Avant toute chose, il faut que je vous explique comment ça se passe, dans le milieu des passionnés de simulateur de vol sur PC. D'abord, il y a la plèbe. Ce sont des gens comme moi (et probablement vous, si vous êtes raisonnables), qui jouent à DCS, Falcon 4 ou IL-2 Sturmovik avec un équipement classique. En général, un HOTAS comme le Warthog de Thrustmaster (déjà très coûteux pour ce que c'est), et éventuellement des pédales de palonnier. Et puis, il y a les aristocrates. Les nantis. Les dingues. Eux fabriquent ce qu'on appelle un sim-pit, c'est-à-dire un faux cockpit complet dédié à la simulation. J'ai exploré cette voie quelques années, avant de faire demi-tour en sanglotant. Le tarif d'entrée est délirant. Sur un vrai beau sim-pit, vous avez un siège baquet placé dans une armature en bois spécialement construite pour ça. Vous avez aussi des répliques d'instruments réels, achetés à des prix vertigineux sur des sites spécialisés : écrans multifonctions qu'on trouve sur les chasseurs américains modernes, modules CDU et ICP, leviers pour contrôler le train et les volets... Fabriquer un sim-pit, c'est souvent le projet d'une vie, le genre de hobby qui vous occupe 150 week-ends, et dans lequel on engouffre toujours plus d'argent, car il y a en permanence un truc à améliorer. C'est le Graal du pilote virtuel. Le truc que je me promettais de fabriquer une fois à la retraite après que Canard PC, revendu à Vincent Bolloré, m'eut enfin rapporté des millions. Jusqu'à ce que je joue à VTOL VR.
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VTOL VR
Enfin une raison de casquer
Je n'ai utilisé le terme « révolutionnaire » qu'une seule fois dans ma vie : le jour où j'ai découvert qu'il fallait laisser tomber une feuille de papier toilette au fond des WC pour éviter les éclaboussures en faisant la grosse commission. Avec VTOL VR, je me sens obligé de l'employer à nouveau. Pour les fans de simulateur de vol, cet étonnant jeu indé, développé en solo par un Américain inconnu, est bel et bien une petite révolution.
VTOL VR reste un vrai simulateur de vol, avec juste ce qu'il faut de complexité pour émoustiller les connaisseurs.
Quelque part entre DCS et Ace Combat 7. Je voudrais tout de suite calmer les intégristes des simu' hardcore. VTOL VR n'est pas Falcon 4 BMS, ni DCS. Il ne modélise pas trois millions d'hectares de terrain réel et 700 engins de guerre. Il ne pèse pas 80 Go sur le disque dur. Il se joue uniquement en solo. Les deux avions jouables n'existent même pas, ce sont des zincs futuristes : l'AV-42C Kestrel, sorte d'A-10 du XXIe siècle à décollage vertical, et le F/A-26B, inspiré lui du F/A-18 Hornet. Avantage : les ayatollahs du réalisme à tout crin n'iront pas faire remarquer que tel boulon n'a pas été reproduit exactement comme dans la « vraie vie »... VTOL VR est donc plus léger, plus accessible que les poids lourds actuels de la simulation, mais ça n'est pas non plus un shooter aérien à la Ace Combat 7. Tirer un AGM-65 ou un AIM-9, larguer une MK-82 ou une GBU-12 demande de savoir lire un HUD, manipuler un TGP et jongler entre différents SOI, exactement comme dans DCS. Et si ces termes exotiques ne vous disent rien, comptez quelques soirées de concentration intense à faire les missions d'entraînement et à visionner des tutoriels sur YouTube (par exemple sur cette chaîne spécialisée) pour piger les bases du pilotage et de l'emploi des armes. Les portées et l'efficacité des munitions ne sont pas trop fantaisistes, les modèles de vol sont cohérents, le pilotage exigeant, bref, VTOL VR reste un vrai simulateur de vol, avec juste ce qu'il faut de complexité pour émoustiller les connaisseurs. Le jeu simule même certaines choses mieux que DCS, notamment les opérations sur porte-avions, le ravitaillement en vol ou encore le contrôle aérien.
