Quand j’étais petit, j’adorais les Kinder Surprise. Pas vraiment pour le chocolat, d’une qualité médiocre s’il en est, mais bien entendu pour la cochonnerie en plastique à l’intérieur. Cochonnerie qui perdait tout intérêt dans les trois secondes qui suivaient son assemblage un peu hasardeux. Du haut de mes 41 ans bien tassés, Black Myth : Wukong m’a fait un peu le même effet.
Litanie de vieux Kong
Sur le papier, BMW semble cocher toutes les cases du bon Souls-like : une barre d’endurance, de l’expérience pour améliorer ses capacités, des ennemis retors, des boss colossaux et heureux de vous plier en deux, le tout dans des environnements plus ou moins explorables, avec une narration distillée au compte-gouttes. Et tel le Kinder Surprise, l’enrobage est prometteur. Les environnements délivrés par l’UE5 sont magnifiques, de la jungle humide au désert rocailleux en passant par des montagnes enneigées. Notre petit singe saute et virevolte en faisant tourbillonner son bâton dans tous les sens. Les sorts de magie sont bien pensés et originaux. Il y a pléthore de compétences à débloquer. Certains boss sont impressionnants. Les mentors que vous rencontrez au fil de l’aventure sont parfois sacrément folkloriques. Le mouvement chatoyant des poils est impeccable. Et les courts-métrages qui servent d’intermède entre chaque chapitre sont des merveilles d’animation. Voilà pour le positif.
Plus Deux-Chevaux que BMW
Le cœur d’un bon Souls-like, outre l’ambiance générale, tient dans l’intensité des combats contre les boss. Eh bien réjouissez-vous, ils sont là, nombreux, prêts à vous découper comme un vulgaire jambon. La pérégrination de BMW suit un schéma de métronome : petit jogging, quelques ennemis, parfois un PNJ sortant d’on ne sait où, un boss intermédiaire. Répétez la mayonnaise X fois avant d’affronter le boss du chapitre. Puissant, impitoyable, parfois capable de vous tuer en deux ou trois coups. Une éponge aussi, dotée d'une quantité de points de vie monumentale.Mais ce n'est pas spécialement exaltant à affronter, et ce pour trois raisons. En premier lieu, la caméra. Votre. Pire. Ennemie. Certains de ces monstres disposent d’attaques quasi invisibles, qui vous laissent un temps infime pour réagir. Ajoutez des déplacements presque instantanés, trop rapides pour que le lock parvienne à les suivre efficacement, et vous obtenez de régulières morts pour une raison à la con. Autre effet Kiss Cool : les murs invisibles. Quelques arènes (je pense notamment au boss du second chapitre) vous donnent l’impression de pouvoir crapahuter plus loin que le lieu ne l’autorise réellement. On esquive donc souvent dans une barrière que l’on ne pouvait littéralement pas anticiper, on hurle, on rage et on meurt. Dernier point : les hitbox un brin hasardeuses. On se surprend à pester contre des attaques qui auraient dû toucher ou des esquives qui vous font mordre la poussière. Git gud, me direz-vous. Oui, mais la motivation n’est juste pas là.
Avis Kongtroversé
Alors certes, on prend son temps. On se balade un peu. On médite sur des coussins à XP. On tabasse quelques ennemis. On peste sur les boss trop ardus. Mais surtout, on s’ennuie ferme. Les niveaux sont tristement vides, autant que la table réservée aux industriels chinois du charbon lors d’un Congrès pour une énergie propre, autant que les sièges réservés aux femmes dans l’enceinte du Parti. Il y a bien quelques bestioles çà et là, mais elles restent assez rares, se ressemblent, et donnent globalement l’impression d’être là pour faire de la figuration. L’absence de variété dans le maniement du bâton de notre héros lasse assez vite, malgré trois postures différentes pour les frappes lourdes. Et puis il y a tous les autres petits détails très agaçants.Stressant Streisand
Game Science a lancé un beau pavé dans la mare : ils ont demandé aux testeurs d’évoquer un maximum de sujets controversés. Le brief incitait aux productions les plus osées, avec un soutien à peine voilé aux Femen chinoises, aux Ouïghours, voire idéalement les deux. On a donc vu fleurir sur le compte Facebook des images hélas rapidement censurées, mettant en scène Duke Nukem, Xi Jinping et la femme de Vladimir Poutine en train de danser la polka, tous torse nus et masqués, faisant un doigt d’honneur aux membres du Parti, le tout dans une jungle verdoyante.
Non je déconne (hélas), c’est même tout le contraire. Game Science a explicitement exigé que les testeurs n’évoquent pas les sujets suivants : insultes, langage et humour offensant, politique, violence (dans un jeu qui est une ode au tabassage de monstres ?!?), nudité, propagande féministe, fétichisme et tout autre sujet incitant au « discours négatif ». Ajoutez également la quarantaine, le confinement, le Covid-19, ainsi que la politique de l’industrie du jeu vidéo chinoise, les actualités et autres opinions concernant le pays. Pour un peu, j’irais spéculer que la main du Parti a voulu arrondir les angles pour éviter les sujets qui agacent papa Xi. À tel point que j’en viens à rêver d’un skin de Winnie l’Ourson dans un futur mod non-officiel…