Rappel des faits : en avril 2008, nous publiions un article sur notre site web au sujet des alimentations noname premier prix et plus particulière- ment sur la PSX-A830 vendue sous la marque "Heden" par la société PCA France. Nous y dénoncions principale- ment l’incapacité patente de ces produits à délivrer la puissance de 480 watts annoncée puisque les exemplaires testés ne tenaient même pas une charge de 330 watts sans s’autodétruire. En réponse, la société PCA France nous avait alors adressé un droit de réponse incen- diaire arguant du fait que ces tests étaient "parfaitement contestables" et effectués avec du "matériel non agréé". Au passage, l’importateur nous menaçait également de procès ainsi que tout autre média qui relaierait l’information ; les défenseurs de la liberté de la presse ont d’ailleurs apprécié ces menaces à leur juste valeur. Quelques semaines plus tard, le 10 juin 2008, nous avons cherché à confirmer les premiers tests en publiant un nouvel article extrêmement détaillé sur la PSX-A830 2.2 d’Heden qui entérinait sa qualité franchement médio- cre, pour ne pas dire plus. Nous avons ainsi relevé de manière incontestable qu’il s’agissait en fait d’un bloc de 180- 240 watts, comme inscrit noir sur blanc sur le circuit imprimé interne, mais aussi que sa qualité de construction était lamentable (absence du PFC obligatoire, perturbations électromagnétiques hors- normes, défaut de protection sur certains rails, etc.) et même qu’elle pourrait contenir du plomb, pourtant interdit depuis longtemps par la norme RoHS. Quatre mois plus tard, le 21 octobre 2008, PCA France a toutefois entamé une action en justice contre Presse Non Stop (Canard PC) auprès du tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, lui demandant de nous condam- ner à 100 000 euros (sic) de dommages et intérêts pour le "préjudice" causé aux marques Heden et à la PSX-A830. Il nous restait donc deux options : soit céder à la pression et retirer toute trace du test en question, soit poursuivre l’affaire devant le tribunal. Vu le scandale que représentent autant ces blocs d’alimentation que ces menaces, nous avons choisi de mener la bataille juridique contre PCA France et d’aller au procès en maintenant l’intégralité de nos écrits. Il s’agissait là d’une question de respect pour nos lecteurs, mais aussi d’éviter que ne se crée un dangereux précé- dent qui aurait pu impacter toute la presse informatique, qu’elle soit sur le Web ou sur le papier, et nuire gravement à l’information des consommateurs à l’avenir.

Des pressions inacceptables.

Avec de telles pressions, l’indépendance de la presse technique qui se livre à des essais de matériels serait balayée puisqu’il suffirait à n’importe quel constructeur de menacer le média en question de représailles judiciaires sous prétexte que les tests n’étaient pas effectués avec du "matériel agréé", principal reproche formulé par la société PCA France, pour obtenir le retrait immédiat de l’article défavorable. Bref, certains de la validité de nos tests et de nos conclusions (celles-ci frôlant bien souvent l’évidence), nous avons choisi de mener la bataille contre PCA France. Entre octobre 2008 et juin 2010 (le temps judiciaire est long, très long), au cours de la construction de notre argumentaire, nous avons également mandaté un laboratoire agréé indépendant (LCIE/Bureau Veritas) pour reproduire ces mêmes tests de comptabilité électromagnétique. Nous avons demandé au laboratoire d’effectuer ces tests à 300 watts (ce qui laisse tout de même une large marge de manœuvre par rapport aux 480 watts annoncés). La conclusion est sans appel : "Les appareils de la marque HEDEN modèle PSX-A830 ne permettent pas de délivrer les puissances annoncées par le constructeur...".

