Rassurez-vous, vous ne serez pas perdu. Il m'a fallu entre six et sept secondes pour trouver mes marques sur Humankind, tant la ressemblance avec les Civilization récents est assumée : les villes, fondées une par une, grossissent grâce à des points de nourriture illustrés par un épi de blé, les cases génèrent de la production, de la science et de l'or exactement comme dans les jeux de Firaxis ; l'or, justement, permet d'acheter des bâtiments et des unités plus rapidement, il y a des ressources à revendiquer sur la carte, qui sont des ressources de luxe qui améliorent l'économie et le bonheur ou des ressources stratégiques qui permettent de développer de meilleures unités, le tout, bien évidemment sur un terrain de jeu composé d'hexagones qu'on tente de monopoliser à son profit. Bref, si vous cherchez du bon gros Civilization, tout y est, même la patte graphique ou l'ambiance sonore. Le jeu aurait très facilement pu s'appeler Civilization VII que tout le monde n'y aurait vu que du feu. Heureusement pour Amplitude, il n'y a pas que ça et certains changements, qui paraissent être faits à la marge, pourront amener le jeu dans une direction finalement assez différente.
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Humankind
C'est pour mes gars, civilizés ou non
Peut-être est-ce un signe ? Peut-être que s'il y a tant de clones de Civilization qui sortent ou sont sur le point de sortir ces temps-ci, c'est que les jeux de Firaxis ont laissé trop d'orphelins. Il fallait que d'autres se dressent pour reprendre le flambeau d'un genre, reconnaissons-le, un peu moribond. Ce mois-ci, c'est Amplitude qui s'y colle, et ils ont des arguments à faire valoir, les bougres.
Histoire mondiale du monde. Le premier, et le plus gros de ces changements, concerne les civilisations, justement. Comme dans le jeu de Firaxis, on commence la partie en choisissant quel peuple on mènera vers la gloire. Dans la démo, quatre seulement étaient disponibles, sur un total de dix au final. Dix, c'est assez peu pour un Civilization, certes. Mais laissez-moi finir. Le truc, c'est qu'il faudra de nouveau choisir une civilisation à chaque ère du jeu, tous les soixante tours environ. De la précédente civilisation, on gardera un bonus permanent et les bâtiments uniques qui auront été construits, mais on pourra leur ajouter ceux de la nouvelle civilisation. Sur le papier, cette décision d'Amplitude n'a absolument aucun sens, aussi bien sur le plan historique que narratif, mais elle fonctionne très bien une fois le jeu lancé. Avec ses dix civilisations qu'il faudra choisir six fois, pour un total, donc, d'un million de possibilités, le système permet des choix stratégiques que n'offraient pas les jeux de Firaxis. Par exemple, il peut être intéressant de commencer avec une civilisation basée sur la croissance, pour passer ensuite sur les Égyptiens bâtisseurs, et partir plus tard sur une civilisation militaire, en gardant, à chaque fois, les bonus de la civilisation précédente. Là où ça devient subtile, c'est qu'à chaque fois qu'un joueur choisira une civilisation, il la bloquera pour tous les autres. Faut-il, du coup, partir sur la nourriture, ou miser dès le début sur les Égyptiens, pour ne pas se retrouver dans une impasse plus tard ? Alors, certes, on termine avec quelque chose qui ne ressemble à rien d'historique, avec des Égypto-mongolo-mycéniens qui découvrent le voyage spatial après avoir construit le Louvre, mais le résultat permet d'être toujours en train de planifier quelque chose à long terme. Et puis, après tout, ce n'est pas comme si les Civilization brillaient déjà par leur respect de l'Histoire, donc tant qu'à faire, autant y aller gaiement.
Bagarre d'Austerlitz. L'autre changement majeur, ce sont les batailles, qui, à première vue, ont l'air bien plus stratégiques que dans les jeux de Firaxis. On peut empiler ses unités, comme dans Civilization IV, mais les combats, désormais, prennent place dans un espace-temps à part, où chaque unité retrouve une case à elle, et où il faudra, pour gagner, éliminer toutes les unités adverses OU capturer un drapeau et l'amener dans son camp, ce qui devrait permettre beaucoup plus de subtilité stratégique, d'autant que certaines unités pourront être cachées ou bénéficier de capacités spéciales qui corseront l’ensemble. La démonstration se déroulant pendant la première ère du jeu, il était difficile de se rendre compte de ce que donneront les batailles à plus grande échelle, mais les développeurs semblent miser gros sur des guerres intenses qui feront intervenir à peu près tout ce que l'humanité a inventé de plus drôle pour se déchirer joyeusement les intestins depuis la nuit des temps. En revanche, la diplomatie était absente de la démonstration. Sachant que c'est le gros point noir des Civilization récents, il va falloir espérer qu'Amplitude parvienne à faire mieux, mais rien ne permettait de se faire la moindre idée du comportement de l'IA.
Endless Civilization. On ne pourra pas reprocher à Amplitude de débarquer sur le marché des Civilization la fleur au fusil. Tout ce qui nous a été montré sentait bon l'amour véritable pour le matériau de base du 4X de Firaxis. Les développeurs nous ont accueillis en répétant que ce jeu était celui qu'ils voulaient faire depuis toujours, et que les précédents titres du studio (Endless Space, Endless Legend) n'étaient que des entraînements pour aller tâter le mastodonte de Sid Meier. À première vue, il n'y a que des raisons d'espérer que le jeu d'Amplitude parvienne à dépasser ses modèles et, peut-être, à les ébranler dans leur quasi-monopole. Il reste bien des tas de choses peu abouties : la diplomatie absente, une interface utilisateur perfectible et un équilibrage un peu pété, mais le studio lancera bientôt ce qu'ils appellent un « open-dev », c'est-à-dire des campagnes de bêta fermées où les joueurs seront invités à se prononcer sur des aspects très précis du jeu : les combats, la technologie, la diplomatie, etc. pour aboutir à une sortie finale fixée à un vaste horizon de 2021, sans autres précisions. Prenez votre temps, Amplitude, ne vous inquiétez pas : il y a des tas d'orphelins qui vous attendent, alors autant faire ça bien.