Il y a ces plaines à la verdure immuable, ces rivières taillées à la serpe, ces hameaux en bordure de route avec leurs toits en tuiles rouges. Cet inventaire vide, ces indicateurs de faim et de santé, cette absence délibérée d'objectifs. Après avoir été lâché au hasard dans les kilomètres carrés de campagne de Scum, il suffit de cinq secondes pour savoir à quoi on a affaire : un jeu de survie en accès anticipé. Bien sûr, il faut le décrire plus finement. Est-il lent, arcade, gratifiant, facile, dynamique ? Non, non. Vous n'y êtes pas. Scum est un jeu de survie en accès anticipé relou. Par exemple, sa carte a beau être immense, avec de vastes zones vides (pardon, des « plaines ») entre les différents points de loot, il refuse de vous laisser avancer vite pendant trop longtemps. Jouer à Scum, c'est donc courir trente secondes, s'accroupir dans un buisson en attendant que la jauge d'endurance remonte, puis se remettre à courir trente secondes. Toujours dans la droite lignée de l'idéologie du relou, le jeu appliquera aussi un malus à votre temps de réapparition si vous décédez trop, histoire de bien vous mettre des bâtons dans les roues.
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Scum
Un trauma nommé DayZ
On sait ce qu'impliquent les termes de « jeu de survie en accès anticipé ». Des feux de camp à base de branchages, des biches à dézinguer à la lance, des zombies à semer en sprintant à toutes jambes, des bandages à tailler dans des chemises crades. On connaît bien le principe. Sauf qu'avec Scum, le jeu de survie en accès anticipé se lance vers de nouveaux horizons. Cette fois-ci, tout est différent. Cette fo… Aaaaah, non, attendez, j'ai mal lu mes notes. Non, pardon. Cette fois-ci, tout est exactement pareil.
Scum a un net penchant pour les corvées.
Vitamine chafouine. Tout commençait pourtant vachement bien, avec une fiche de perso riche en compétences et en attributs. Avant de rejoindre un serveur on passe ainsi de longues minutes à hésiter entre constitution et dextérité, quand il ne s'agit pas de privilégier la discrétion et l'endurance plutôt que le tir de précision. Un moment jouissif qui vire au lourdingue quand on se le coltine pour la troisième fois de l'heure : comme un personnage est lié à un serveur unique et que ces derniers ont tendance à planter souvent, il faut parfois passer par plusieurs créations de perso avant de trouver un serveur stable sur lequel s'installer. Hélas, ce n'est pas la seule fausse bonne idée de Scum. Le jeu est bâti autour d'un système de monitoring qui mesure tout un tas de paramètres liés à la santé du joueur. De quoi renforcer l'immersion, comme avec ce compteur de dents qui oblige à manger liquide lorsqu'il tombe trop bas après quelques mandales ? Ça aurait sans doute été le cas, si les développeurs avaient su s'arrêter. En plus des calories et de l'hydratation, il faut garder un œil très vigilant sur des dizaines de compteurs absurdes : ceux de treize vitamines et de neuf minéraux, ceux liés au stockage de graisse et à la masse musculaire, ceux qui indiquent l'espace libre dans les deux intestins. Une profondeur horriblement artificielle, qui jure avec le reste de Scum (loin de viser un tel réalisme, les combats infligent des blessures qui se soignent en deux clics) et ne sert qu'à rallonger la durée de vie du jeu grâce à des corvées ineptes.
DayZllusion. Il faut dire que Scum a un net penchant pour lesdites corvées. Les principales activités du jeu consistent à courir, à ouvrir tous les placards d'un village pour trouver un t-shirt ou une pelle ainsi qu'à couper des buissons ou des arbres à la chaîne pour parvenir laborieusement à se bâtir un petit abri dans les bois. Les autres joueurs ? Ils ne sont que quelques dizaines tout au plus, et répartis dans un terrain de jeu immense qui assure de ne jamais croiser personne dans la pampa. Les zombies ? Ils restent d'une rareté extrême, sans doute pour ne pas trop charger les serveurs qui plafonnent déjà à 30 FPS. Parfois, tout de même, on vit l'un de ces moments de grâce caractéristiques des jeux à la DayZ : quand une biche s'enfuit avec une hache plantée dans les vertèbres et qu'on ne parvient pas à la retrouver dans la forêt dense, quand on est surexcité d'avoir trouvé une poche banane ou trois balles de fusil, quand on arrive sur une rive boueuse et qu'on hésite à tenter la traversée du fleuve à la nage. Mais rien de tout ça ne suffit à rendre une session de jeu durablement agréable. Pas quand la seule innovation apportée par Scum au concept de DayZ – déjà lassant il y a cinq ans – consiste à remuer ciel et terre pour trouver de quoi combler une carence en zinc.