Le premier Resident Evil 4 est l'un de mes jeux préférés de tous les temps, et pour cette raison, je vais tenter de faire parler la critique professionnelle plutôt que la fan invétérée. Laissez-moi donc vous expliquer, en toute objectivité et sans la moindre once d’aveuglement, pourquoi Resident Evil 4 est un bon remake, selon la très sérieuse Commission des gens sensés qui aiment vraiment le jeu vidéo.

Dès les premières minutes du jeu, j’ai immédiatement eu le sentiment de revenir à la maison. J’ai arpenté des mondes que je connaissais déjà par cœur : un village peuplé de paysans déterminés à m’assassiner à coups de fourches, un lac habité par une créature gargantuesque, un laboratoire cryogénique perdu au beau milieu d’une île, des grottes souterraines aux couloirs labyrinthiques, un cimetière dont les morts ne dorment jamais. Et pourtant, j’y ai passé le plus clair de mon temps à paniquer et à courir comme un poulet sans tête. Resident Evil 4 n’est pas une simple refonte graphique (sur PS5 du moins, tout a été sublimé, à l’exception des points d’eau qui sont particulièrement moches) : c’est aussi un nouveau jeu, qui reprend tout ce qui faisait le charme de son prédécesseur en y intégrant de nouvelles mécaniques et des scènes inédites – lesquelles sont tellement dans l’esprit du jeu original qu’il est difficile d’imaginer qu’elles n’ont pas toujours été là.

Peur sur Séville.

L’histoire est toujours aussi délicieusement stupide : Leon Kennedy, le héros que vous incarnez, a été chargé par une organisation secrète de retrouver la fille du président des États-Unis qui a été enlevée par les membres d’une secte, quelque part dans un village espagnol (qui ressemble toujours aussi peu à un village espagnol, d'ailleurs). L’inventaire divisé en cases est toujours là, assorti de la possibilité de trier automatiquement ses objets (qui ne sera d’aucune utilité aux personnes qui pensent que l’un des grands plaisirs de Resident Evil 4 consiste à faire des mini-parties de Tetris entre deux combats).

Le personnage du marchand – qui permet d'acheter et améliorer vos armes, mais aussi de revendre vos trésors acquis sur le chemin et de vous entraîner au tir – est toujours enclin à surgir de nulle part, dans l'arrière-cuisine d'un château ou derrière une église. Les répliques de série B, les ennemis trop coriaces, le fait que personne ne semble se prendre au sérieux, les plans qui en font des tonnes : rien n'a changé de ce point de vue. Enfin, et c’est sans doute le plus important, le rythme est toujours aussi impeccable : dès qu’une pointe de lassitude se fait ressentir, le jeu nous plonge dans un nouvel environnement et nous contraint à jouer différemment.

Passez l'ibère bien au chaud.

Sur la grosse vingtaine d’heures que dure l’aventure, vous serez amené à dévaler à toute blinde les rails d’une mine abandonnée sur un wagonnet branlant, à barricader une maison sur le point d’être envahie par une horde de paysans armés de tronçonneuses, à ramper dans des cachots pour éviter de vous faire repérer par des chevaliers en armure, à affronter des créatures qui font la taille d’un immeuble et, dans la grande tradition des Resident Evil, à souvent revenir sur vos pas pour trouver une clé en forme de tête de serpent, afin de vous donner un peu de respiration entre deux sueurs froides.

C'est un peu comme si vous étiez le héros des Aventuriers de l'arche perdue, d'Evil Dead et de Massacre à la tronçonneuse – parfois tout ça en même temps. Le jeu permet aussi une plus grande liberté d’approche que l’original : il y a par exemple plein de manières différentes de vivre la scène d’introduction, durant laquelle Leon Kennedy se fait poursuivre par des villageois qui veulent tous le voir périr dans d’atroces souffrances, et au moins l’une d’elles implique une vache en feu qui vous fonce dessus.

La variation des environnements ne laisse aucune place à l’ennui.

Mon remake à moi, il me parle d’aventure.

Si Leon se contrôle toujours avec la maniabilité d’un camion-benne, il dispose aussi de nouvelles manières de combattre ses ennemis : il peut désormais parer des attaques à l’aide de son couteau et achever n’importe quel monstre agonisant d’un coup de pied bien senti. Une mécanique intéressante, puisqu’elle oblige à aller au contact, là où certains groupes d’ennemis imposent plutôt de garder ses distances. Ashley, la jeune femme qui nous accompagne une bonne partie de l’aventure, amène des phases de gameplay différentes, plus orientées sur l’horreur que sur l’action. Pour ne rien gâcher, elle ne se contente plus de se faire enlever par les ennemis et de hurler « LEOOOON » en boucle, et devient plus intéressante et moins passive dans cette nouvelle version.

Le jeu n'est pas exempt de défauts : les ennemis de base ont tendance à se répéter (aussi bien dans leur apparence que dans leurs répliques, attendez-vous toujours à entendre une palanquée de « ¡ Detras de ti imbecil ! » comme dans le jeu initial), mais la variation des environnements et les nombreux ajouts apportés à ce remake contribuent à ne laisser aucune place à l’ennui. Je ne suis pas seulement contente de renouer avec ce jeu que je considère comme l’une de mes premières grandes amours : je suis contente de voir qu’il a évolué avec moi, au point de faire disparaître ses défauts les plus gênants et de ne jamais démériter face aux survival horror modernes (bon, à part peut-être cette histoire de couteau destructible – était-ce vraiment nécessaire ?).

Resident Evil 4 | Notre avis : 9

Resident Evil 4 est un monument de l’histoire du jeu vidéo et son remake lui rend honneur, en reprenant ses points forts et en ajoutant juste ce qu’il faut de nouveauté. Il a le potentiel de séduire les fans de la première heure, mais aussi de trouver un nouveau public, de ceux qui aiment sursauter dans des espaces aussi exigus que mal éclairés, compter leurs balles en tremblant, et se faire poursuivre sans trêve par des créatures hideuses qui les insultent en espagnol.
La mécanique de parade a aussi pas mal d'allure en mouvement.