Au début, ça ressemble à un rêve un peu fou. Total War : Arena, c'est le genre de jeu dont la description fait fantasmer les joueurs sur les forums depuis des lustres : « T'imagines si les types de XCOM s'attelaient à un jeu Cthulhu ? Ou alors, ou alors, ou alors, imagine si Total War était porté en multijoueur par ceux qui ont fait World of Tanks ! » Bienheureux rêveurs, vous voilà exaucés : depuis le mois de février, la bêta ouverte de Total War : Arena permet de se rouler tout nu dans ce mélange qu'on imagine orgasmique. Effectivement, sur le papier, il n'y a rien à changer : Creative Assembly développe le jeu avec les combats qui ont fait le succès des Total War, tandis que Wargaming le co-édite avec Sega pour lui appliquer l'excellente recette World of Tanks. Grâce au savoir-faire biélorusse ancestral, Total War : Arena est un free-to-play qui n'en veut pas des masses à votre portefeuille, où vous devez équiper et faire progresser des unités qui appartiennent à plusieurs factions. Sauf qu'au lieu d'avoir un garage rempli de blindés américains ou allemands, vous vous retrouvez propulsé à la tête d'une caserne remplie de régiments grecs, romains, carthaginois et germains. Comme dans World of Tanks, vous pouvez changer leur équipement (ici, on ne remplace pas le moteur mais l'armure), choisir un général (au lieu d'un équipage de char) qui file des bonus et, en gagnant suffisamment d'expérience au combat, acquérir des unités supérieures.
Transformé en archive gratuite
- Cet article, initialement réservé aux abonnés, est devenu gratuit avec le temps.
Total War : Arena
Hannibal au low cost
Cette fois, je vais les avoir. Ma cavalerie de barbares germains a pris l'infanterie ennemie à revers et commence à la tailler en pièces. Mais... oh non ! Trop pressé de se rendre utile, César a ordonné à ses archers d'envoyer des volées de flèches dans la mêlée et mes chevaux tombent par dizaines. Du haut d'une colline toute proche, Léonidas observe le massacre sans vouloir risquer ses propres soldats, qui n'ont pas dégainé leurs épées depuis le début de la bataille. Mon seul espoir désormais est que Hannibal me vienne en aide, mais voilà : il est trop occupé à dessiner des bites sur la carte tactique.
Hélas, Total War : Arena réunit des joueurs de jeux vidéo, pas des êtres supérieurs venus de Bételgeuse.
Antique nerveux. Même si on aurait adoré que Total War : Arena nous fasse contrôler une légion en formation tortue avec les mêmes contrôles qu'un tank, le jeu ne ressemble plus du tout aux blockbusters de Wargaming dès qu'on lance une bataille. Non, à ce moment-là, le fan de Total War se retrouve en terrain connu : il choisit l'emplacement de départ de ses troupes, puis les dirige vers le camp ennemi, qu'il faut capturer en prenant évidemment soin de contrecarrer les plans adverses. Et là, grande nouveauté, on se retrouve dans une équipe de dix joueurs à devoir coller une branlée aux dix gus d'en face. Avec seulement trois régiments à gérer par personne, il y a de quoi se sentir comme un rouage parmi d'autres dans une armée qui ne fonctionnera que grâce à la coopération, à l'entraide et à une tactique parfaitement coordonnée. Hélas, Total War : Arena réunit des joueurs de jeux vidéo, pas des êtres supérieurs venus de Bételgeuse, et il s'agit donc d'un foirage complet. Comme je le précisais déjà en introduction de cet article, on se sent toujours lésés par nos coéquipiers : entre le friendly fire des archers, les catapultes qui visent Tombouctou au lieu d'aider l'infanterie en première ligne et les joueurs qui ignorent les objectifs ou les potes en détresse, il y a de quoi devenir dingue. Il faut dire que le système d'expérience du jeu semble récompenser les commandants passifs, qui restent à défendre la base ou qui se contentent d'avancer tout droit, au lieu d'encourager l'entraide et les manœuvres habiles.
La critique est aisée, César est difficile. L'absence de vraie coopération – à part lorsqu'il s'agit de dessiner un phallus à plusieurs sur la carte – ne poserait pas de vrai problème si on pouvait profiter pleinement de nos unités. C'est là, en fin de compte, que Total War : Arena loupe complètement sa cible. Alors que ne contrôler qu'un dixième de l'armée autorise une gestion plus poussée de chaque unité, le jeu se contente de nous donner les mêmes options que dans les Total War solo. Autrement dit, malgré une ou deux capacités spéciales à activer au bon moment, ne vous attendez pas à contrôler votre régiment d'infanterie avec une grande finesse – comble de la honte, il n'est même pas possible de choisir la formation adoptée par les soldats. Bien sûr, rien n'empêche d'emporter des unités hétéroclites dans une même bataille histoire de varier les plaisirs. Mais on fait vite le tour des synergies entre la cavalerie, l'infanterie, les archers et les catapultes, seuls types d'unités disponibles. Comme dans les Total War classiques, vous me direz, sauf que ceux-là empêchent le joueur de s'ennuyer ferme par plusieurs moyens absents de Arena, comme une progression rapide ou l'échelle spectaculaire des batailles. Or, le spectacle, c'est aussi ce qui manque cruellement à Total War : Arena. Là où les jeux de la série bénéficient d'un soin méticuleux apporté à leurs graphismes et à leur design sonore, Arena est à la fois moche (non mais sérieusement, la tronche de Jules César…) et doublé à l'arrache. Il ne reste pas grand-chose pour le sauver à part son statut de bêta, qui appelle l'indulgence. Reste que pour les amoureux des deux genres et les rêveurs de tout poil, le réveil est difficile.