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Chaque personnage bénéficie de son propre système de combat, comme ici, la fleurettiste qui doit passer d’une posture à l’autre.
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Genre : FRPG
Développeur : Sandfall Interactive (France)
Éditeur : Kepler Interactive
Plateformes dispo : Windows, PS5, Xbox Series
Plateforme test : Windows
Téléchargement : 43 Go
Date de sortie : 24/04/2025
Langue : français
Prix : 50 €
Reconnaissons au moins que Clair Obscur : Expedition 33, n’a pas besoin de ces promesses pour attirer l’attention tant le pitch pique la curiosité. Chaque année, les habitants de la ville insulaire de Lumière redoutent le jour du gommage, durant lequel une colossale peintresse (imposante au point qu’on l’observe sans peine, à l’œil nu, depuis l’autre côté d’un vaste continent) se réveille et esquisse des chiffres de feu sur un monolithe anthracite. Voilà l’âge au-delà duquel vous disparaissez, d’un claquement de doigts. Un rituel particulièrement morbide, puisqu’il s’agit même d’un compte à rebours : le pinceau retranche un à chaque fois.
Las de cette perpétuelle soustraction mathématique et démographique, les habitants de Lumière envoient au lendemain de chaque purge une expédition pour tenter de goumer la gommeuse. Personne n’est forcé à participer à cette mission suicide. Cela dit, on s’y sent étrangement obligé quand on sait qu’on est au menu de l’an prochain. Les expéditions sont numérotées en fonction du nombre qui brille dans la nuit. Dans notre cas, l’expédition 33.

Tel un bain trop chaud, il faut s’acclimater à la proposition artistique que nous impose le jeu.

Âge limite

Tel un bain trop chaud, il faut s’acclimater à la proposition artistique que nous impose le jeu. Rien que dans la ville de départ : je ne savais pas trop si j’aimais ou détestais ce Paris de la Belle Époque complètement écartelé, aux bâtiments parfois coupés en deux, flottant à plusieurs mètres du sol. Mes sentiments étaient confus à la vue de cette tour Eiffel qui a carrément fondu ou de cet Arc de Triomphe brisé par le centre.

La bande originale, largement interprétée en français, sur piano et violon, qui parle d’amour et de beauté, n’est-ce pas de trop ? Les menus (très mal fichus par ailleurs) et les uniformes expéditionnaires Art déco, tout de noir et d’or, peut-on faire plus voyant ? La pièce n’a cependant pas tournoyé bien longtemps et est tombée sur la face de l’admiration. Le titre relève d’une vision fantasmée et ostensible d’une France qui n’a jamais réellement existé, c’est vrai. Mais pourquoi, alors, lui reprocherais-je ce qu’on trouve habituellement charmant dans les jeux japonais qui n’ont jamais hésité une seule seconde à déformer, surjouer, caricaturer, remixer leurs architectures et leur folklore ?

La Belle Époque, la belle épique

Les biomes qui suivent et se succèdent au cours de cette étrange excursion varient sans décevoir. Des fonds marins qui rappellent l’œuvre de Jules Verne, aux forêts écarlates habitées par des pantins, en passant par une gare au style académique pris dans un hiver éternel : un tourbillon de vignettes de carnaval. Par miracle, tout échappe au criard. Les couleurs sont toujours agencées avec soin et la lumière sait également se faire rare quand il le faut. Un kaléidoscope qui pallie les errances d’un dungeon design médiocre, auquel les concepteurs, dans une pudeur consciente, auront fait le mauvais choix de ne pas adjoindre de mini-carte.

Barrez-vous, cons de mimes !
Néanmoins, le clou du spectacle, c’est la formidable baston que l’on applique avec délice sur un bestiaire si varié qu’on peut carrément corriger des mimes. Formellement, on est dans un carambolage* entre Persona 5 et Mario & Luigi. Comprenez : du tour par tour, mais avec de gros astérisques. Généralement, dans les JRPG de ce type, on met en place une stratégie de combat et on s’y tient. Pas ici, chaque capacité peut être améliorée à la volée si certaines conditions sont réunies. Or, chaque personnage a son propre système. L’un doit monter en « rang », un deuxième passe d’une posture à l’autre, un troisième doit composer une palette particulière de couleurs, etc. Résultat : des situations si diverses et des synergies si nombreuses que le plan mute en permanence.

* Le plan est tourné en France. Les indices sont partout.

Il faut les vivre, ces instants où votre dernier combattant debout tient tête de manière insolente à un boss.

Puisque tu pares

L’envoi est riche, mais ce n’est rien comparé à la réception. Chaque attaque peut être esquivée. Cependant, choisissez plutôt de parer, ce qui implique une fenêtre bien plus étroite, et vous récupérerez un segment de magie par assaut dévié. Annulez parfaitement toutes les attaques d’un combo (parfois jusqu’à 6 ou 7 coups consécutifs) et déclenchez un contre dévastateur. Cette approche rythmique et radicale du tour par tour, qui nous fait nous demander si on ne serait pas dans Nine Sols, concrétise des moments d’héroïsme. Il faut les vivre, ces instants jubilatoires où votre dernier combattant debout tient tête de manière insolente à un boss, échappant de justesse à la mort, accumulant la magie, déclenchant les contres, encore et encore, jusqu’à l’improbable gagne.

Si vous ne jouez pas un minimum de la parade, vous allez passer un très mauvais quart d’heure.
En ne demandant que 30 petites heures pour faire arriver son expédition à bon port, Sandfall Interactive prodigue enfin son ultime miracle : rendre cette épopée ramassée accessible aux gens qui n’ont pas 150 heures à mettre dans une aventure qui tire en longueur. Quant au scénario, malgré sa prémisse on ne peut plus casse-gueule, il a, par-dessus le marché, l’outrecuidance de tenir la route de bout en bout. Non, mais, vraiment, on est où, là ? Faire un JRPG aussi réussi ? En France ? Par des Français ? À ce niveau, ça confine presque à l’appropriation culturelle.

Notre avis

Kocobé le 23 avril 2025
Il y avait quelque chose qui clochait dans la proposition de Clair Obscur : Expedition 33. Une promesse beaucoup trop belle pour être vraie. Ma méfiance en bandoulière, j’ai eu beau chercher jusqu’au bout de cette épopée touchante, les rares faiblesses que j’ai dénichées n’ont jamais réussi à entacher un tableau qui se révèle, au bout du compte, magnifique.