Voilà un usage déconseillé d'une ampoule LED, même si la dose de lumière bleue reçue par cette fillette avec ce type d'ampoule reste très faible.
La présence d'un diffuseur (le dôme du haut) réduit considérablement la concentration de l'intensité lumineuse
Si les LED sont régulièrement pointées du doigt, la lumière bleue ne se comporte pas différemment en fonction de la technologie qui la produit. Le soleil en émet, tout comme les ampoules fluocompactes. Affirmer qu'elle est toxique par essence – ce qu'on lit parfois – n'a pas de sens. Pas plus que d'affirmer que l'eau est toxique sous prétexte qu'en boire 50 litres d'un coup mène au cimetière. La lumière, bleue ou pas, peut provoquer de gros dégâts oculaires en cas d'intensité extrême. Ceux qui ont déjà tenté de regarder le soleil directement ou de souder à l'arc sans protection pourront en témoigner. Le niveau d'intensité requis est tel que des dégâts rétiniens (parfois permanents) surviennent en moins d'un quart de seconde. Il s'agit de lésions thermiques, qui provoquent une brûlure. Les méfaits dont on accuse la lumière bleue ne sont pas de ce type. Les craintes se concentrent sur des lésions photochimiques, qui exploitent des mécanismes biologiques différents et ne concernent que les longueurs d'onde comprises entre 400 et 500 nm. La découverte d'un mode d'action spécifique à la lumière bleue, avec des intensités plus faibles et des durées d'exposition plus longues, date des années 1970. En 1976, trois chercheurs américains constatent que l'exposition de rétines de singes à une lumière bleue (442 nm) provoque des lésions qui ne peuvent s'expliquer par le seul effet thermique. La cause exacte du phénomène reste alors inconnue. Il faudra de longues années supplémentaires pour que le processus biologique en jeu soit mieux compris (certaines zones d'ombre persistent toujours aujourd'hui). En résumé, l'énergie contenue dans la lumière bleue reçue par les photorécepteurs spécifiques de la rétine entraîne la formation de radicaux libres (une molécule ayant gagné ou perdu un électron). Cette molécule devient instable et cherche à retrouver son état initial en captant ou cédant un électron aux molécules environnantes. La réaction en chaîne consécutive (le stress oxydatif) provoque des dégâts aux cellules menant aux lésions observées. Celles-ci restent passagères et réversibles à faible dose, mais pourraient devenir permanentes lorsque de très hauts niveaux d'énergie entrent en jeu. Démontrer l'étendue précise et le caractère irréversible de ces lésions n'est pas simple : des scientifiques persévérants – comme ceux qui cherchent à déceler du talent chez Benjamin Biolay – y travaillent activement.
Voilà un usage déconseillé d'une ampoule LED, même si la dose de lumière bleue reçue par cette fillette avec ce type d'ampoule reste très faible.

Dose et sécurité.

