Serveurs stables, tricheurs bannis prestement, patchs massifs et réguliers... Autrefois noyé sous les problèmes, Rainbow Six : Siege s'est transformé peu à peu en jeu de tir compétitif d'une très grande qualité. Bizarrement, cette exemplarité avait créé chez moi une frustration croissante : celle de ne pouvoir jouir des fantastiques décors destructibles, des fusillades nerveuses et des gadgets ingénieux autrement qu'en me faisant atomiser par des joueurs capables d'aligner un headshot en trois millièmes de seconde. Puis le mode zombie est venu me combler de joie.
Gary n'est pas une légende. Il est peut-être même tout l'inverse : à trente ans passés, il vit dans la cave de sa maman et sa seule échappatoire à la dépression réside dans les jeux de rôle sur ordinateur, qu'il dévore avec passion pour oublier la réalité. Bon c'est limite vexant là, la prochaine fois appelez votre jeu directement Legendary Izual, pas besoin d'utiliser des métaphores…
Beaucoup de gens croient encore que Mount Your Friends est une vaste blague. Ils ignorent que derrière une façade de jeu en multi local où l'on dirige des bonshommes ridicules en slip moulant, se cache un sport d'une technicité extrême, qui demande de l'adresse, de la précision et des réserves inépuisables de sang-froid. Le passage en 3D de cette compétition périlleuse est un événement majeur pour le jeu vidéo, un peu comme si les échecs se jouaient soudain en cinq dimensions.
Certains jeux laissent des souvenirs impérissables : un choc visuel, une histoire accrocheuse ou de savoureux moments de gloire. D'autres, à l'inverse, font preuve de subtilité. Age of Empires, le premier de la série, est de ceux-là. Le son d'une flûte portée par le vent, la grâce d'une trirème qui file sur l'eau uniformément bleue, la puissance d'un hoplite défié au corps-à-corps : je ne m'en souviens que par bribes. Bon, en même temps, j'avais neuf ans.
Parmi les abominations que je ne supporte pas, entre les bananes trop mûres et le capitalisme, il y a les jeux de puzzle. Je devrais même dire : les puzzles en général, c'est-à-dire tout ce qui ressemble de près ou de loin à une énigme dans un jeu vidéo. Le calcul mental m'effraie, la réflexion me donne la nausée, les taquins et les casse-tête me débectent. Je n'ai donc pas besoin de vous décrire dans les détails la mine réjouie de mes collègues lorsqu'est venu mon tour de me voir imploser une figure, leurs ricanements et leurs petits yeux cruels quand ils m'ont imaginé suer sang et eau sur une suite d'énigmes tarabiscotées. Tout à leur joie sadique, ils sous-estimaient pourtant une chose : je ne supporte vraiment, vraiment pas les jeux de puzzle.
Lorsque les premières images de Deep Rock Galactic ont été révélées au public, mes collègues ont roulé des yeux très fort. Je suppose qu'un jeu où quatre persos munis de flingues affrontent des monstres, ça leur rappelait un peu trop Left 4 Dead et ses millions de clones. Moi, par contre, j'exultais. Je songeais à un jeu qui n'avait rien à voir avec Left 4 Dead. Je me rappelais Minecraft.
L'année 2018 est là, et avec elle le sentiment que tout a été fait question jeux de survie en accès anticipé. À force de voir passer des clones de DayZ et de The Forest, on connaît la chanson : il faut couper du bois, fabriquer un arc, se faire bouffer par un loup et grelotter près d'un feu de camp pendant la nuit froide. Oui, tout ça s'est bien ancré dans nos têtes. Mais au fond, on ignore tout de la survie, la vraie. Celle qui appelle à trahir ses amis pour manger leur chair, celle qui légitime le meurtre pour le vol d'une babiole, celle qui demande de courir nu dans la forêt un arc à la main. Celle qui tord le ventre, trouble le sommeil et fait germer la folie. Celle qui transforme en monstre. Celle-là, on ne la trouve que dans Rust.