| Modifié le le 5 novembre 2023
Cette année, pour fêter les 20 ans du magazine, on a décidé d’exhumer le concours Make Something Horrible – la gamejam de jeux pourris de Canard PC – pour une édition placée sous le signe du nombrilisme. La consigne était très simple : tous les jeux soumis devaient avoir un rapport plus ou moins étroit avec le magazine, qu’il s’agisse d’un simulateur de bureaulogie ou d’un point & click sur la vie de la rédaction, pourvu qu’ils aient l’air d’avoir été bricolés sur Paint avec une direction artistique discutable.
Prix du GOTY de l'année : Streets of Montargis, par Soonak Naarak.
Autrefois, la ville de Montargis était un endroit heureux et paisible… jusqu’à ce qu’elle se trouve prise d’assaut par un conglomérat de bassistes nantais à cheveux longs armés de bouteilles de bière premier prix. Les rues de la Venise du Gâtinais et la tour de verre de Canard PC sont désormais envahies d’ennemis de toutes sortes : des akitas redoutables, des zombies assoiffés de sang, des vault boys impitoyables et (probablement l’une des pires immondices jamais vues dans le bestiaire vidéoludique) des imps bretons. Notre seul espoir prend les traits de notre héros ackboo, flanqué d’une raquette de ping-pong et de son uniforme de travail (à savoir un polo bleu marine, des chaussettes en laine d’Écosse et un caleçon orné de petits cœurs). La reprise de Francis Cabrel au piano, le doublage exceptionnel (mention spéciale pour les cris déchirants des ennemis qui résonnent dans la nuit), les décors soignés et l’inventivité des boss de fin élèvent sans effort Streets of Montargis au rang de chef-d’œuvre.Pour mieux se rendre compte de l’investissement prodigieux engagé par le développeur, il faut se promener dans les méandres du bureau de Sébum, fabuleuse reproduction du premier niveau de Doom. Il faut se frayer un chemin au premier étage de la CPC Tower pour esquiver les cartes de visite assénées par Soupape François et Denis, qui auraient de quoi donner des sueurs froides au fan le plus invétéré des productions FromSoftware. Enfin, il faut prendre le temps de s’émerveiller devant la beauté du niveau à l’isométrique dédié à Izual, décimer les hordes de créatures sanguinaires qui protègent Ellen Replay et achever Ivan à grand renfort de sacs de brouzoufs pour se rendre compte à quel point Streets of Montargis est un monument du beat them up, une ode aux assets artisanaux et une fantastique leçon de médiocrité. – Ellen Replay
Deuxième prix : Canard PC, nid d’escrocs, par datoh
Un lecteur de Canard PC est mort, le jour où il visitait la rédaction pour révéler le terrible secret d’un de ses membres, et c’est à nous de mener l’enquête. Comme dans le fabuleux The Case of The Golden Idol (dont datoh, pour le dire poliment, s’est fortement inspiré), on explore la rédaction à la souris pour trouver des indices : une note de frais sur un bureau, un courrier supprimé au fond d’un ordi, une ébauche du prochain numéro affichée au mur… autant d'éléments qui permettent, si l'on réfléchit assez, de tirer au clair l’ignoble assassinat qui a souillé ce sacro-saint sanctuaire de la presse. Alors bien sûr, c’est tout pourri, avec décors dessinés sous Paint, écriture volontairement bourrée de fautes et journalistes scandaleusement caricaturés (sauf pour Ivan repeint en gourou de la blockchain, là tout est vrai) – un vrai jeu Make Something Horrible. Sauf qu’on gamberge pour de vrai afin de trouver les liens entre les différents éléments et que le « eurêka ! » satisfaisant que l’on hurle en ayant trouvé le coupable, lui, n’a rien de pourri. Un aussi savant équilibre entre le pourlingue et le fignolé, ça ne se joue pas, ça se déguste. – Izual
Troisième prix : Bureau s’il vous plaît, par Logoman
