Comme toutes les histoires dont on sent d'emblée qu'elles auront une fin optimiste et joviale, Colony Ship se déroule entièrement dans un vaisseau spatial. Pas un petit vaisseau tout pourrave, hein, mais un énorme bouzin d'une taille incalculable, lancé par une secte religieuse depuis la Terre pour aller coloniser une planète à perpète-les-étoilettes. Comme le voyage dure bien 400 ans, plusieurs générations de petits Elon Musk se succèdent, mais voilà : après quelques siècles d'enfermement, le feu sacré qui animait les premiers colons a laissé place à des braises à peine tièdes. Une mutinerie géante éclate dans le vaisseau ; tandis que la misère, la violence et le chaos se propagent partout, des factions émergent. C'est là que l'aventure démarre, lorsque notre personnage réduit à fouiller des montagnes de débris trouve un objet qui va attirer bien des convoitises. Mais la route jusqu'en haut de l'échelle sociale sera longue et semée d'embûches. Pour preuve, la première démo de Colony Ship, distribuée à la communauté proche du studio et aux trois journalistes dans le monde qui suivent le projet (en réalité, trois fois Canard PC avec des adresses e-mail différentes), était en réalité un prototype destiné à dévoiler le système de combat du jeu.
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Colony Ship
Adam et Crève
Dans le milieu du jeu de rôle PC, peu de boîtes ont autant de street cred' qu'Iron Tower. Grâce à The Age of Decadence (2015) et Dungeon Rats (2016), ce studio a prouvé de longue date son talent en termes de choix cornéliens et de combats impitoyables. Mais depuis quatre ans, il a laissé derrière lui le post-apo' parfum Rome antique pour un projet qui fleure bon la science-fiction. Quoi ? « Est-ce que c'est pour délivrer un message porteur d'espoir sur l'avenir de l'humanité ? » Ah oui, vous ne connaissez pas du tout Iron Tower en fait...
Quelque part dans les entrailles du vaisseau gît une cité moisie sise dans un labyrinthe de containers...
Petites morts. Dès la première bataille, on se sent comme à la maison. Il y a des méchants à dézinguer au tour par tour, un damier de cases pour se déplacer, des points d'action à dépenser et une variété d'armes alléchante. Pourtant ce n'est pas une raison pour se détendre, car si vous n'avez jamais joué à The Age of Decadence, vous allez tomber de haut. En effet, le studio Iron Tower a toujours été très exigeant avec son public ; dans ses jeux, la victoire nécessite une vigilance extrême. Ainsi, pour ne pas crever comme un rat dès la première escarmouche il faudra porter une attention particulière à l'ordre des tours, à la composition des escouades, à la gestion des points d'action, au choix des cibles et aux subtilités du positionnement. Et comme ça ne suffit pas, l'inventaire, la visée et l'équipement auront une belle profondeur – il n'est pas rare qu'une arme ait 7 façons différentes d'être utilisée (tir précis, rafale, coup rapide, etc.). J'ai donc passé de longues heures à m'acharner sur des bastons particulièrement épineuses, et pour la première fois dans un jeu Iron Tower, je me suis épargné une fracture de l’œil : avec Colony Ship, le studio a abandonné le vieux moteur Torque au profit de l'Unreal Engine 4, ce qui donne des graphismes certes loin de ceux de Cyberpunk 2077 mais en tout cas moins crados qu'auparavant, plus lisses et avec de jolies lumières.
Plus d'une Tour dans son sac. Vince D. Weller, le patron d'Iron Tower dont on ne connaît que le pseudo, est un fin connaisseur des mécaniques du jeu de rôle. Il a d'ailleurs pour habitude d'expliquer publiquement ses choix de game design et de décortiquer les erreurs qu'il a commises dans ses précédents jeux. Du coup, je lui ai demandé comment Colony Ship allait améliorer la recette de ses prédécesseurs. « Avant toute chose, il y aura plus de choix et de réactivité (du jeu aux actions du héros, NDLR), m'a-t-il répondu. C'est notre marque de fabrique et nous allons encore la développer dans Colony Ship. Il y aura aussi plus de points d'intérêt et d'interactions dans les zones un peu secondaires, avec une plus grande place laissée à l'exploration. Enfin, l'infiltration à la The Age of Decadence, où tout se faisait via un texte comme dans un Livre dont vous êtes le héros, sera remplacé par un système au tour par tour. En prime, il y aura aussi des compagnons, une feuille de personnage plus poussée et des mécaniques de dialogues plus intéressantes, qui évaluent comment vous vous en sortez pendant toute la conversation au lieu de laisser une seule réplique décider si vous réussissez à convaincre ou non. »
Défi de justice. Cela dit, pendant ces quelques heures passées à me faire farcir de pruneaux telle la première dinde de Noël venue, j'ai été frappé par autre chose que la profondeur des combats et les crosses de mes ennemis. Oui, car presque par accident, la démo laisse apercevoir l'immense potentiel de l'univers de Colony Ship. Tenez, pour cette démo centrée sur le combat, on ne joue même pas un bête gladiateur du futur qui se téléporte de bataille en bataille : non, quelque part dans les entrailles du vaisseau gît une cité moisie sise dans un labyrinthe de containers, et dans cette cité, les procès se déroulent sur le sable (enfin, disons la tôle rouillée) de l'arène. Au début de la démo, un juge trop content de l'aubaine apprend que l'on cherche du travail et nous nomme procureur, ce qui signifie qu'on gagne le droit d'aller dézinguer les accusés et de fouiller leurs cadavres si l'on survit. Le tout est enrobé d'un cynisme qui rend la situation d'autant plus sinistre, mais fait aussi ressortir son absurdité et son caractère parfois comique. On retrouve cette touche d'humour grinçant et ce pessimisme acide dans les bribes de textes où l'on découvre les factions, qu'il s'agisse des gardiens zélés de la mission originale du vaisseau ou des fanatiques religieux cramponnés à leur bible. Du Iron Tower pur jus : dans The Age of Decadence, le studio détaillait déjà avec délectation la corruption généralisée d'une société post-apo'. Autant dire que leur nouvelle histoire de confinement dans un immense vaisseau s'annonce comme un riant petit conte pour enfants.