesse, mais ce serait compter sans le fait qu'un de nos colons – utilisés comme autant de points d'action – sort de la réserve du joueur à chaque fois que quatre terrains sont acquis. De ce simple fait, le rush bête et méchant n'est pas une stratégie viable, puisqu'un joueur peut vite se retrouver avec une montagne de ressources et trop peu de main-d’œuvre pour tout dépenser correctement. Ressources qui, en passant, sont puisées dans des réserves communes, ce qui permet d'envisager des stratégies de fourbasse à coups de pénuries dignes des pires blocages de stations essence. Enfin, conformément aux jeux du genre, on termine sa partie en calculant le score de chaque joueur à l'aide des terrains colonisés, des bâtiments construits, des ressources non dépensées et de quelques autres broutilles, puis on se met une grande tape dans le dos en concluant le tout d'un « Superbe partie, Michel ! Au fait, je t'ai montré le cahier de comptabilité de 1724 que j'ai gagné aux enchères ? ».
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The River
Une aventure de Gérard Colon
En matière de jeux de plateau, je suis plutôt ameritrash. Pour moi, un bon jeu doit être capable d'offrir un voyage en première classe à l'imaginaire, et tant pis si cela se fait au prix d'une certaine imprécision et d'une grande place laissée au hasard. C'est pourquoi mes némésis sont les amateurs d'eurogames, avec leurs calculs à rallonge, leurs petits cubes en bois moches et qui s'éclatent en sortant à d'autres joueurs : « Eh oui, il n'y a plus d'uranium dans la réserve du Kazakhstan ! On fait moins le malin, hein ? » Eh bien, The River m'a prouvé que j'avais tort.
Pionnier de clown. J'avoue, je suis un être cruel. Car même sans réinventer l'eau chaude, The River est vraiment sympathique et beaucoup moins simpliste qu'on pourrait le croire. Il s'agit d'un titre qu'on ressort avec plaisir, ce qui nous permet de découvrir sa principale qualité, une mécanique qui change subtilement la saveur du jeu selon le nombre de joueurs. Les parties à deux deviennent beaucoup plus nerveuses et permettent d'envisager plus facilement un rush en raison de la grande quantité de ressources disponibles. À trois, l'équilibre fait qu'on est tenté de piocher un peu partout pour développer sa colonie. À quatre, un petit côté « je fais mes courses la veille de Noël » nous pousse à ne plus négliger certains éléments secondaires pour arracher la victoire, comme ces satanés dindons dont personne ne veut. Enfin, on sent que les auteurs ont rejoué des parties jusqu'à en faire des cauchemars tant l'équilibre du jeu semble ajusté avec finesse. Du bon boulot, surtout pour ce qui est présenté comme un jeu « famille +Note : 1 ». Bon, ben il ne me reste plus qu'à accepter le fait que je ne suis peut-être pas l'homme que je croyais être et essayer Terraforming Mars...
Note 1 : Un jeu pour les joueurs occasionnels motivés, dans le langage des éditeurs.