Avec une installation à plus de 230 Mo, des versions Windows, Mac et Linux, Bureau, s’il vous plaît, n’a presque pas sa place dans une game jam de Canard PC. On s’attendrait plutôt à le retrouver au catalogue des éditeurs les plus prestigieux comme Activision ou Ubisoft. Ce jeu à gros budget est un véritable simulateur Next-Gen de jugement bureaulogique, qui couvre tous les aspects de la discipline. Il permet d’abord de vivre le quotidien d’un magistrat assis à son bureau, qui doit condamner à la chaîne des délinquants sans états d’âme, sous la surveillance du ministère de la Justice.Mais à l’instar de ce qui se fait chez CD Projekt, Rockstar ou Quantic Dream, l’équipe de développement a repoussé les limites du réalisme et de l’interactivité émotionnelle en proposant une multitude de quêtes secondaires à grand spectacle. Exploration des mines de la Mitterrandie, baston contre un fauteuil gamer, FPS arachnophobe, match de ping-pong endiablé contre un joueur à picots, autant de missions annexes haletantes qui nous ont scotchés à l’écran. Il est rassurant de voir qu’en 2023, des studios sont encore capables de produire des jeux Triple-A qui respectent le joueur. – ackboo
Prix du photoréalisme : La Vérité - Canard PC, par HuitreMagique
Bien sûr, les graphismes ne font pas tout. On aurait par exemple bien aimé que La Vérité - Canard PC soit un peu plus long et que les énigmes de ce point & click soient plus étoffées. Mais un jeu aussi visuellement travaillé, où les visages des protagonistes ont été copiés-collés avec tant de précision dans des décors d'un réalisme inouï (il faut voir Ellen Replay, parfaitement reconnaissable du haut de son mètre quatre-vingt) mérite d'être salué pour sa contribution à l'avancée de la technique vidéoludique. – Louis-Ferdinand Sébum
Prix du Goncourt : Canard PC The Game par, SanSan17
La spécificité de l'industrie du jeu vidéo française, la « french touch » comme disent les experts et les gens responsables de donner des coups de tampon sur les formulaires de demande de subvention, c'est l'écriture. L'émotion. Le verbe. Car nous sommes un peuple qui aime les livres et les histoires, que voulez-vous, c'est notre point commun avec les élèves de CP. Il aurait donc été profondément antipatriotique de ne pas distinguer Canard PC The Game qui, avec ses fins multiples et sa fine écriture, a su parfaitement recréer l'ambiance d'une réunion de crise chez Presse Non-Stop. – Louis-Ferdinand Sébum
Prix de l'aménagement intérieur, ex aequo : Bureaulogie Judge (bmagic1) et Meurtre au bout du stream (UltimeOpportun)
Notre gamejam est formelle : après les jeux de zombies, les city-builders et les boomer shooters, la prochaine grande mode que connaîtra le jeu vidéo sera le simulateur de bureaulogie. C'est pourquoi nous avons tenu à distinguer deux titres aussi méritants que très différents l'un de l'autre. Bureaulogie Judge, plus orienté action, qui a su fidèlement recréer l'intensité de l'expérience bureaulogique, et Meurtre au bout du stream, pourvu de mécaniques de gameplay très originales et d'un scénario digne des meilleurs polars. – Louis-Ferdinand SébumIl n’y a pas que les gagnants dans la vie
Nous n’aurions pas la place d’écrire sur tous les jeux de la game jam, mais envoyons quand même des fleurs à Eskimon pour le rigoureux simulateur d’examen bureaulogique BBIERE, à Gaddy pour l’inventif CPC Relecteur-Correcteur Sim, à Bob Dupneu pour le joli travail de mémoire sur Les (surpuissantes) aventures de Slipman, à raaaahman pour l’ambitieuse 3D et la sublime illustration de Akita Survivors, à kay14 pour l’incompréhensible mais magnifique Canard PC ‘83, à Faith pour le didactique Ackboo The Judge et à Isator pour le vertigineux jeu de gestion Canardverse (même s’il a lâchement abandonné le développement au prétexte que son fils venait de naître). Merci et bravo également à awakejon, chuchuw, clem2k, deverdeb, franzoar, Liven, LudoGameBxl, meilleur_desespoir, mr_lapinou, PBeS Studio, primoferal, romain-1, SanSan17, UltimeOpportun et wolrajhti !