Il y a quatre ans, en septembre 2014, Les Sims 4 sortait. C’était une autre époque. La rédaction venait de s’installer au rez-de-chaussée rue Soleillet, nous avions enfin droit à des fenêtres dans nos locaux et je crois bien que c’était la deuxième fois que je faisais un test de couv. Hélas. Malgré quelques nouveautés séduisantes, telles que la possibilité pour les sims de faire plusieurs choses en même temps (discuter et manger par exemple) ou l’apparition d’émotions qui naissent de leurs activités, je découvrais un épisode des Sims mollasson, vide de contenu et plein d’ennui. J’écrivais un texte en totale harmonie avec cet aspect du titre. Pétrie de honte et de déception, je décidais de ne plus jamais le lancer. Jusqu’à la fin du mois de juin 2018, j’ai tenu ma promesse.
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Les Sims 4
Avec des sims on mettrait la vie en bouteille
Quand un cycle se termine, il est important, plutôt que d’enchaîner immédiatement sur la suite, de s’arrêter. De se poser, de prendre le temps, de regarder, à tête reposée, tout ce qui s’est passé, d’essayer de comprendre pourquoi ce qui était chouette fonctionnait, pourquoi ce qui était nase foirait. C’est à ce prix qu’on avance, que l’on grandit, que l’on peut espérer devenir un humain accompli.
Il y a presque autant de façons de jouer aux Sims que de joueurs de Sims.
New kids on the block. Depuis quelques mois, j’entends mes cercles de copines sûres bruisser comme la garrigue au mois d’août. « SSSs... SSSsss... SSSSsmmm... Sssssmms... Ssssimmms... Sims... Sims... Sims. » Renseignements pris, après un démarrage décevant et plusieurs années de travail dans l’ombre, Les Sims 4 est parvenu à sortir la tête de son caca. Des gens y jouent. Et comme avec les opus précédents, il semble y avoir presque autant de façons de jouer aux Sims que de joueurs de Sims. Chacun des aspects de la simulation de vie semble avoir ses spécialistes, quitte à ce qu’ils abandonnent tout à fait les autres pans du jeu. Pour en avoir le cœur net, j’ai pris sur moi de relancer une, et même plusieurs parties (Origin ne semble pas avoir sauté le pas du XXIe siècle et reste étranger au cloud, j’ai donc une partie chez moi et une autre au bureau).
Le CAS du siècle. C’est ainsi que j’ai créé de toute pièce le personnage de Maria Kalash. Créative, rat de bibliothèque et amoureuse de la nature, elle aspire à écrire des best sellers. « Pourquoi me parle-t-elle de ça ? vous demandez-vous. La création de sims existait déjà au lancement, tout ça ce n’est pas neuf. » Eh bien, parce c’est l’occasion de prendre quelques instants pour se rappeler collectivement à quel point cette phase est chouette. L’éditeur de personnages est toujours aussi bien foutu – sans surprise, EA en avait fait un de ses arguments de vente, et propose toujours « create a Sim » (CAS) gratuitement, comme démonstration de son savoir-faire. Des tonnes (une centaine en fait) de zones interactives sur le corps et le visage de vos sims vous permettent de les modeler à votre image ou à celle de votre voisin d’en face ou à celle de votre acteur favori. De la taille, l’âge, la corpulence, à la couleur de la peau, des yeux et des cheveux, la voix et la démarche, il est possible de changer à peu près tout ce qu’il est possible d’imaginer. EA a même supprimé en 2016 nombre de limites genrées : que votre sim soit garçon ou fille, vous pouvez accéder à l’ensemble des bibliothèques de vêtements et lui assigner la possibilité d’attendre un enfant ou de faire pipi debout.
La dernière fois que j’avais joué aux Sims 4, je peinais à étouffer des bâillements.
Et paf, l’acteur. Certains simsaddicts se dont donné pour mission de recréer le plus fidèlement possible les paysages audiovisuels français (mais surtout américains). Les joueurs consoles n’y ont pas droit, mais les versions PC et Mac permettent de partager les créations. En un demi-clic, vous avez accès aux bibliothèques nourries par les autres utilisateurs. En deux mots-clés, vous retrouvez toutes les personnalités que vous aimez, en un clic de plus vous les importez dans votre foyer où vous pourrez les torturer ou les choyer en paix. Il vous appartient ensuite d’ajuster les derniers détails. C’est déjà amusant en soi, mais comme l’interface vous permet de trouver facilement les personnages correctement taggés dans des bibliothèques désormais très fournies, vous aurez l’embarras du choix. Après la création de Maria Kalash, j’ai eu beaucoup de mal à choisir ma Adore Delano préférée (car j’ai été contaminée par « RuPaul’s Drag Race »).