S'immerger dans l'immersion. Mais le gros, l'énorme, l'écrasant avantage de VTOL VR par rapport à ses prestigieux concurrents reste sa gestion de la réalité virtuelle. Le jeu a été fait pour la VR, pensé pour la VR, il ne fonctionne qu'en VR. Du coup, les cockpits sont parfaitement adaptés, avec un HUD et des instruments lisibles du premier coup d'œil. Les terrains sont de taille modeste et n'affichent jamais de décors trop détaillés afin de garantir une fluidité d'affichage correcte. Et l'immersion est incroyable. Une fois qu'on a connu ça, il est simplement impossible de retourner voler sur un moniteur classique. La situational awareness est parfaite, on peut suivre les missiles du regard, surveiller les ennemis d'un coup de tête, avec un confort bien supérieur à ce qu'offre un TrackIR et, évidemment, une vraie perception des distances grâce à la vision 3D de la réalité virtuelle. Sur ma première mission de combat, quand l'action a démarré, que les ailiers ont commencé à envoyer les missiles et que le sol s'est constellé d'explosions, j'avais un sourire jusqu'aux oreilles sous mon casque. Vieux, aigre et blasé, il est rare qu'un jeu vidéo m'arrache encore un « wow... » J'en ai pourtant laissé échapper des dizaines au cours de mes premières missions.
Une fois passé le temps d'adaptation, ce pilotage au manche virtuel est redoutablement efficace.
Pilotage sans manche. Le plus beau, c'est que VTOL VR fait tout pour que l'expérience soit la plus confortable possible. Bien sûr, durant les premières sessions, il y a quelques brefs épisodes de nausée. Ils disparaissent après quelques heures de pratique. Mais là où VTOL VR devient brillant, et gagne son qualificatif de jeu révolutionnaire, c'est que ce simulateur de vol peut se pratiquer intégralement sur le matos VR de base. Mettez le casque, empoignez deux manettes de réalité virtuelle (les Touch d'Oculus ou les contrôleurs du Vive) et vous n'aurez plus à toucher le clavier, la souris, le HOTAS. Le pilotage semble d'abord étrange : il se fait en plaçant ses mains sur le manche et la manette des gaz virtuels, puis en les « empoignant » grâce à une des gâchettes du contrôleur. Ensuite, on bouge les mains dans le vide, comme si le contrôleur VR était un joystick. Honnêtement, durant la première demi-heure de jeu, j'ai trouvé ça pourri. J'ai filé sur les forums pour comprendre comment activer mon fidèle HOTAS. En voyant que ça n'était pas possible (c'est un choix assumé du développeur), j'ai ronchonné puis me suis remis au jeu, déjà accro à l'extraordinaire sensation d'immersion. Puis ce fut la révélation. Une fois passé le temps d'adaptation, ce pilotage au manche virtuel est redoutablement efficace. Les contrôleurs VR sont merveilleusement précis, ils captent chaque millimètre de mouvement. Au bout de deux heures, j'étais conquis. Même les manœuvres très délicates, comme l'appontage sur un navire en mouvement ou le ravitaillement en vol, passent tranquille.
Enfin un vrai cockpit virtuel. L'avantage énorme de ces commandes de vol virtuelles, c'est qu'il suffit de lâcher le manche ou la manette des gaz pour pouvoir manipuler virtuellement tous les boutons, molettes et interrupteurs du cockpit. Et ça marche du feu de dieu. Plus de sim-pit à construire, tout est déjà là, accessible, avec exactement les mêmes mouvements de bras et de mains que ce qu'on ferait dans un vrai avion. La seule chose à faire avant de lancer le jeu, c'est de reculer le fauteuil de 50 centimètres, pour ne pas se cogner les mains sur le bureau. On peut même régler précisément la position du manche virtuel, afin qu'il corresponde parfaitement à la position physique de votre main. Pour la gestion du palonnier, le jeu propose trois choix : un contrôle au pouce, avec le chapeau du contrôleur VR gauche (ça fonctionne très bien), une gestion de la « torsion » du contrôleur virtuel (comme sur les vieux joysticks Saitek) ou carrément la prise en charge d'un palonnier hardware dédié. Il est vrai qu'on ne peut pas encore se coller des capteurs VR entre les orteils, mais ça viendra sûrement d'ici 2030.
