Je ne voulais pas spécialement utiliser ce « Cabinet de curiosités » pour parler des jeux réalisés pendant le confinement, et qui parlent du confinement, mais il faut reconnaître que la situation partout sur la planète est inédite et que, naturellement, elle inspire des gens qui n'ont pas seulement envie d'en parler, mais qui ont également besoin de le faire. Solitary Spacecraft est une petite chambre isolée, comme la mienne, comme la vôtre, où l'auteur note les conversations virtuelles qu'il a eues avec ses amis depuis deux mois. Ces conversations ressemblent à toutes celles, finalement très nombreuses, que j'ai eues moi-même : se demander si le virus est si grave que ça, se rassurer en parlant d'autre chose, faire attention à ne pas devenir trop susceptible, tenter d'évaluer si l'isolement nous rend réellement différent, s’interroger sur ce qui suivra. Parler comme si rien n'avait changé pour faire comme si tout, en fin de compte, était normal, alors que rien ne l'est. Culpabiliser d'être aussi fragile, quand les générations précédentes ont connu des guerres et des épidémies bien plus dévastatrices. Découvrir qu'on se parle enfin, alors qu'on ne le faisait pas avant.
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Solitary Spacecraft
En vrai, le titre exact du jeu est : ATEIWPIIWWS&LIOT&ABICDTIIH& ; or, a solitary spacecraft. Traduction : Toutes choses égales par ailleurs, je préférerais que nous soyons seuls et en sécurité, plutôt qu'ensemble et apeurés, mais je ne peux pas nier que c'est difficile ; ou, une navette spatiale solitaire.
Le syndrome de l'imposteur. Il y a aussi le reste : regarder son écran d'ordinateur et de télévision sans être capable d'accrocher pendant plus de dix minutes sur un film, et se sentir coupable de ça. Soulever des poids, faire de l'exercice et s'en vouloir de ne pas être capable de faire plus. S'allonger sur son lit, fatigué de ne rien faire, et être incapable de s'endormir. L'auteur de Solitary Spacecraft se sent coupable de beaucoup de choses, peut-être parce qu'il a eu le temps de s'observer, le temps de se demander pourquoi le monde est devenu comme ça, et comment il y a contribué en étant une partie de ce monde, relié maintenant par des amis fantômes qu'il hante autant qu'il est hanté par eux. Ce n'est pas vraiment un jeu, plutôt un journal intime des choses qu'il faudrait retenir, une fois le confinement levé, pour rendre nos vies meilleures, pour rendre le monde un peu moins insensé. C'est aussi un jeu pour se rappeler qu'un beau jour, nous nous sommes dit qu'il faudrait bien changer. Changer le monde, changer nous-même, avant de sortir dans la rue, de retrouver le monde tel qu'il était et de ne rien changer. Probablement, comme nous l'avons toujours fait.
Genre : journal intime
Développeur : videodante
URL : http://cpc.cx/rD0