Le début d'Escape from Tarkov, c'est un peu Noël en avance. Le jeu vous informe qu'avant de vous larguer dans la ville fantôme et fictive de Tarkov, dans la partie russe de la mer Baltique, il va falloir créer votre personnage. Tout de suite, vous êtes transporté dans ce qu'on pourrait appeler une caverne d'ackboo Baba : il y a votre personnage d'un côté et, de l'autre, un bon millier d'objets pour l'équiper. Vous imaginez bien que je ne me suis pas privé : gilet tactique, fusil de précision, mitrailleuse, arme de poing, lunettes de vision nocturne, médicaments, grenades, chargeurs ; j'ai rempli mes poches avec un peu tout ce que je voyais en marmonnant « Gratuit… Gratuit ! Gratuit ! ». Ensuite, j'ai rejoint une partie. Quelque chose m'a tué par derrière pendant que je configurais mes touches. Et le jeu m'a ramené dans son arsenal virtuel en me prévenant que j'avais évidemment perdu tout mon matériel, qui était tombé dans les mains d'un autre joueur. Vous me direz, j'aurai au moins fait un heureux. C'est aussi ça, l'esprit de Noël.
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Escape from Tarkov
Balte au prisonnier
Ensemble, prenons quelques instants pour rendre hommage à DayZ. Avant DayZ, on pensait naïvement qu'un jeu de zombies se devait d'avoir des zombies. Quand DayZ– pas le mod, le jeu inspiré du mod – a décidé de les retirer parce qu'ils mettaient les serveurs à genoux, on s'est rendu compte que le jeu de zombie sans zombie pouvait toucher au grandiose : vagabonder dans une zone délabrée où l'on fouille des immeubles abandonnés avec la seule peur des autres survivants rivée au ventre, après tout, ça peut donner d'excellents résultats.
Raid social. Si je vous raconte mes mésaventures d'équipement, ce n'est pas pour expliquer pourquoi j'ai dû jouer à Escape from Tarkov avec un perso presque nu armé d'une simple hache – ou, les jours fastes, d'un pistolet semi-automatique – mais parce que la question du matériel y est centrale. Il faut voir Escape from Tarkov comme une sorte de FPS en monde ouvert : vous contrôlez un personnage qui bat la campagne, fouille les poubelles pour trouver des pansements et tire sur son prochain pour récupérer le manteau qu'il porte sur le dos. Sauf qu'ici, la carte ne fait pas 250 km². Elle est divisée en plusieurs zones, de quelques kilomètres carrés au mieux, que les joueurs visitent lors de « raids ». Pour jouer à Escape from Tarkov, il faut obligatoirement lancer l'un de ces raids. Vous le démarrez en même temps que quatre autre joueurs, qui apparaissent dans la même zone que vous et récupèrent ce qu'ils peuvent dans les bungalows crasseux et les usines abandonnées – ou sur les autres joueurs, s'ils arrivent à les trouver et à les tuer. Pour terminer la partie, il suffit de rejoindre un endroit précis de la carte qui sert de point d'extraction ; là, vous retournez au menu principal avec votre butin dûment gagné. Si vous mourez, vous perdez tout. Si vous tuez quelqu'un d'autre et réussissez à vous extraire, c'est le jackpot – vous pourrez utiliser le nouveau matos dans un autre raid ou carrément le revendre en vue d'acheter des objets neufs entre deux sessions.
Chercher pour du rouble Vous avez regardé à la fin de cet article et vous trouvez qu'attendre, c'est bon pour les blaireaux ? Vous voulez acheter Escape from Tarkov dès maintenant, ne serait-ce que pour soutenir ses développeurs ? Pas de problème, ce sera 35 euros pour l'accès au jeu quand il sortira et une place garantie pour la bêta fermée. Problème : le jeu est toujours en alpha. Mettez donc 60 euros, histoire d'obtenir un pack deluxe et… une chance sur deux d'avoir accès à l'alpha actuelle. Pour 80 euros, ce sera trois chances sur quatre. Il faudra monter jusqu'à 110 absurdes euros pour être sûr de pouvoir jouer immédiatement. Il va de soi que si vous procédez ainsi, on demande à votre kiosquier de vous tabasser de notre part.
Les bois constricteurs. Voilà l'objectif d'Escape from Tarkov : concentrer les affrontements sur une courte durée et sur des cartes plus petites, où l'on sait que d'autres joueurs sont en chasse. L'idée est plutôt bonne, parce qu'elle donne un coup de fouet aux survival multijoueurs classiques connus pour leurs nombreux temps morts. D'autant que s'éloigner d'un unique et immense terrain de jeu a permis à Battlestate Games de briller sur un terrain où on ne l'attendait pas vraiment : l'ambiance. Sur l'alpha, trois zones sont disponibles. L'une reconstitue la campagne autour de Tarkov ; des cheminées d'usines à moitié en ruine y dominent une forêt dense et verdoyante, des chemins boueux y mènent à travers les arbres jusqu'à une scierie désaffectée, un grand lac tranquille y contraint le joueur à de longs détours. Rien à voir avec l'entrepôt, un terrain de jeu entièrement en intérieur, dans un immense hangar où l'on peut jouer à l'équilibriste sur les poutrelles rouillées du toit, se camoufler parmi les caisses éventrées et explorer à la lampe torche des souterrains que ne renieraient pas les meilleurs jeux d'horreur. J'ai pourtant préféré la zone routière, une carte entre la friche industrielle et l'autoroute, où il est possible de contourner une station-service par un bout de forêt mais où un barrage militaire abandonné depuis longtemps oblige le joueur à se faufiler entre des carcasses de bagnole pour emprunter un pont. L'idée de passer des heures à explorer ces différents terrains m'aurait enchanté si Escape from Tarkov n'était pas encore qu'une alpha.
Un petit ange baltique trop tôt. À force de jeter des regards langoureux du côté de la simulation militaire, Escape from Tarkov a commis l'irréparable : il s'est inspiré d'Arma. Notre personnage ne sprinte pas bien longtemps, il peut s'allonger, s'accroupir et même exposer à la main la cartouche dans son fusil. La myriade d'armes et d'accessoires disponibles, qui confine au gunporn russophone (faut-il se munir d'un accessoire RIS II 9.5 ou d'un UltiMAK M1-B ? Aucune foutue idée), s'assure que vous pourrez emmener en raid le matériel qui correspond pile-poil à votre manière de jouer, comme dans Arma 3. Hélas, pour l'instant la ressemblance s'étend jusqu'à une ergonomie douteuse, un personnage à la fois pataud et balourd, un menu d'interaction contextuel pour des actions aussi simples que l'ouverture d'une porte, des temps de chargement honteux et, surtout, des performances qui rendent le tout à la limite de l'injouable – en particulier pendant les combats. Jouer sérieusement à Escape from Tarkov dans son état actuel a beau s'apparenter parfois à une corvée, ce FPS de survie pas comme les autres a tout pour devenir, dans un an, dans deux ans, un simulateur pour occuper les soirées des masochistes de tout poil.