J'ai passé des soirées entières avec l'Oculus Rift vissé sur le crâne, à vivre mes fantasmes de pilote virtuel.
Cold Start. Voilà cinq gros paragraphes que je vous explique à quel point ce simulateur est immersif et ses contrôles bien pensés, mais je ne vous ai toujours pas dit ce qu'on y fait. Pour l'instant, cette version anticipée propose deux campagnes, soit une douzaine de missions au total, sur des terrains imaginaires (une île rappelant les Malouines et un bout de désert moyen-oriental). Ces scénarios scriptés proposent des combats contre une armée futuriste, équipée notamment de drones aériens et maritimes avancés. Chaque mission démarre avec un cold start où l'on réveille l'avion en tripotant quelques boutons (batterie, APU, moteurs, mise en route des instruments et des MFD...). Puis les situations sont variées, avec des événements scriptés multiples, des surprises, des changements d'objectifs. Elles vont du transport de troupes au nettoyage de défenses antiaériennes, en passant par de la protection d'AWACS, des assauts avec plus d'une demi-douzaine d'ailiers sur des positions ennemies ou encore des attaques de flottes.
26 € le fantasme. Toutes ces missions sont vraiment bien faites, avec une ambiance sonore très travaillée (on entend le commandement qui donne ses instructions à la radio, les annonces des ailiers à chaque lancement de missile...) et une richesse tactique étonnante. Il faut souvent jouer avec le terrain, prévoir des réarmements sur les bases ou les porte-avions, analyser soigneusement les forces ennemies en présence (notamment avec le targeting pod qui permet d'identifier les cibles à des kilomètres) et traiter en priorité les menaces les plus sérieuses – souvent les radars AA longue portée terrestres ou maritimes. J'ai dû recommencer certaines missions une trentaine de fois avant de les passer. Et ça ne m'a pas dérangé. L'immersion est tellement bonne, le pilotage si agréable que j'ai passé des soirées entières avec l'Oculus Rift vissé sur le crâne, à vivre mes fantasmes de pilote virtuel. J'ai un peu honte de l'avouer, parce que je veux garder ma street cred' auprès des fans de simulations hardcore, mais je me suis plus amusé avec ce jeu à 26 € que sur ces modules DCS à 50 € pièce que j'achète comme un pigeon dès qu'ils sortent...
Sur mon disque dur pour l'année. Si vous aimez la simulation de vol et que votre casque Oculus ou Vive dort dans son tiroir (je ne juge pas, ceux de la rédaction ont aussi hiberné de longs mois), je vous recommande donc chaudement, en poussant des petits cris aigus et en sautillant partout dans la pièce, d'essayer VTOL VR. Le boulot réalisé par son unique développeur est fantastique. Ça sent l'amour, le travail soigné, la passion, le type qui s'est dit « je veux faire la simu' VR de mes rêves » et qui n'a pas compté ses heures. Certains détails m'ont fait chavirer, par exemple le fait de pouvoir abaisser la visière du casque en se cliquant sur la tête. Et j'ai encore en mémoire quelques moments grandioses : des slaloms dantesques entre les collines pour éviter des missiles, des batailles navales entre flottes de combat admirées depuis les airs, mes premiers appontages de nuit en visée nocturne... Sous un casque VR, ces scènes sont à tomber sur le cul. Et ça n'est probablement que le début. Un troisième avion jouable devrait arriver dans les prochains mois, et l'excellent éditeur fourni avec le jeu permet déjà de télécharger de nouvelles cartes, campagnes et missions non officielles. Tant que DCS, Falcon 4 BMS et IL-2 Sturmovik ne se seront pas 100 % adaptés à la réalité virtuelle, je ne vois pas comment je pourrais lâcher VTOL VR.