On a déjà tenté de nombreuses fois de nous resservir une louche de FTL en changeant un peu la couleur du breuvage. Vous voulez du FTL version voiture ? Il y a Convoy. Version Pirates des Caraïbes ? Il y a Abandon Ship. Version sous-marine ? Il y a Diluvion. Oh, je vous vois déjà en train de les chercher sur la boutique Steam. Ne perdez pas votre temps, aucun n'arrive à la cheville du jeu original. Alors pour Shortest Trip to Earth, les Estoniens d'Interactive Fate ont fait un choix plus radical : ils n'ont même pas touché à l'emballage. Ils restent dans l'espace, gardent les mêmes mécanismes, la même ambiance et le même style pour la bande-son. Je pourrais vous montrer une vidéo de cinq secondes du jeu, vous affirmer droit dans les yeux qu'il s'agit de FTL 2 et vous me croiriez probablement, tout chamboulé par l'intensité de mon regard bleu acier.
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Shortest Trip to Earth
FTL à l'estonienne
C'est une constante chez les rockstars du jeu indé : au nom de la créativité (et aussi probablement parce qu'ils ont déjà bien assez de thunes), ils refusent de faire des suites. Ainsi n'aurons-nous jamais de Super Meat Boy 2, de The Binding of Isaac 2, de Rimworld 2, de FTL 2. Et cela arrange d'autres studios moins connus, qui s'engouffrent dans la brèche.
Permettez-moi une métaphore culinaire. Imaginez un super pot-au-feu.
Rajouts de bœuf. À quoi ressemble donc un FTL 2 vu par des Estoniens ? Au même jeu, avec des choses en plus. Par exemple, là où FTL utilise trois ressources, Shortest Trip to Earth en a huit. L'équipage peut être beaucoup plus nombreux, et chaque perso a une vraie petite feuille de stats avec compétence en réparation, combat à distance, gestion des équipements électroniques... Les événements sont beaucoup plus nombreux et variés, puisque chaque secteur compte désormais plusieurs planètes ou objets non identifiés qu'il faut aller visiter pour, selon l'humeur du générateur de nombre aléatoire, gagner des ressources ou se faire attaquer par des bestioles bizarres. Les combats connaissent aussi un peu plus de finesse et de variété tactique, avec des armes qui ont un vrai cône de visée et certains détails (comme le placement des canons anti-projectiles) qui influencent l'efficacité du vaisseau. En surface, Shortest Trip To Earth donne donc l'impression d'être un FTL plus détaillé, plus granuleux, plus riche. On s'y jette en attendant une expérience aussi punitive et réjouissante. Pour le côté punitif, pas de problème : ce rogue-like est d'une difficulté brutale. Pour les réjouissances en revanche, c'est plus subtil.
Remplacer les navets par des olives. Permettez-moi une métaphore culinaire. Imaginez un super pot-au-feu. La viande est incroyable, les poireaux sont bio, les carottes directement récupérées dans le potager de grand-mère. Comment améliorer un tel plat ? Si je mets trois fois plus de carottes, ou que je remplace les navets par des olives, l'équilibre des saveurs et des textures est bouleversé. C'est un peu le problème de Shortest Trip to Earth. Ce jeu nous pose une question que je compte proposer au ministère de l'Éducation nationale comme sujet du bac philo 2019 : peut-on améliorer la perfection ? Après une vingtaine d'heures de batailles à coups de canon gatling et de lasers incendiaires, j'aurais tendance à penser que non. Le jeu est loin d'être mauvais, mais avoir plus de ressources à gérer, plus de complexité dans les combats, plus de membres d'équipage n'améliore pas le concept de FTL. On pourrait même dire que ça l'alourdit inutilement.
À laisser mijoter. Maintenant, laissons de côté FTL. Que vaut Shortest Trip to Earth si, par bienveillance, on ne le compare pas à l'illustre jeu dont il s'inspire ? Disons que cette version anticipée du jeu fait le job convenablement, mais que les développeurs ont encore un bon paquet de problèmes à régler. Le hasard a tendance à jouer un rôle bien trop important sur chaque run. Même avec une bonne stratégie de départ, on peut se retrouver en manque de fuel ou de nourriture si l'on ne tombe pas sur les bonnes planètes au bon moment. L'interface est incomplète, rendant la gestion de l'équipage un peu pénible. Ajoutez à cela un manque de lisibilité générale du vaisseau qui complique l'identification des membres d'équipage et les fonctions de chaque module. Et bien sûr, l'équilibrage général, composant essentiel d'un bon rogue-like punitif, est encore un grand chantier. Les combats semblent d'abord trop faciles, mais ils sont en fait trop peu fréquents pour looter beaucoup de ressources et se préparer à l'inévitable affrontement contre le boss de fin de secteur.