Le studio Landfall n'aurait pas pu choisir une meilleure période pour sortir Totally Accurate Battle Simulator (TABS). Voilà des mois qu'à Paris, nous voyons sous nos fenêtres s'affronter des hordes de piétons enragés et des légions de colosses surarmés. Il était temps qu'un jeu vienne mettre de l'ordre dans tout ça et rappeler une règle immuable, celle qui exige que les deux camps soient équivalents. Bien sûr, dans TABS, l'équivalence n'est jamais parfaite : un jeu qui fait s'affronter des mammouths et des chevaliers ne peut atteindre qu'un certain degré d'équilibre. Mais enfin, il y a cette règle de l'équité. Prenez une campagne solo de TABS : elle propose de faire s'affronter plusieurs armées, des tribus du néolithique aux guerriers vikings (les unités de la Renaissance et les pirates arriveront dans une mise à jour ultérieure). À chaque fois, on aborde le champ de bataille en vue du dessus, avec les forces ennemies à droite. Sur notre moitié du terrain, à gauche, on peut placer autant d'unités qu'on le souhaite, tant qu'elles ne dépassent pas le total des points de l'armée adverse. Par exemple, un barde vaut 60 points, une baliste en vaut 950 et Kahn Lusth, livré avec moto et tronçonneuse, vaut plus d'un milliard de points.
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Totally Accurate Battle Simulator
Batailles dérangées
Quand j'ai vu un costaud pousser un chariot à toute allure, j'ai tout de suite su que ça allait être un carnage. Il a réussi à envoyer valdinguer quelques-uns de ses adversaires puis s'est vite fait engloutir par la masse des combattants. C'était du grand n'importe quoi : un pauvre diable se faisait tabasser au sol et un autre esquivait avec grâce les projectiles adverses, avant qu'une charge féroce le projette en l'air. Alors vous pensez, quand j'ai vu la violence des affrontements, j'ai tout de suite préféré m'éloigner de la manif' des Gilets jaunes et rentrer chez moi jouer à Totally Accurate Battle Simulator.
Un laboratoire du comique et de l'absurde
Astérix et la zinzinie. Une fois la bataille lancée, c'est comme regarder une manif' sur BFM TV le samedi après-midi : il n'y a qu'à s'asseoir bien confortablement sur un fauteuil et profiter du spectacle (en contrôlant la caméra et en déclenchant de savoureux ralentis, ce qui n'est pas encore possible sur BFM TV). Je dis spectacle, parce que sous ses airs de lettre d'amour aux stratèges, TABS cache une vocation de divertissement grand-guignol. Dès les premiers cris suraigus et grognements bestiaux poussés par les combattants, on comprend qu'on a plus affaire à des idiots sous acide qu'à des soldats d'élite. De fait, entre les tactiques vaseuses des IA, les unités farfelues (le lanceur de potion qui rend zinzin, l'archer qui tire des serpents, le hobbit qui saute à la gorge des ennemis) et la physique du jeu qui raffole des vols-planés, les batailles deviennent plus des prétextes à des situations loufoques que de véritables simulations stratégiques. La preuve, c'est que la campagne orientée puzzles, où seule une disposition de troupes parfaite permet de décrocher la victoire, se révèle vite d'un terrible ennui à côté de ses cousines centrées sur la cocasserie des situations.
Fous d'arène. Au bout d'une heure ou deux, lorsque les campagnes solo ont fait leur temps, le mode bac-à-sable permet de relancer l'intérêt du jeu. On y résout des problèmes très concrets, du genre « combien de ninjas une brouette-formule-1 peut-elle renverser avant de se briser ? » (huit) ou « quinze archers suffisent-ils à tuer un mammouth ? » (non). Presque de la science, je vous dis ! À ce moment, TABS devient un laboratoire du comique et de l'absurde, un haut-lieu des expérimentations farfelues où s'attendre au pire n'empêche pas de se faire surprendre, que ce soit par des archers écervelés qui tirent dans le dos des alliés ou par un moteur physique qui rend chaque coup d'épée aussi dangereux pour son utilisateur que pour sa cible. Bien sûr, au bout de quelques petites heures les ressorts comiques s’essoufflent et les rires se font plus rares. Mais il suffira que Landfall rajoute encore quelques unités pour que la flamme soit ravivée. Aux développeurs, on ne souhaite aucune forme de sagesse : il faut qu'ils continuent longtemps toutes ces idioties.