
Dix "on-dit" en sursis | Quelques questions cruciales sur Linky (Partie 6)
Internet regorge de FAQ sur le compteur communicant d'ERDF, mais les réponses apportées souffrent parfois d'inexactitudes à des degrés variés (y compris dans les documents officiels). Certaines réponses datent en effet des premières phases d'expérimentation et ne sont plus d'actualité, d'autres relèvent de l'intox des activistes anti-ondes. Pour y voir plus clair, nous avons regroupé ici dix questions courantes au sujet de Linky.
Vais-je devoir augmenter mon abonnement avec Linky ?
L'UFC Que-Choisir assure que l'installation de Linky pourrait exiger la souscription d'un abonnement plus cher car "37 % des ménages consomment au-delà de leur puissance d’abonnement. Les compteurs actuels supportent ces dépassements ponctuels sans disjoncter, Linky pas toujours". Cette affirmation étonnante souffre toutefois d'un sérieux problème de crédibilité : les compteurs actuels n'incluent pas d'organe de coupure et ne peuvent donc pas disjoncter. Reste la possibilité que le disjoncteur principal de l'abonné soit indûment réglé sur une puissance supérieure à celle souscrite (par exemple 9 kVA pour un abonnement de 6 kVA). Lors de la phase d'expérimentation, ce scénario s'est produit chez 108 clients parmi 300 000, soit 0,04 %. Mais si votre installation électrique est configurée correctement, un déclenchement du disjoncteur de Linky ne devrait pas survenir plus fréquemment qu'avant. Sa tolérance est en effet supérieure à celle de l'ancien disjoncteur principal (7.8 kVA pour Linky contre 7.5 kVA pour le BACO avec 6 kVA souscrits par exemple).
Linky peut-il griller le cerveau de mon bébé ?
Si vous retirez le cache-borne plombé du compteur et que vous mettez sa tétine dans le bornier d'arrivée, probablement. Pour le reste, l'histoire du bébé en danger provient d'une grossière mise en scène de l'association conspirationniste "Next-Up", qui a publié sur YouTube un simulacre de mesure électromagnétique dans un landau. Next-Up – relayée par certains médias – va plus loin puisqu'il accuse Linky de faire partie d'un complot permettant "d'exercer à l'insu de l'individu un contrôle comportemental" avec pour finalité de "bêtifier les citoyens et les rendre serviles" jusqu'à en faire des "sous-hommes". Les illuminatis sont démasqués…
À quoi servent les boutons et l'afficheur en façade ?
Pas grand-chose. Ils permettent d'accéder aux informations basiques du compteur (index de consommation en kWh, option tarifaire…) et de rétablir le courant au cas où il viendrait à disjoncter suite à une surcharge. Pour d'obscures raisons (probablement liées à des contraintes d'espace physique), ERDF a choisi de faire machine arrière concernant le port USB présent en façade sur les compteurs de la phase "expérimentation". Seules les bornes TIC, accessibles sous le capot, permettront d'y connecter un module radio pour la remontée d'informations en local.
Les associations font des mesures qui montrent que c'est dangereux !!!
Mesurer correctement un champ électromagnétique rayonné de l'ordre du KHz exige un analyseur de spectre coûteux, des sondes de champ proche et un environnement optimisé. Toutes les mesures que nous avons vues çà et là sur Internet en provenance des militants anti-ondes tiennent plus du folklore anxiogène que de la science. Dans la plupart des cas, elles ne mesurent au mieux que le bruit électromagnétique ambiant. Pour ne prendre qu'un exemple, l'appareil qu'utilise Next-Up dans sa fameuse vidéo du landau (un CA-41 de Chauvin Arnould équipé d'une sonde isotropique EF2A) mesure uniquement le rayonnement sur la totalité du spectre compris entre 100 kHz et 2.5 GHz. Pour rappel, Linky exploite des fréquences inférieures à 100 kHz…
Le CPL de Linky risque-t-il de perturber mes appareils électriques ?
