Sylve a tout du petit animal mignon. Il est coloré, sa boîte crache des cœurs fourrés aux arcs-en-ciel, ses cartes ont un faux air de Pokémon. Sylve vous invite à le caresser, l’œil brillant et la langue pendante. Ensuite, comme tous les petits animaux mignons, il vous mord au sang.
Prenez les films Angel Heart et L’Emprise des ténèbres et mélangez fort. Voilà, des meurtres, du vaudou et des zombies au cœur de la Louisiane des années 1980. Notez qu’on aurait tout aussi bien pu obtenir Mickey Rourke en vacances en Haïti. Finalement, on a plutôt eu de la chance.
Le poète portugais Pessoa n’était pas dingue, il avait juste des pseudonymes. D’accord, un peu plus que ça, des hétéronymes, des pseudonymes avec leur propre personnalité. Mais il n’était pas dingue. Parfois, il recevait un journaliste sous l’une de ses multiples identités, en s’excusant lui-même de ne pas être là. Bon, d’accord, Pessoa était dingue.
Tous les propriétaires d’un exemplaire de Supergang ont deux points communs : ils en parlent avec une larmichette dans l’œil et ils ont un flingue en plastique qui ne marche plus. C’est comme ça qu’on se fait refroidir bêtement. La nostalgie c’est bien beau, mais faut jamais oublier d’entretenir les pétoires.
Wimereux, près de Calais, un samedi soir. Un entrepôt est allumé. Malgré la pluie et l’heure tardive, une armée de mains s’affaire, s’affole et colle des étiquettes. Le ballet est millimétré. Pas de temps à perdre, douze mille boîtes attendent. Synchronisé comme le reste, un mantra sort de toutes les bouches : « Mais quel énorme connard ce Perco ! »
Plus qu’un jeu accessible, First Empires semble l’antithèse du jeu pour habitués exigeants. Il faut y jouer « mal », vite, ne pas trop réfléchir, ne pas tenir une stratégie immuable. Pourtant, rien n’est bâclé ou raté, au contraire. Simplement, c’est un choix radical de style. First Empires n’est pas « simpliste », il est « anti-experts chiants ».
« Il n’y a pas de mauvais jeux de rôle, il n’y a que de mauvais maîtres de jeu », disait l’ancien pape Benoît XVI après avoir dirigé une campagne ratée d’In Nomine Satanis, l’un de ses loisirs méconnus. Certains manuels mériteraient pourtant d’être enfermés à jamais dans les archives du Vatican, juste à côté du seul exemplaire connu de « Bricoler sans clous avec Jésus ».
Les jeux de plis, ce n’est pas trop mon truc. J’ai des souvenirs émus de parties de cartes en famille, sous le auvent de la caravane des vacances, en attendant que l’orage passe, mais ça s’arrête là. Alors, en découvrant Tournoi de Camelot à la rédaction, un jeu que nous n’avions même pas demandé, j’ai tiqué. J’avais tellement tort.
En 1980, l’éditeur Simulations Publications, Inc. (SPI) a une idée de génie : en publiant un jeu de rôle sur la série Dallas, il va être possible de réunir les fans du mélo texan, qui ne s’intéressent pas au JDR, et les rôlistes, qui ne s’intéressent pas à la télévision. Le potentiel est énorme. Effectivement, ils s’uniront tous, essentiellement pour détester le concept. Et pourtant, il n’était peut-être qu’en avance sur son temps.
Soyons francs : j’ai beaucoup hésité à conseiller ce jeu. J’y joue avec grand plaisir, mais, chaque fois que quelqu’un pointe un des nombreux défauts de cette version, je ne peux que hocher la tête en grommelant « mmmouais, c’est vrai, t’as pas tort, mais quand même ». Oui, c’est l’argument « mais-heu ! » et il est nul.