Une fois ce risque clairement identifié, la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) a établi précisément le spectre d'action de la lumière bleue ainsi que les limites d’exposition associées. Depuis 2008, une norme (EN 62471) reprend ces valeurs et s'impose désormais aux industriels. Elle définit quatre groupes de risques (0 - nul, 1 - faible, 2 - modéré, 3 - élevé) en fonction de la luminance efficace en lumière bleue et de la durée d'exposition. Il faut noter que nous parlons ici d'exposition aiguë, mesurée à une distance de 20 cm de la source et pour des durées courtes. Dans le groupe 3 (risque élevé), les lésions apparaissent instantanément. Imaginez un panneau d'éclairage de stade que vous regarderiez à 20 cm. Pour le groupe 2 (risque modéré), on peut penser à une LED seule (sans diffuseur) de forte puissante et dotée d'une température de couleur très froide (> 5 000 K). Toujours à 20 cm et en partant du principe que votre réflexe d'aversion naturel (détournement de la tête, fermeture des paupières) soit défaillant. Impossible de trouver de telles ampoules dans un cadre grand public. Elles doivent d'ailleurs disposer d'un marquage spécifique et mentionner une distance de sécurité. Dans le groupe 1 (risque faible), on trouve en revanche des produits accessibles à tous. Les lampes torches ou les spots très directifs à LED peuvent en faire partie par exemple. C'est principalement dans ce groupe qu'il existe une polémique ; nous y reviendrons plus tard. Vient enfin le groupe 0 (absence de risque), où la communauté scientifique s'entend pour dire que les niveaux d'exposition sont trop faibles pour avoir une quelconque incidence. On y trouve les LED dotées de larges diffuseurs et d'une température de couleur chaude (2 700 K) – soit 99 % des ampoules classiques vendues aux particuliers – ainsi que toutes les surfaces dont la luminosité n'excède pas 10 000 cd/m² (candelas par mètre carré). La luminosité d'un ciel bleu se situe par exemple à environ 5 000 cd/m². Celle d'un moniteur de PC ou d'une tablette ? Jamais au-delà de 600 cd/m², grand maximum ! Et gardez à l'esprit que nous parlons ici d'un écran LCD qui afficherait une image entièrement blanche, réglé à sa luminosité maximale et observé à 20 cm. En pratique, dans des conditions d'utilisation confortables, la luminosité moyenne d'un moniteur ne dépasse pas les 100 cd/m². Ils ne présentent donc aucun risque concernant d'éventuels dégâts rétiniens liés à la lumière bleue (d'un facteur 20 au strict minimum). Plusieurs études (cpc.cx/jqM par exemple) l'ont démontré sans ambiguïté.

La présence d'un diffuseur (le dôme du haut) réduit considérablement la concentration de l'intensité lumineuse

Pan dans l'œil.

Un risque sanitaire non négligeable lié aux LED et à leur lumière bleue peut toutefois exister aux alentours du groupe 1 de la classification. En particulier chez certains groupes de population comme les enfants (plus sensibles à la lumière) ou les personnes ayant subi l'ablation du cristallin (opération de la cataracte). Vu l'état actuel des connaissances, certaines voix s'élèvent pour demander un marquage spécifique sur certains produits dotés de LED très lumineuses dépourvues de diffuseurs (torches) ou focalisées avec des déflecteurs (spots) par exemple. Il convient toutefois de ne pas dramatiser la gravité des lésions provoquées par la lumière bleue à intensité modérée. La plupart des cellules endommagées par la phototoxicité se régénèrent naturellement, sans conséquences pour la vue. Il s'agit d'un processus biologique à l'œuvre en permanence dans le corps humain. Comme toujours, la recherche scientifique doit se poursuivre, en particulier dans un scénario où la rétine serait exposée sur le long terme à de nombreuses courtes expositions d'intensité moyenne. Mais pour l'heure, rien ne démontre que ce cas de figure serait problématique.

L'épouvantail DMLA

La  dégénérescence  maculaire liée  à  l'âge  reste  sans  conteste ­l'argument-massue des fabricants de lunettes pour vendre leurs filtres. ­Certains d'entre eux – en ­particulier Essilor – avancent que la DMLA pourrait se déclarer plus rapidement à cause de la lumière bleue. ­Rappelons qu'il n'existe pour l'heure aucun consensus scientifique sur la question. Nous parlons ici d'un potentiel phénomène d'accumulation consécutif à de faibles expositions sur de très longues périodes. Dans quelle mesure ? À quelle dose ? Ces ­questions ne seront probablement étudiées que s'il est prouvé un jour que la lumière bleue s'avère réellement un facteur de risque dans l'apparition de la DMLA. L'existence d'un tel phénomène aux intensités lumineuses dont nous parlons (moniteurs, ampoules LED domestiques à diffuseur, etc.) reste autrement improbable. À l'inverse, les preuves concernant une potentielle aggravation d'une DMLA déjà déclarée à cause de la lumière bleue s'accumulent ; la rétine, fragilisée par la maladie, serait plus sensible aux rayonnements de haute énergie.