Maison, douce maison. Deuxième étape pour n’importe quel joueur, la construction ou l’achat de la maison. Au lancement d’une partie, l’option de choix n’est plus d’acheter l’une des maisons toute faites, trop chères. C’est le moment de mettre, au moins un peu, la main à la pâte. Le plus simple consiste à assembler des pièces toutes faites. une cuisine, un salon, une chambre à coucher et une salle de bain suffiront. À tout moment il est possible d’en changer la taille à la volée. Vous pouvez aussi, bien sûr, choisir l’une des maisons créées par les utilisateurs qui savent tirer parti du système de construction. Cela aussi était en place depuis le début. Les mises à jour gratuites ont permis à nouveau l’installation des piscines, avec tous les supplices de Sims qui vont avec.
Sage comme une sim-màj. Outre les patchs (qui ont vu revenir les bambins en version améliorée), EA propose désormais cinq packs d’extensions, six packs de jeux et une tripotée de kits d’objets. Il y a donc de quoi dépenser quelques centaines d’euros si l'on n’y prend pas garde. Parmi ces DLC, « Vie citadine » vous permet d’installer vos sims dans des appartements. Si j’appréhendais au début d’installer Adore dans un clapier typique des grandes villes, cela a finalement été une riche idée. Son but dans la vie, c’était de rencontrer des tas de gens, et dans un appartement il y a des voisins, ce qui est un bon départ pour rencontrer des gens. On y trouve aussi des blattes et des souris, ce qui donne l’occasion d’appeler le propriétaire et le dératiseur, et l’absence de jardin laisse le temps d’aller faire du shopping, se balader au musée ou boire des coups dans les rades du coin.
Chanter au travail. Cela dit, s’il faut n’en choisir qu’un parce que vous n’avez que vingt ou trente euros, EA s’applique à vous compliquer la tâche. Chacune des extensions modifie plusieurs dimensions du jeu, de sorte qu’il est bien difficile de les comparer. Nouveaux quartiers, nouvelles carrières, nouvelles compétences, nouveaux événements, nouveaux objets... « La vie au travail » me faisait pas mal rêver : songez plutôt : au lieu d’attendre le retour de votre sim à la maison toute la journée, vous avez enfin la possibilité de l’accompagner dans ses activités professionnelles. À condition qu’il s’engage dans la recherche scientifique, la médecine ou la police (à ce jour, ce sont les trois seuls métiers possibles). Les journées de travail où vous accompagnez vos sims ressemblent aux petits défis que vous devez remplir pour un rendez-vous galant ou une fête : dans le coin supérieur gauche de l’écran, une liste d’objectifs s’affiche. À mesure que vous les remplissez, de nouveaux apparaissent. Dans le cas d’un rendez-vous, vous avez un temps limité pour vous asseoir au restaurant, commander à manger, parler à votre date. Dans celui d’une profession, c’est un peu pareil. L’interne que vous accompagnez dans sa première journée à l’hôpital devra par exemple refaire les lits, préparer du café, se laver les mains, éponger les flaques d’eau. Puis les jours passent, les tâches se complexifient. On vous demandera par exemple de procéder à un prélèvement sur un patient. Mais il faudra d’abord l’admettre vous-même, faute de quoi vous n’aurez personne à examiner, et prendre la peine de vous laver les mains avant d’effectuer le prélèvement, sinon vous risquez de le foirer. Bon, cela finit certes par devenir un poil répétitif, et c’est frustrant quand votre foyer héberge plusieurs sims de laisser l’autre se débrouiller tout seul. Mais cela ajoute une dimension agréable.
Il pleut des chiens et des chats. Parmi la pléthore de DLC, « Chiens et chats » compte pas mal de fans. Mais mon favori reste « Seasons ». Comme dans le cas des Sims 2 et 3, qui bénéficiaient du même genre d’extension, et comme son nom l’indique, il ajoute des saisons. Vos sims peuvent maintenant avoir froid en hiver, et il faut veiller à les vêtir chaudement. Ils peuvent aussi aller patauger dans les flaques et faire des bonshommes de neige avec leurs voisins, s’occuper des abeilles de leur ruche, mourir d’une overdose de pollen, bref, si vous n’êtes pas l’heureux guide de sims d’appartement, c’est un vent de fraîcheur et de folie. La dernière fois que j’avais joué aux Sims 4, je peinais à étouffer des bâillements. Là, je croule sous les envies. Entre la fréquentation des vampires, le développement des compétences botaniques de ma petite famille, la construction d’une navette spatiale, la reproduction fidèle du precinct de Brooklyn 99 repérée dans les bibliothèques de bâtiments qui m’a fait rêver d’y installer Jake Peralta et Rosa Diaz, je peine à canaliser mes ambitions simsesques. Autant vous dire que j’ai fort hâte d’être au chômage pour me plonger tout entière dans ce neuvième cercle de l’enfer et de la vie.