Dossier jeu vidéo

Stéphane Beauverger, créateur de mondes

La première fois que j'ai rencontré Stéphane Beauverger, il y a quatre ans, j'avais d'abord été un peu déçu : on m'avait promis le scénariste de Remember Me et j'espérais donc rencontrer Alain Damasio, pape de la science-fiction française (auteur de la Horde du Contrevent et cofondateur de Dontnod, le développeur du jeu). En réalité, après avoir lancé le projet, Damasio avait confié la responsabilité du scénario à Beauverger. Chaleureux, bavard, passionné par son sujet (il est après tout scénariste depuis bientôt vingt ans), Stéphane Beauverger m'avait vite fait oublier ma déception initiale. Lui aussi romancier (je recommande son Déchronologue, qui mélange piraterie des caraïbes et paradoxes temporels), il bosse désormais sur l'écriture deVampyr, le prochain jeu de Dontnod, dans lequel on incarne un médecin vampire (mais pas spécialement heureux de l'être) dans le Londres de 1918 ravagé par la grippe espagnole et une invasion de suceurs de sang. Pour cette nouvelle rencontre, plutôt que de parler spécifiquement du jeu et de son cadre historique (même si Stéphane Beauverger est le genre de personne capable de sortir au débotté un exemple sur la vie recluse, quasi-monacale, des infirmières londoniennes d'après-guerre, et d'expliquer ensuite dans quel contexte il peut intégrer ça dans son jeu), je lui ai demandé de m'expliquer en quoi consistait son métier de directeur narratif et comment on créait un univers de jeu vidéo.

Pierre Corbinais, ouvreur du jeu alternatif

Quel que soit le festival de jeux vidéo ou la game jamNote : 1 auquel vous assistez, Pierre Corbinais, bientôt la trentaine, y est probablement aussi. Impossible de le manquer : grande silhouette longiligne, petites lunettes, cheveux courts et grand front, toujours un bâton de réglisse ou une vapoteuse en bouche et une tasse de matéNote : 2 à la main. Et bien sûr, immanquablement, une chemise aux mille couleurs et aux motifs exubérants. Libraire de formation, puis journaliste, Pierre Corbinais, alias Pierrec, est devenu un peu malgré lui l'une des figures de proue de la scène indé française. Non seulement parce qu'il écritNote : 3 et développe des jeux, qui derrière un pixel art sommaire cachent des récits réussis, tantôt sérieux, tantôt drôles. Mais aussi parce qu'il documente les créations des autres sur ses sites, l'Oujevipo, dédié aux jeux indés, et Shake That Button, dédié aux jeux à contrôleur alternatif.

Note 1 : Un évènement, physique ou en ligne, durant lequel des créateurs développent un jeu vidéo avec des contraintes particulières de temps et de contenu.
Note 2 : « À A Maze (Ndlr : le plus gros des festivals de jeux vidéo alternatifs, qui oscille tous les six mois entre Johannesburg et Berlin), on est peu sorti du lieu du festival et je n'ai presque rien vu de Berlin. Mais j'ai découvert le maté. »
Note 3 : Cet entretien l'a d'ailleurs mis encore plus en retard pour son prochain projet, Enterre-moi, mon amour, qu'il scénarise pour The Pixel Hunt et Figs.

La peur dans les jeux vidéo - Frédérick Raynal : « Je n'ai jamais été fan des jump scares »

S'ils diffèrent en de nombreux points et sont séparés par vingt-cinq ans, Alone in the Dark et 2Dark ont en commun de mettre le joueur dans une situation terrifiante. Comme on était confortablement assis dans des canapés moelleux et qu'il restait encore des chouquettes sur la table, nous avons poursuivi la discussion avec Frédérick Raynal en abordant la question de la peur dans les jeux vidéo.

Rencontre avec Frédérick Raynal - Et au commencement était Alone in the Dark...

Alone in the Dark occupe une place à part. D'abord dans le cœur des joueurs PC (les vrais, les authentiques, ceux qui configuraient les IRQ de leur carte son sous DOS et dont les tempes commencent sans doute à grisonner) et qui se souviennent avec émotion du plancher qui craque, d'un duel à l'épée contre un pirate mort-vivant ou de l'incursion d'un poulet zombie à travers une fenêtre. Cette place à part, ce titre sorti en 1992 l'occupe également dans la grande histoire du jeu vidéo, non seulement comme étant l'un des tout premiers titres à utiliser des personnages animés en 3D, mais également comme inventeur du survival-horror. Son créateur, Frédérick Raynal, nous a fait l'amabilité d'une visite à la rédaction pour évoquer la genèse de ce jeu mythique.