La plupart des dysfonctionnements observés lors de la phase d'expérimentation de Linky ont concerné des ballons d'eau chaude qui ne s'activaient plus la nuit ; la faute à un mauvais rebranchement du contact dédié par des poseurs inexpérimentés. Pour le reste, le CPL G3 exploité par Linky fonctionne dans une gamme de fréquences (CENELEC-A) réservées par les autorités de régulation européennes aux seules compagnies d'électricité. Il s'agit de la bande située entre 3 et 95 KHz. Elle ne devrait donc interférer avec aucun autre mode de communication CPL. Le protocole le plus proche de ces fréquences est le X10, qui équipait les premiers appareils de domotique (il date de 1975). Sa fréquence de 120 KHz le place toutefois en dehors de la plage utilisée par Linky. En pratique, les probabilités que certains appareils ne perturbent le CPL de Linky (comme les ampoules fluocompactes ou les alimentations à découpage mal conçues) demeurent bien plus élevées que l'inverse.
ERDF va me couper à distance sans préavis !
La possibilité qu'aura ERDF de couper à distance l'électricité peut faire craindre le retour à des méthodes expéditives pour les mauvais payeurs. La société nous a toutefois affirmé que le passage "physique" d'un technicien restait indispensable dans tous les cas. Celui-ci permettrait de résoudre 70 % des litiges en cas d'impayés. Enfin, ERDF rappelle que ce n'est pas à lui mais au fournisseur d'énergie que revient la décision d'une coupure.
Vais-je consommer moins avec Linky ?
C'est ce qu'affirme ERDF dans ses plaquettes commerciales, indiquant qu'un consommateur averti restreint de lui-même sa consommation. L'argument nous paraît franchement douteux, sans compter qu'aucune étude indépendante n'est venue confirmer ces allégations. Pour ne rien arranger, les informations affichées sur le site web seront en kWh (plutôt qu'en euros) et le délai important (24 heures) pour y accéder rendront les expérimentations fastidieuses et complexes. Pire encore, il n'est pas exclu que la remontée d'informations par Internet avec une granularité inférieure à la journée soit facturée. Même remarque pour l'émetteur radio Linky optionnel, qui aurait dû être intégré d'office et sans surcoût pour l'usager. À l'exception du gain de temps sur les relevés, Linky risque donc bien de ne pas apporter de bénéfice direct aux clients.
Puis-je refuser le compteur Linky ?
Non. Le compteur appartient aux collectivités locales qui en ont délégué la gestion à ERDF dans la plupart des cas. De plus, le déploiement des compteurs communicants est inscrit dans la loi de transition énergétique. Ni les lettres des clients ni les délibérations des conseils municipaux n'ont donc de valeur juridique en l'absence d'une jurisprudence contraire. Malgré tout, ERDF ne fait pas de forcing vu le faible nombre de refus. Pour l'instant.
Pourrai-je obtenir ma consommation instantanée grâce à un afficheur déporté ?
À terme et en payant, oui. Ce sera aux fournisseurs d'électricité de vous proposer des offres, et elles ne seront certainement pas gratuites. Des tarifs démentiels de 6,80 euros par mois ont été évoqués début 2014, mais fort heureusement, ils ne semblent plus d'actualité. Les spécifications étant publiques, on peut toutefois s'attendre à ce que de nombreuses sociétés non liées aux fournisseurs d'électricité proposent leurs solutions et que la concurrence joue son rôle. En attendant, seuls les bénéficiaires des tarifs sociaux pourront en bénéficier gratuitement.
Quid des risques d'incendie avec Linky ?
Les défaillances ayant entraîné un début d'incendie sur quelques Smart Meter au Canada ont fait grand bruit. N'importe quel compteur, qu'il soit communicant ou pas, doit fonctionner avec de très fortes intensités (> 90 A max) et le moindre défaut de conception prend immédiatement des proportions dramatiques. Les critères de validation d'ERDF pour Linky – que nous avons pu consulter – sont extrêmement sévères, en particulier au niveau du relais de coupure électromécanique interne. Interrompre des charges inductives conséquentes provoque en effet un arc électrique qui doit être parfaitement géré. En pratique, le principal risque provient surtout d'une négligence lors de l'installation, particulièrement sur le couple de serrage des câbles. Un problème inhérent, là aussi, à n'importe quel type de compteur, qu'il soit communicant ou pas. C'est pourquoi ERDF exige l'emploi de tournevis dynamométriques et inflige des amendes dissuasives à la moindre erreur d'un sous-traitant à ce niveau.
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