Enfin, après avoir longtemps disserté sur les aspects techniques, nous avons tenté de récapituler le dossier de la manière la plus simple possible pour nous présenter devant le juge, néophyte en la matière, avec des arguments solides. Le procès a donc eu lieu au TGI de Paris le 4 juin dernier. Avant cette date, il nous était malheureusement impossible de communiquer sur cette affaire, tout comme nous avons été réduits de fait au silence concernant tous les produits de PCA France. Lors de ce procès, nous avons également fait valoir que d’autres confrères comme Hardware.fr ou matbe (maintenant pcworld.fr) avaient également testé des blocs d’alimentation "Heden" en concluant, tout comme nous, à leur piètre qualité. Nous avons aussi fourni de nombreux arguments techniques que nous jugions pertinents pour, par exemple, expliquer que la puissance affichée d’une alimentation correspondait à celle qu’elle était capable de délivrer (PCA France soutenant au contraire qu’il s’agissait de la puissance "consommée" sur la prise EDF...).

Un test chimique de présence de plomb positif.

Verdict : débouté.

Le 3 septembre, le TGI a donc rendu son verdict. Dans celui-ci, il est confirmé qu'"il ne s'agissait pas là, contrairement à ce que suggère la société demanderesse, de tests officiels nécessitant un matériel agréé, mais d'essais de produits vendus dans le commerce à seule fin de conseiller ou d'alerter l'acheteur potentiel". Même si nous cherchons à nous inspirer des tests préconisés par les différentes normes, il est clair que les essais pratiqués n’avaient pas pour but de garantir une quelconque validation officielle. Ceci est valable pour l’intégralité des produits qui passent entre nos mains chaque année. Ensuite, le tribunal confirme que "le site Canardpc.com (...) revendique une liberté de ton et de critique qui n'est pas en soi contestable dès lors que cette liberté ne tourne pas à la mauvaise foi systématique et ne cache pas une volonté de nuire". Là aussi, les produits de la société PCA France n’ont pas bénéficié d’un quelconque traitement de faveur (ou plutôt de défaveur) et nous avons procédé de la même façon que pour les innombrables produits que nous testons régulièrement. Ni plus, ni moins. Il existe sur le marché de nombreux composants que nous vous déconseillons et d’autres que nous recommandons, et nous n’avions nullement l’intention de nuire à la société PCA France. L’alimentation Heden en question ayant été choisie uniquement parce qu’elle faisait partie des modèles les plus vendus en France, tout comme, d’ailleurs, un autre bloc signé "Advance" que nous avions également disséqué à l’époque. Enfin, le tribunal estime que l’article publié est "la résultante d'un protocole à base de divers appareillages de mesure qui lui permettent d'évaluer de manière précise la qualité des alimentations", confirmant ainsi la crédibilité de notre méthodologie complexe de test. En conclusion, le verdict indique que "Dès lors qu'aucun manque de sérieux ne peut être imputé à la société PRESSE NON STOP qui n'a agi que dans l'intérêt d'une information du public sans que les critiques émises soient purement gratuites, aucune faute ne peut lui être reprochée" et déboute la société PCA France de toutes ses demandes en conséquence. Nous sommes heureux que la justice ait validé nos points de vue sur cette affaire et défende par la même occasion la liberté d’expression de la presse en général. Un jugement défavorable aurait tout simplement interdit à un organe de presse de déconseiller un produit à ses lecteurs, quels que soient les arguments – justifiés ou non – invoqués. Pour l’heure, nous considérons cette affaire comme close et celui-ci n’aura bien entendu aucune influence si nous venions à tester à l’avenir d’autres produits de la société PCA France, que nous continuerons de traiter comme tous ses concurrents. Ni plus, ni moins. Enfin, il est important de noter qu’à l’heure où nous mettons sous presse, le délai légal d’appel de cette décision (un mois) n’est pas encore expiré. S’il s’avérait que la société PCA France utilisait son droit à ce que l’affaire soit rejugée, nous nous battrons avec acharnement pour obtenir la confirmation du jugement de première instance. C’est une question de principe et de respect pour nos lecteurs. Dans tous les cas, merci à tous, confrères comme lecteurs, pour votre soutien !

Fusible "T5A" qui correspond à 180 watts.