Oubliez les guerriers, les druides et les paladins : dans Encased, je suis un balayeur. Bon, pas un « balayeur », mais un type du secteur bleu, et sous le dôme, ce sont eux qui balaient. Qui réparent les camions, aussi. Sous le dôme, chacun a un rôle, et celui des types du secteur bleu, c'est la maintenance. Notez que j'aurais pu choisir un autre corps de métier : le secteur noir des policiers, par exemple, ou bien le secteur blanc des scientifiques. Ça a l'air un peu strict, comme division du travail, mais il n'y a pas trente-six mille manières de s'organiser pour tenter d'explorer le dôme, cette structure découverte en plein désert où se mêlent radioactivité, virus bizarroïdes et restes dangereux d'une civilisation oubliée. Sauf que tout ça, ce sera pour plus tard : au début d'Encased, on vient tout juste de faire notre entrée dans le dôme et plusieurs heures de quêtes nous attendent au quartier général du corps expéditionnaire. C'est là que le secteur choisi lors de la création de perso prend toute son importance, parce que si les tâches à accomplir ne varient pas d'une partie à l'autre, notre rôle dans le complexe peut modifier notre approche de chaque situation.
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Encased
Un peu de dôme au cœur ?
Je ne vous le cache pas, après Disco Elysium (10/10 dans le Canard PC n° 400), revenir au charme du jeu de rôle isométrique à l'ancienne s'est révélé difficile. Pas de voix dans ma tête pour me tenir compagnie, ni de compagnon aussi réprobateur qu'attachant. Triste. Il m'a donc fallu un petit temps d'adaptation pour revenir aux joies toutes simples du CRPG classique : brandir un fusil à pompe d'un air menaçant, m'en servir pour arracher la tête d'un pillard téméraire et fouiller son cadavre encore fumant. La base.
Il manque encore une bonne partie des éléments qui rendent un CRPG agréable.
Je lui dirai les mots bleus. En tant que membre du secteur bleu, j'avais par exemple le chic pour ne pas m'attirer d'ennuis et contenter tout le monde avec mes talents de réparateur. Mais dans une autre partie, j'ai joué un milicien membre du secteur noir, et là c'était l'hécatombe : j'ai aboyé sur les pauvres prisonniers du secteur orange, j'ai distribué des amendes abusives et j'ai procédé à des fouilles inopinées quand il le fallait. Plus que de simples possibilités de roleplay ou des moyens de diversifier les parties, toutes ces situations modèlent un personnage assez unique, notamment grâce à un suivi scrupuleux des choix car la réputation du héros avec chacun des secteurs varie en fonction de la façon dont il s'est comporté. Au bout de quelques heures de policier zélé, j'étais donc considéré comme un très bon élément par le secteur noir, tandis que le secteur orange m'avait en horreur. Hélas, l'originalité de la gestion des différents secteurs est l'une des seules qualités d'Encased : pour tout le reste, il fait preuve d'une banalité affligeante.
Dôme, prairies, gnons. Pas très bien rythmé, le jeu se résume pour l'instant à accomplir des quêtes Fedex abrutissantes dans le quartier général, puis à s'aventurer dans les terres désolées du dehors pour explorer quelques cartes étriquées et (rarement) trucider des cafards géants – le reste du contenu arrivera plus tard. Alors d'accord, avec sa vue à l'isométrique, ses combats au tour par tour, son désert post-apo' et son univers rétro (le dôme y a été découvert en 1971), Encased s'inspire clairement des vieux Fallout. Cependant, il lui manque encore une bonne partie des éléments qui rendent un CRPG agréable. Des combats nombreux et dotés d'une vraie profondeur tactique, par exemple, ou bien la joie de dénicher du matériel de qualité car au lieu de flingues ou de bouquins, les caisses regorgent de feuilles A4 vierges, de ciseaux cassés et d'oignons.
Loin du disco. Surtout, Encased souffre d'une écriture assez plate, qui n'aide pas à mettre en valeur ses quêtes vues et revues (retrouver une montre égarée, réparer une caméra, convaincre un travailleur récalcitrant de se remettre au boulot…). Les dialogues ne sont ni très drôles ni très inventifs, et ils ne permettent jamais de révéler une personnalité complexe chez nos interlocuteurs. Dans cet océan de conversations quelconques et de scènes vues et revues, le seul personnage qui me reste en mémoire est une femme appelée Clara Morgane, et encore, c'est juste parce que je me raccroche encore à l'espoir qu'il s'agisse d'une coïncidence malheureuse au lieu d'une référence lourdingue. Rien de très grave – au moins, les textes sont compréhensibles et ne donnent pas l'impression d'être dans une mauvaise série B –, mais rien de très passionnant, non plus. Cela dit, malgré tous ces problèmes, l'espoir reste permis. Encased n'est qu'en accès anticipé et il a encore de longs mois de développement devant lui. Avec sa feuille de personnage riche de 17 compétences, le potentiel de ses secteurs de couleurs et l'histoire intrigante du dôme, il aura sans doute de sérieux atouts à faire valoir à sa sortie. Mais pas avant.