Accès libre
Test
Inheritors
Legs day
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Inheritors
Legs day
Genre : marché ouvert, gestion de défausses communes, contrats
Créateurs : Jeffrey CCH, Kenneth YWN
Illustrateurs : Roxy Dai, Coda Ho
Éditeur : Fearless Frog (La Boîte de Jeu)
Nombre de joueurs : 2 à 4
Nombre de joueurs optimal : 2 ou 4
Durée : 40 minutes
Complexité : modérée
Surface de jeu recommandée : table de salon
Prix : 20 €
Créateurs : Jeffrey CCH, Kenneth YWN
Illustrateurs : Roxy Dai, Coda Ho
Éditeur : Fearless Frog (La Boîte de Jeu)
Nombre de joueurs : 2 à 4
Nombre de joueurs optimal : 2 ou 4
Durée : 40 minutes
Complexité : modérée
Surface de jeu recommandée : table de salon
Prix : 20 €
Perco
le 20 septembre 2024
| Modifié le le 3 octobre 2024
Préparer sa succession est important. Il faut être précis et spécifique, pour tuer dans l’œuf toute querelle intestine. J’ai déjà clairement défini qui héritera de ma bibliothèque Steam et de ma collection de bols bretons de Pornic. Sinon, c’est le boxon.
Alors imaginez celle d’un royaume et d’un titre, toute la paperasse, les réunions en stand-up meeting, les calls pour feedback… pfff, ça peut être interminable. Pas autant que nommer un Premier ministre, évidemment, mais long. Et, parfois, le vieux roi ne tient pas la distance et canne en cours de route, ouvrant une sale guéguerre d’héritiers putatifs pour faire pencher les faveurs de la cour, influencer les grandes familles et tout le tralala. C’est cette bataille qu’Inheritors veut vous faire jouer, et il pose une question intéressante : est-ce qu’un jeu peut être très thématique sans savoir s’il le fait totalement exprès ?
Mariage à rangées
Car tout cela, de loin, semble un thème prétexte, un décor pour un jeu de pose de cartes et de course aux points, qui aurait pu porter sur tout autre chose. N’est-il pas, au fond, un simple jeu de collection, qui demande de poser ses cartes numérotées en rangées, dans l’ordre croissant, pour chaque famille de couleur ? D’accord, les illustrations anthropomorphisées des chefs de clans à influencer sont superbes, mais bon… poser un 3 bleu sur un 2 bleu après avoir posé un 2 rouge sur un 1 rouge n’est pas ma définition du fun.Mais l’auteur hongkongais Jeffrey CCH est un malin. De ceux qui ont l’art de faire comme les autres, mais d’y insuffler une patte personnelle par petites touches, avec des choix narratifs ou de gameplay. Son Eila et l’éclat de la montagne est un jeu solo remarquable, dont je déteste pourtant – si je l’ai bien compris – l’un des messages. Sans être aussi ambitieux ou marquant, Inheritors fait dire à beaucoup de joueurs qu’il ne s’agit que d’un Lost Cities alambiqué. Je ne suis pas totalement d’accord.
Mange ta complote !
Bien entendu, on y construit une sorte de tableau, mais c’est un jeu bien plus retors, qui grille le cerveau à coups de petits choix permanents, et, je le crois, cache sous la rareté des cartes les plus hautes, sous sa multiplication d’effets, de types de cartes, de pioches et de défausses, l’envie de mettre les joueurs dans la peau d’intriguants, sans forcément qu’ils ne s’en rendent compte.Quelque chose ici me rappelle une sensation du Rami, dans lequel il faut souvent casser sa main, car il manque juste une chose pour avoir une tierce franche et les foutus 51 points pour sa première pose. Pas d’exigences comparables ici, mais on y sacrifie souvent un ensemble incomplet pour, généralement, voir ce que l’on désirait tant passer au tour suivant. On planifie, on compte un peu, on espère, on rage.
Servile compris
C’est le système de marché qui lie le tout. Avec ses trois colonnes de défausse et la possibilité d’en ramasser une entière en jetant la bonne carte, on guette avec attention – mais l’air de rien pour ne pas être trop lisible – les poubelles des autres. Dans chaque couleur, un seul 5 et un seul 6 les rendent plus précieux que l’or, et l’on s’arrache le cœur à les jeter. Mais comme jeter est la seule manière de piocher, on s’y résout parfois.Pourtant, c’est parfois un simple 2 qui est un trésor pour l’autre, le chaînon manquant d’une série à venir. Et Jeffrey CCH a mis en place de petites courses qui poussent à avancer vite. La plus marquante est celle au pouvoir de clan. Cinq chefs de clans trônent au milieu de la table, le premier à avoir monté une colonne de trois cartes pouvant en choisir un correspondant à la couleur. Les autres se contenteront des restes. Ils donnent un pouvoir, un scoring, un avantage parfois totalement pété (Renard, je pense à toi) jusqu’à la fin de partie.
Au fourbe et au moulin
Ajoutez des courses au contrat sous forme de cartes « quête » cachées, de cartes « exploit » ouvertes, des cartes tomes et reliques à collectionner (ou pas) et vous avez déjà un jeu velu, pétri de dilemmes chaque tour, et où l’on surveille ses adversaires comme le lait sur le feu. C’est là qu’Inheritors enfonce le clou avec des cartes Agents. Ce sont, en gros, des cartes qui permettent de casser vos calculs ou ceux des autres : sauter une valeur dans une colonne, piocher deux cartes au choix dans les défausses, exiger une carte précise de la main d’un adversaire (« Tu n’aurais pas un 4 bleu ? Du genre celui que tu viens de prendre dans le marché… mouhahahahaha »), etc.Cette imprévisibilité relative est, pour moi, la définition de l’intrigue. Dans cette Cour très codifiée, on influence, on triche, on contre en sortant une vacherie de sa main. Inheritors est un jeu sophistiqué, mais un peu sale, caché dans une petite boîte de jeu d’apéro. Parfois vachard ou injuste, l’accumulation de ses mécaniques semble là pour montrer qu’un plan ne se déroule pas toujours sans accroc. Disons un jeu de cocktail curial. Est-ce que Jeffrey CCH avait tout cela en tête ? Peut-être. En tout cas, ça marche.