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Plague Inc.
Aux confins du jeu
Sorti en février 2019, Plague Inc. met le joueur aux commandes d'un horrible virus, chargé de décimer la population terrestre en un temps record. Et franchement, quoi de plus amusant que d'apprendre qu'un président s'est fait dessus pendant une allocution publique par notre faute ? Et en ces heures de confinement, difficile de résister à l'envie de relancer ce jeu pour se remonter le moralNote : 1. C'est pourquoi la rédaction vient de se réunir virtuellement autour d'un feu de cheminée sur YouTube, afin de vous proposer un tas d'activités qui vous rappelleront Plague Inc. sans vous exposer aux risques de la promiscuité.
Note 1 : Non, ne faites pas ça. Vraiment.
À pratiquer : la méditation. Quel timing plus approprié qu'un confinement généralisé et anxiogène pour apprendre enfin à méditer ? Vous n'avez pas besoin d'une vidéo YouTube ou d'un bouquin pour apprendre à la pratiquer correctement. Je vous explique. Mettez-vous dans une position confortable – assis, couché, on s'en fout un peu – et fermez les yeux. Respirez lentement par le nez. Concentrez-vous sur le passage de l'air dans votre corps (au niveau des narines, de la gorge, des poumons, du ventre, c'est vous qui voyez). À un moment, vous allez forcément penser à autre chose : le frigo qui est vide, le petit dernier qui tousse, l'extinction imminente de l'humanité... Ça n'est pas grave. Notez mentalement votre pensée sur un bout de papier imaginaire, et jetez-le dans une poubelle (imaginaire aussi). Puis concentrez-vous à nouveau sur votre respiration. L'essentiel est de ne jamais bloquer sur une pensée, mais de la laisser passer et de toujours, inlassablement, retourner sur la respiration. Commencez par des séances de deux minutes, et vous verrez que vous pourrez rapidement méditer cinq ou dix minutes sans problème.
À manger : des pâtes. Vous en avez acheté des plâtrées pour faire face au confinement, et maintenant, il va falloir les manger. Au début, si vous n'êtes pas trop bête, vous avez acheté des sauces également. Profitez bien de vos pâtes à la sauce en pensant au moment où vous n'aurez plus de sauce et que vous devrez manger des pâtes au beurre. Mangez vos pâtes au beurre en réfléchissant au moment où il n'y aura plus de beurre et que vous devrez manger des pâtes à l'eau salée. Une fois qu'il n'y a plus de sel, mangez vos pâtes à l'eau en vous disant que ça aurait pu être pire, qu'au moins il y a de l'eau. Quand il n'y a plus d'eau, enfin, mangez vos pâtes crues, sans les faire cuire, et goûtez, enfin, à l'expérience du confinement ultime, celle où ce n'est plus bien grave, finalement, d'avoir du papier toilette en réserve ou pas.
À regarder : Primitive Technology. Bon, soyons honnêtes : si nos sociétés survivent au COVID-19, elles finiront bien par s'écrouler un jour, que ça soit à cause d'une pandémie encore plus grave, un conflit nucléaire, une catastrophe écologique ou la fermeture de Stack Overflow. L'essentiel, c'est d'être préparé. Et quand je parle de préparation, je ne veux pas dire « acheter 80 rouleaux de PQ et douze boîtes de paracétamol ». Non, je parle d'acquérir de vraies compétences pour la survie à long terme : bâtir une hutte au milieu de la forêt, fabriquer un four en boue séchée, construire un arc pour chasser le gibier du bois de Vincennes. C'est exactement ce à quoi s'amuse l'Australien John Plant pour les dix millions d'abonnés de sa chaîne YouTube Primitive Technology. Et c'est absolument fascinant. Jamais je n'aurais imaginé passer une soirée entière devant un monsieur torse nu qui monte des pièges à crevettes, produit des briques en terre et allume des feux en utilisant uniquement ce qu'il trouve dans la forêt. C'est la version IRL de Rust, The Forest ou Minecraft qui n'attend plus que le patch Plague Inc. pour passer au stade supérieur. À la prochaine apocalypse, ce type sera le roi du monde.
À câliner : un body pillow. Vous êtes seul. Terriblement seul. Les jeux vidéo, les séries télévisées, les livres... Tout ça a du bon, mais rien ne remplace le bon vieux contact humain, aussi connu sous le nom de « p'tit câlin ». Un souci auquel nos amis bizarres, les otakus, ont pensé bien avant que la moitié de l'humanité soit condamnée à se terrer chez elle en attendant des jours meilleurs. Car l'otaku est une créature solitaire, au sens le plus strict du terme qui, en tant que telle, inventa le body pillow. Bon, d'accord, les body pillows ont sans doute été créés bien avant l'apparition des premiers otakus. Mais il ne fait aucun doute que ces individus furent les premiers à remarquer qu'il suffit de leur mettre une taie imprimée à l'effigie d'un personnage d'anime, puis de le serrer très fort contre soi pour avoir un semblant de contact intime. Tout comme ils furent sans doute les premiers à remarquer aussi qu'il suffit de plonger sa tête à l’intérieur pour pleurer à voix haute sans que personne ne vous entende. Le paradis lavable en machine, en somme.
A écouter : le silence. Il est partout, tout autour de nous et pourtant, il suffit de pas grand-chose pour l'anéantir. Non, il ne s'agit pas – encore – du COVID-19 mais du silence. Passez un peu la tête par la fenêtre et écoutez. Profitez de cette absence de tumulte pour atteindre la sérénité. Transcendez votre être en ne faisant plus qu'un avec votre environnement. Il est silence. Vous êtes silence. Il ne peut plus rien vous arriver d'affreux maintenant. Puis une fois que vous vous sentez éveillé au-delà de votre conscience, hurlez à vous en défoncer les cordes vocales en écoutant Bleed de Meshuggah à fond. Désormais, vous êtes en sueur, épuisé et surtout, vous ne vous êtes jamais senti aussi vivant.