Mon aventure a curieusement débuté. Dans Assassin's Creed Origins, on dirige Bayek, qui n'est pas un assassin mais le dernier des Medjaÿ. En théorie, les Medjaÿ étaient une sorte de force de police paramilitaire dépendant des pharaons, mais c'était environ un millénaire avant la naissance de Bayek. Lui est plutôt mi-samouraï errant, mi-shérif vengeur et à cheval, mi-livreur de colis (et visiblement mi-pas très bon en maths, aussi). Plutôt que de foncer tête baissée dans la première grosse mission scénarisée, je me suis dit que j'allais envoyer Bayek explorer la ville et ses environs, piller le temple local et me faire des petits plaisirs à la boutique de sabres avec le butin récolté. Grâce à l'aigle Senu, sorte de drone vivant capable de miracles (il pratique notamment le vol stationnaire et la détection d'ennemis et de trésors à travers les murs), j'ai commencé par faire le tour du temple en notant les emplacements de tous les gardes, ce qui a vite rempli mon écran de dizaines de marqueurs. J'ai alors commencé à les éliminer patiemment, un à un, parfois en profitant de leur bêtise (AC n'a pas fait de grands progrès de ce côté : les ennemis ne sont ni curieux, ni perspicaces, ni malins), de leurs problèmes de vue et de leur tendance à s'approcher un peu trop du vide.
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Assassin's Creed Origins
Seth sur dix
Il y a deux ans, devant les maigres ventes d'Assassin's Creed Syndicate, Ubisoft annonçait que la série prendrait une année sabbatiqueNote : 1, le temps de la remettre sur de bons rails, de la retaper un peu, bref, d'arrêter de proposer toujours la même chose. Ils ont vraisemblablement changé d'avis en route.
Note 1 : On a tout de même eu droit cette année-là au film Assassin's Creed, dont même l'acteur principal Michael Fassbender jugeait récemment qu'il « se prenait trop au sérieux » et qu'il aurait dû être « plus amusant ». Tchac dans la jugulaire.
Si les combats d'Assassin's Creed ne paraissent jamais au niveau, c'est aussi parce qu'ils interrompent l'essentiel du jeu, c'est-à-dire la balade sur le terrain.
Anubis repetita. Parfois, je leur ai tailladé le ventre à grands coups d’épée, parce que la discipline est une belle idée, mais qu'il faut aussi savoir briser ses principes et se laisser aller, vivre dans le moment. Après avoir piqué deux des trois trésors du temple, j'ai vu trois gardes s'avancer dans un souterrain. N'écoutant que mon instinct (qui m'intimait de faire disparaître par le sang ces marqueurs affichés sur mon écran), je leur ai offert quelques volées de flèches dans le corps. En passant sur leurs cadavres pour récupérer mes flèches (car donner c'est donner et reprendre c'est voler, mais bon, étant déjà un meurtrier, je ne vais pas en plus m'embarrasser de principes moraux), le jeu m'a proposé de « confirmer une mort ». Sans le savoir, sans m'en rendre compte et alors que je voulais juste me remplir les poches, je venais de tuer l'une des premières grosses cibles du jeu, celle qui aurait justement été l'objet de la première mission scénarisée. Du coup je n'ai jamais trop su qui c'était ni pourquoi je devais le tuer, mais je ne vais pas faire la fine bouche, c'est toujours ça de pris.
La version PC Une fois n'est pas coutume, la version PC (sortie en même temps que les versions consoles, tout arrive) a bénéficié de soins particuliers. Le jeu est particulièrement bien optimisé et contient même un outil de benchmark pour définir les meilleures options pour votre configuration. En revanche, il faut subir non seulement Uplay mais aussi deux DRM supplémentaires.
Hathor et à travers. C'est une belle histoire. C'est aussi la seule fois où Assassin's Creed Origins m'a véritablement surpris. Pour le reste, on retrouve la formule habituelle des mondes ouverts d'Ubisoft. Ou plutôt non : on y retrouve des éléments de chaque jeu Ubisoft mélangés à quelques autres gros titres récents, tous plongés dans un gigantesque creuset. Origins, quoi qu'en disent les développeurs, ressemble énormément aux précédents AC. On y retrouve un système de parkour similaire, les mêmes bugs d'animation, les mêmes civils qui ne savent pas trop ce qu'ils font et qui, irrémédiablement, se retrouvent à vous foncer dessus, les mêmes arbres à fourche conçus pour l'escalade, les mêmes filins tendus sans raison entre les bâtiments. On y retrouve la même carte remplie de marqueurs, les mêmes tours à escalader, les mêmes ennemis idiots. Et on remarque vite les emprunts à d'autres mondes ouverts : l'arc de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, le cycle jour-nuit (et le bouton pour passer de l'un à l'autre) de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, l'orientation de The Witcher 3, l'aigle-drone calqué sur ceux des derniers Watch Dogs et Ghost Recon, les campements de soldats à attaquer, où l'on peut libérer des animaux sauvages, comme dans les Far Cry, une interface d'inventaire et une passion pour les armes à ramasser dignes de Destiny...
