
N'importe quoi, n'importe quand | Couly, cette feignasse, part à la retraite...
Notre magazine ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui sans le coup de crayon et les idées de notre ami Didier Couly. Tantôt grotesque, pince-sans-rire ou sérieux (surtout lorsqu'il fait de l'humour), notre illustrateur part aujourd'hui goûter une retraite bien méritée. L'occasion pour nous de revenir en questions et en images sur le parcours d'un artiste pour qui « con » est autant une ponctuation qu'un état d'esprit.
Canard PC : Toi qui as connu notre magazine de son lancement à aujourd'hui, on imagine que tu as au moins un « meilleur moment » en mémoire ?
Didier Couly : Franchement, il y en a plein, mais je repense souvent à la rédac de Pantin (2009-2010). Gringo, Boulon, Threanor, Kahn, Zoulou... Avec eux c'était aussi flippant que délirant. Les mecs bossaient tout en pouvant te sortir un déguisement improbable et se balader avec dans les locaux (NDLR : Désabonneman passe le bonjour).C'était un chaos pas possible, mais j'ai justement adoré ce côté « destroy », où on pouvait paumer une heure de boulot juste à cause d'une crise de rire pour n'importe quoi, comme cette fois où on est parti dans un délire « Youpi banane ». Bon, c'est un peu private joke mais vraiment, on pleurait de rire et on n'arrivait plus à s'arrêter, ce qui nous a amenés à inventer des expressions comme « Youpi banane Freud » et « Youpi banane Zidane ».
Mais il y a aussi un autre exemple, plus simple à comprendre pour qui n'y était pas. C'était un soir, on bossait tard à cause de l'approche d'un bouclage avec de la musique dans le fond. C'était Je bois de Boris Vian. Personne n'arrivait à écrire dans la rédac, c'était épouvantable et d'un coup, on entend les paroles « La vie vaut-elle d'être vécue ? L'amour vaut-il qu'on soit cocu ? ». Alors Threanor se lève, gueule « Putain j'arrive pas à écrire et là le mec résume l'existentialisme en deux phrases ? Je me casse ! » et rentre vraiment chez lui. En résumé, c'était une équipe imprévisible : n'importe quoi pouvait arriver n'importe quand.

À l'inverse, on imagine que t'as forcément eu des moments où t'as eu envie de tout péter ?
Oui mais jamais rien de bien méchant. Le pire ça aura été au lancement de Canard PC. On travaillait à la maquette avec Étienne Gaillard (un ancien de Game One) et Ivan. C'était l'horreur : les vectorisations qui ne sortaient pas comme on voulait, le prix du papier journal complètement absurde qui nous a forcés à nous rabattre sur le format magazine... Mais au final je suis content du résultat, on s'est peut-être engueulés mais c'était constructif et ça n'a pas altéré notre amitié pour autant.
Est-ce qu'un strip t'a marqué?
Bizarrement, non. Bien sûr il y a tous les personnages inventés pour Canard PC au fil du temps. Captain Dax, Sigmund Cul, Pipeman... Par contre dans toute cette galerie, mon préféré restera Slipman, parce que c'est le plus con de tous. Après, note que ça a un avantage : je rouvre parfois de vieux strips et je me marre tout seul parce que je ne m'en souvenais plus du tout.
Est-ce qu'une couverture t'a marqué ?
Sur un plan strictement artistique, je pense surtout aux couvertures Doom (Canard PC n° 340) et Minecraft (Canard PC n° 280). Mais celle qui m'a le plus marqué, c'est celle du 183, pour les cinq ans de Canard PC. On avait déjà le concept du lapin qui en sortait, façon Looney Tunes et on se creusait la tête pour voir si on ne pouvait pas faire mieux. Casque, qui était soi-disant « trop occupé à travailler » pour nous aider, finit comme toujours par débarquer. Sauf que là, il s'est transformé en sulfateuse à bonnes idées : « Ah ouais, on va mettre le cul du lapin au dos du mag ! Et puis on va mettre des avertissements débiles ! Et puis et puis et puis... » On ne l'arrêtait plus et d'un coup, il est reparti comme il est venu. Il était fort ce con.
Une couverture qui t'a vraiment donné du fil à retordre ?
Globalement, les couvertures pour les numéros de Noël. Va savoir pourquoi, ça me gonfle. Ça doit venir d'un esprit un peu plan-plan qui ne me convient pas trop ou un truc du genre. Et avec le recul, je me dis qu'on a fait des choses un peu convenues avec ces numéros alors qu'on aurait peut-être pu faire des trucs plus graphiques et cons.
Aujourd'hui, la communauté s'est largement approprié le lapin de Canard PC pour le porter comme un emblème. On imagine que ça te rend heureux ?
Franchement je trouve ça vachement bien. C'est incroyable, j'ai jamais cherché à faire une mascotte extraordinaire pour le mag et au final, c'est devenu un peu notre crocodile Lacoste à nous. À la limite ce serait des cons qui cherchent à faire du blé avec, ouais, ça m'aurait franchement ennuyé. Mais là ça me donne surtout le sentiment que notre petit fanzine est devenu grand.
Avant d'être un lapin, la mascotte de Canard PC était un œuf : pourquoi ?
À l'origine, on voulait des pingouins comme ceux qu'on faisait chez Joystick, mais on n'avait pas le droit à cause d'un contrat à la con. Puis pendant qu'on cogitait, Casque, toujours lui, a eu l'idée d’appeler Canard PC « Le magajine des zeux vidéo ». Donc on a pensé aux œufs vidéo. Ouais, ça nous faisait rire, t'imagines pas la bande d'abrutis qu'on était. Mais avec du recul, je me dis qu'on a été idiots. On aurait pris un chat en mascotte, on aurait eu cent fois plus de lecteurs.

La légende raconte que tu aimes dessiner les gens mais que toi, tu n'aimes pas te dessiner dans tes BD : pourquoi ?
Ben je ne peux pas me dessiner si c'est moi qui dessine ! T'es con ou quoi ? Il faudrait des miroirs tout autour de moi pour que je puisse voir à quoi je ressemble, ce serait un bordel sans nom. Nan, je préfère dessiner les autres, c'est vachement plus simple.
Et maintenant, on range les crayons ?
Pas vraiment. Là dans l'immédiat, j'ai envie de faire des affiches. On a fait des conneries pour Canard PC que j'ai envie de mettre en grand car plus c'est grand, plus c'est con. J'aimerais bien aussi pouvoir terminer les aventures de Captain Dax ou m'atteler à celles pour des personnages qu'on n'a jamais pu produire, faute de temps, comme le Conjugueur. Et puis refaire de la musique aussi, tiens. Mais attention, rien à voir avec les pitreries des Rabbins Volants (NDLR : un groupe des années 1990 dans lequel Couly était au synthétiseur), hein. Plutôt de la vraie musique quoi. D'ailleurs c'est quand même dingue quand on y repense : c'est le truc le plus con qui a fonctionné au final. Un peu comme Canard PC.Plus d'articles

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