Les ampoules intégrant des LED "filament" souffrent parfois d'un fort effet de clignotement.
Pour mieux comprendre la suite, il convient de revenir brièvement sur le fonctionnement de l'œil. La lumière entre d'abord par la cornée (la première lentille du système optique) afin d'être focalisée vers l'iris. Celui-ci contient la pupille qui fait office de diaphragme en régulant la quantité de lumière entrante. Vient ensuite le cristallin, capable de se bomber ou de s'étirer pour obtenir une mise au point correcte. Le flux lumineux traverse enfin la cavité vitreuse de l'œil et finit projeté sur la rétine, chargée de convertir le signal optique en impulsions électriques interprétables par le cerveau. La rétine comporte deux types de photorécepteurs principaux, connus depuis longtemps : les cônes, responsables de la vision en couleur dans des conditions de bonne luminosité, et les bâtonnets, qui permettent de voir dans la pénombre (en noir et blanc). Bien plus récemment, en 1998, un neurobiologiste américain découvre un troisième type de photorécepteur dans la rétine : les cellules ganglionnaires à mélanopsine. Elles agissent sur la dilatation de la pupille, mais aussi sur d'autres fonctions non visuelles comme la vigilance ou la régulation des rythmes biologiques. L'évolution a doté le corps humain d'une horloge interne calquée sur la rotation de la Terre, soit environ 24 heures. Au niveau hormonal, c'est la mélatonine qui influe le plus fortement sur ce rythme dit "circadien". Beaucoup parlent d'ailleurs d'hormone du sommeil puisqu'elle est sécrétée majoritairement la nuit. Or, voilà : il s'avère que la production de mélatonine est étroitement liée à la quantité de lumière reçue par les cellules à mélanopsine de la rétine. Et celles-ci
sont particulièrement sensibles à la lumière bleue.

Vices et vertus.

Ce mécanisme biologique à l'œuvre est lui aussi hérité de l'évolution : le jour, quand le soleil brille et produit de la lumière bleue, les photorécepteurs de l'œil inhibent la production de mélatonine et nous maintiennent éveillés. Le soir, le soleil baisse et les longueurs d'onde émises se décalent vers le rouge. En l'absence de stimulation par la lumière bleue, les cellules à mélanopsine déclenchent la sécrétion de mélatonine, ce qui mène au sommeil. Or, un éclairement de seulement 50 lux doté d'une forte proportion de lumière bleue suffisait à bloquer la production de mélatonine et donc à perturber l'endormissement. Consulter une tablette le soir au lit (par exemple) pourrait ainsi avoir une influence néfaste sur la qualité du sommeil. Ici encore, les enfants et adolescents paraissent plus concernés que les adultes (en particulier par le rétroéclairage "froid" des moniteurs ou des appareils mobiles). À noter que les études portent généralement sur des températures de couleur de 6 500K ou bien plus (jusqu'à 17 000K, ce qui n'existe pas en pratique). Les ampoules LED 2 700K classiques, qui n'émettent que très peu de lumière bleue, ne sont pas concernées. Les effets potentiels associés à ce type d'exposition dépendent largement du moment de la journée où ils sont subis : bénéfiques le matin ou la journée, nuisibles le soir. Plusieurs études démontrent d'ailleurs que la lumière bleue peut être exploitée de manière utile pour traiter certains troubles dépressifs saisonniers ou accroître la vigilance nocturne. Des cobayes soumis à de la lumière bleue pendant un trajet nocturne de 400 km ont fait bien moins d'erreurs de conduite que le groupe témoin. D'autres travaux montrent aussi qu'une exposition à la lumière bleue permet de maintenir une psychovigilance (concentration, réactivité, etc.) plus élevée chez les travailleurs de nuit.

Les ampoules intégrant des LED "filament" souffrent parfois d'un fort effet de clignotement.

Éblouissant !