Nina Freeman - De la poésie aux jeux vidéo

À 27 ans, Nina Freeman a déjà un joli CV de développeuse indépendante derrière elle. Récompensée à l’IGF en 2016 pour Cibele, son premier jeu commercial, elle aborde volontiers des sujets généralement ignorés par les grands studios. Sexualité, rencontres, intimité… Elle est persuadée que les jeux vidéo ont vocation à s’ouvrir de plus en plus.

Tropes vs Women in Video Games / YouTube
Anita Sarkeesian, vidéaste féministe

Les jeux vidéo sont souvent accusés de sexisme. Il faut dire que les mastodontes du marché, créés par des équipes majoritairement masculines, se conforment à des clichés et des traditions d'un goût douteux : les angles de caméra serrés sur les postérieurs féminins, par exemple, ou bien les personnages féminins systématiquement ravalés au rang de demoiselle en détresse qui n'existe que pour être secourue par le héros – un homme, évidemment.

Dans Call of Duty 4: Modern Warfare, le joueur se fait assassiner en vue à la première personne.
Chris Avellone, auteur indépendant

Torn Banner Studio - Tellement indé que ça faisait mal

Aujourd'hui, il suffit de lancer Steam pour comprendre que n'importe qui peut devenir développeur indé. Tout comme il suffit de faire un tour à l'E3 ou à la Gamescom pour découvrir que des solutions existent pour soutenir les petits budgets et autres « sans éditeur fixe ». Pourtant, il n'en fut pas toujours ainsi et certains développeurs comme Steve Piggott, aujourd'hui à la tête de Torn Banner, ont connu une époque douloureuse où le système D était la norme.

Laurent Victorino : développer un jeu vidéo avec des enfants

Faire un jeu vidéo entre adultes consentants et éduqués, c'est déjà compliqué. Alors imaginez ce que ça donne lorsque vos graphistes, ingés son et game designers sont des gamins de 6-12 ans. C'est pourtant ce qu'a tenté Laurent Victorino dans le cadre des activités du Musée d'Art contemporain de Lyon. Développeur confirmé (il a notamment travaillé sur Top Spin 3 et bosse actuellement sur Nightcall chez Monkey Moon Studio) et professeur dans plusieurs écoles de jeu vidéo, il nous raconte son expérience avec ces créatures effrayantes.

Rekka Bellum et Devine Lu Linvega, dériveurs professionnels

Dans les vidéos de leur journal de bordNote : 1, on les voit retaper un moteur, recoudre une voile ou nettoyer la coque de leur bateau. Devine Lu Linvega et Rekka Bellum, tous deux la trentaine, qui officient sous le nom de Hundred Rabbits, ne sont pas des développeurs indés comme les autres. L'un a en parallèle une carrière de musicien sous le nom d'Aliceffekt, l'autre est aussi connue comme illustratrice de livres pour enfants. Ils produisent surtout des jeux hantés, souvent tout en noir et blanc, où le joueur perdu tente de saisir un monde qu'il ne comprend pas, entouré de gens ou de textes dans une langue inconnue. Et puis, depuis un an, ce couple de Canadiens, qui a longtemps vécu au Japon, vit sur son bateau Pino. Partis de la côte ouest du Canada, ils ont d'abord longé les États-Unis, allant de port en port en découvrant petit à petit, à la rude, les bases de la navigation en pleine mer sur un voilier. Fin 2016, ils ont fini par arriver au Mexique, où nous devions faire une interview vidéo. Finalement, c'est début mars et par email que nous avons pu brièvement discuter, la veille de leur grand départ : une traversée du Pacifique devant durer au moins un mois. Au moment où ce magazine arrivera en kiosque, si tout va bien Devine et Rekka devraient commencer à approcher de l'île Marchand, en Polynésie française, un petit voyage de 5 000 kilomètres, leur plus long à ce jour. À terme, dans un an, le couple compte repartir au nord et vise un retour au Japon par la mer. Et pendant qu'ils luttent contre les flots déchaînés, qu'ils apprennent à revoir leur alimentation et leur organisation à cause des contraintes de la navigation, ils se débrouillent aussi pour préparer leur prochain jeu, Markl.

Note 1 : Qu'on peut consulter sur leur site, où l'on peut aussi suivre une carte de leurs déplacements : http://100r.co/

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