De mal en Apis. Les armes d'ailleurs et le loot d'une manière plus générale sont justement au cœur du plus gros changement d'Assassin's Creed. La série a toujours fait une fixation maladive sur les coffres et autres bidules à ramasserNote : 2, mais ici on passe à un autre niveau : il y a des malles et sacs à vider absolument partout. Le jeu ne s'embête d'ailleurs plus à les noter sur la carte, sans quoi elle serait complètement surchargée. Chaque combat, chaque interaction, est susceptible de vous ramener non seulement de l'argent et des points d'expérience, mais aussi des matériaux rares (qui serviront à améliorer vos compétences) et parfois des armes. Celles-ci ont différents niveaux de rareté et vous croulerez bientôt sous les haches, arcs, sabres et épées diverses. Sans pouvoir forcément toutes les utiliser d'ailleurs, puisque tout dans le jeu a désormais un niveau. Vous, les ennemis, les animaux, les quêtes, les zones que vous explorez et vos armes. Impossible d'équiper une arme de niveau 30 si vous êtes niveau 27. Et un ennemi niveau 3 ne fera pas le poids une seconde face à vous si vous êtes niveau 12. À chaque niveau que vous gagnez (encore une fois, tout dans le jeu file de l'expérience, donc l'évolution se fait rapidement), vous obtenez également un point de compétence, à dépenser dans l'arbre idoine. Ce n'est pas une complète nouveauté, les Assassin's Creed ont depuis longtemps une progression avec déblocage de compétences et des tonnes d'armes, mais c'est la première fois que tout est à ce point imbriqué.
Note 2 : Souvenez-vous des centaines de drapeaux à récolter dans le premier épisode.
Thoth Thoth les rageux. Malgré tout, les combats restent le point faible des Assassin's Creed. C'est l'autre gros chantier d'Origins, puisque les affrontements sont désormais moins statiques... mais à quelques exceptions près, ils restent tout aussi faciles et bourrins qu'avant. La parade, autrefois élément essentiel du jeu, devient ici trop risquée, pas assez rentable quand quelques grands coups d'épée suffisent. L'une des mécaniques, introduite dans le deuxième tiers d'Origins, relève tout de même un peu la difficulté : des chasseurs de primes surpuissants qui vous traquent sur la carte. Ils ajoutent une bonne dose de tension dans un monde à part ça très calme (il y a des attaques des prédateurs et différents types d'ennemis qui se chamaillent, mais rien de nouveau sous le soleil, on avait déjà tout ça dans Assassin's Creed 3), car on déclenche leur arrivée vers le niveau 12 ou 13 et que le plus faible d'entre eux est niveau 20 : mieux vaut ne pas croiser leur route avant un moment, sous peine de souffrir. La mécanique rappelle les chasseurs d'assassins de Rogue, mais surtout les chevaliers du premier Assassin's Creed qui, en embuscade, sortaient soudain de leur trou pour occire Altaïr au premier coup d'œil.
Râ des villes et Râ des champs. Il est presque normal qu'à l'exception de ceux où l'on affronte ces chasseurs de primes, les combats déçoivent : à quoi bon imposer de force les mêmes bastons que partout ailleurs dans un jeu orienté infiltration et à l'univers aussi unique ? On joue à Origins pour le décor, le voyage, le plaisir des yeux. Si les combats d'Assassin's Creed ne paraissent jamais au niveau, c'est aussi parce qu'ils interrompent l'essentiel du jeu, c'est-à-dire la balade sur le terrain. De ce côté, Origins ne déçoit pas, bien au contraire : la carte du monde est absolument gigantesque, et on trimbale avec plaisir Bayek (ainsi que son aigle, son cheval et les animaux qu'on dompte au passage) entre les pyramides de Gizeh, le long du Nil, dans une oasis, tout en haut du phare d'Alexandrie... Le désert rappelle le premier Assassin's Creed, les villes à l'architecture gréco-romaine évoquent les aventures d'Ezio Auditore et, pour les amateurs de Black Flag, il y a même quelques séquences en bateau coincées dans la campagne principale. Si le jeu propose peu de surprises du côté des aventures de Bayek, il offre en revanche régulièrement des paysages de carte postale dont on aurait tort de ne pas profiter.
Laisse pas traîner Memphis. Le jeu semble d'ailleurs avoir été conçu pour prendre son temps : les écarts de niveaux entre les différentes quêtes de la campagne principale vous forcent à explorer l'Égypte et à accomplir des missions secondaires pour progresser, en ramassant au passage tout le butin que vous pouvez. En progressant à un rythme raisonnable, il faudra une bonne trentaine d'heures pour en voir le bout, et bien plus pour tout découvrir, tout faire, tout obtenir. Et puisque Ubisoft veut faire de tous ses jeux des games as a service, Origins contient également des quêtes quotidiennes (qui rapportent bien entendu des armes légendaires) et ajoutera au fil des mois du contenu supplémentaire gratuit (des combats contre des dieux égyptiens, un mode horde, une version découverte complètement expurgée des combats, etc.). De quoi profiter longtemps du beau soleil égyptien.