Certaines recherches mentionnent un phénomène d'éblouissement qui pourrait être plus notable sur les LED blanches que sur d'autres technologies d'éclairage de puissance équivalente. Pour comprendre le rapport avec la lumière bleue, il faut savoir qu'il existe deux types d'éblouissement : incapacitant et d'inconfort. Le premier réduit les performances visuelles de l'observateur sans forcément le gêner. Il se manifeste par exemple en plein jour, quand vous sortez à tout berzingue d'un tunnel sombre avec votre Renault 19 Twin Turbo. Ce type d'éblouissement reste lié à l'intensité lumineuse de la source (et à la différence de contraste) mais sans rapport avec la composition spectrale de la lumière. L'éblouissement d'inconfort, quant à lui, provoque une gêne sans troubler la vision. Beaucoup d'individus ne font d'ailleurs pas le rapprochement avec les sensations désagréables qui en résultent à plus ou moins long terme : picotement des yeux, larmoiement, maux de tête, fatigue visuelle, etc. Il survient par exemple lorsque vous restez de longues heures devant un moniteur trop lumineux. L'éblouissement d'inconfort pourrait dépendre tant des longueurs d'onde émises que de l'intensité de la source. Plus précisément, de nombreux chercheurs pointent du doigt l'influence de la lumière bleue dans ce phénomène.
Il me reste encore à vous parler de deux autres types de désagréments faisant actuellement l'objet de recherches. Notez que le niveau de preuve reste balbutiant dans les deux cas. D'abord, le papillotement, qui existe souvent sur certains modèles d'ampoules LED bas de gamme. Il s'agit d'une fluctuation très rapide – généralement indétectable au premier coup d'œil – de l'intensité lumineuse. Il provient de l'électronique de commande embarquée, qui filtre mal la tension fournie aux LED. On trouve même de plus en plus de déclinaisons directement connectées au secteur EDF sans conversion alternative ou continue. C'est par exemple le cas des ampoules dites "vintage" qui disposent d'ersatz de filaments bien visibles. Comme ces LED ne disposent d'aucune rémanence propre, elles s'allument et s'éteignent complètement à la fréquence de 100 Hz (deux fois les 50 Hz du secteur). Ce papillotement génère un effet stroboscopique dont les effets – risque épileptogène, incidence sur la performance visuelle, etc. – pourraient être amplifiés par une composition spectrale riche en lumière bleue. Le dernier effet en cours d'évaluation vient du contrôle de la contraction pupillaire par les cellules à mélanopsine (dont le maximum de sensibilité se situerait vers 480 nm). Le spectre habituel des LED blanches "froides" produit un pic bien marqué vers 450-460 nm et un déficit très net aux alentours de 480 nm. À intensité égale, un rayonnement à 460 nm émis sur la rétine provoquerait en conséquence une plus grande dilatation de la pupille qu'à 480 nm. De quoi induire une augmentation proportionnelle de l'éclairement rétinien pour l'intégralité du spectre lumineux. Quelles conséquences pour la santé ? Aucune de démontrée pour le moment…

Les mystères de la mélanopsine

Des recherches tous azimuts ont rapidement débuté suite à la ­découverte en 1998 des cellules à mélanopsine. ­Certains mécanismes d'action restent encore mal compris et des études contradictoires continuent d'être publiées sur certains points. La sensibilité exacte de ces ­photo-pigments en fonction de la longueur d'onde s'avère par exemple sujette à débats (440-520 nm ?). Bien que la plage exacte d'action ne fasse toujours pas consensus, des chercheurs semblent avoir défini un maximum de sensibilité autour de 480 nm. Cette longueur d'onde s'avère ­généralement peu présente dans le spectre des LED blanches : elle se situe à la frontière exacte entre le rayonnement primaire (450-460 nm) de la LED bleue et celui issu du luminophore (> 500 nm). Reste enfin à définir précisément la quantité de lumière nécessaire pour ­provoquer un ­effet notable sur la production de mélatonine. Les écarts entre individus paraissent très importants dans nombre d'études.