Les fabricants de moniteurs ont rapidement surfé sur la vague "lumière bleue". La plupart proposent aujourd'hui des options qui permettent de la limiter. Celles-ci se contentent simplement de modifier la température de couleur pour qu'elle vire vers le blanc chaud, ce qui était déjà possible bien avant qu'on s'intéresse à la lumière bleue. Les industriels du mobile n'ont pas tardé à suivre. On trouve ainsi des options "Night Shift" sur les appareils Apple ou "Night Mode" sur Android 7, qui peuvent limiter les perturbations du rythme circadien et favoriser le sommeil lorsqu'elles sont activées avant le coucher.

utant la lumière bleue naturelle provenant du soleil est bénéfique pour vos yeux, autant celle provenant des écrans est assez nocive." Voilà le genre de stupidité qu'on peut lire sur Internet. Les cellules de votre rétine ne font évidemment pas la différence entre la lumière bleue du soleil et celle d'une dalle LCD. Tout est question de dose. Concernant les risques liés à d'éventuelles lésions, inutile de tourner autour du pot : même en restant 24 heures avec la luminosité réglée au maximum et les cils qui rayent l'écran, vous ne parviendrez jamais au dixième – voire au centième – de la dose nécessaire pour infliger le moindre micro-dégât à votre précieuse rétine. Vous aurez sûrement les yeux en quiquines de poupousse, certes, mais tout reviendra à la normale après quelques heures. Comme nous l'avons expliqué précédemment, le seul véritable impact d'un moniteur ou d'une tablette émettant trop de lumière bleue reste les éventuels troubles du sommeil. Ils ne touchent pas tout le monde, loin de là : il est actuellement 3 h 27, j'ai pris une bonne dose de lumière bleue après plusieurs heures de tests, et je dormirai parfaitement dans une heure dès que ma tête touchera l'oreiller. Mais je suis un surhomme, je vous l'accorde. Pour un humain normal, la réduction de la lumière bleue en soirée peut effectivement avoir des effets bénéfiques.

Gare aux kelvins.

Il est indéniable que le rétroéclairage des dalles LCD est riche en lumière bleue. Plusieurs de nos moniteurs de tests (en particulier des modèles IIyama) ne proposent ainsi que trois températures de couleur par défaut : 6 500 K, 7 500 K et 9 300 K. Le passage de l'une à l'autre fait effectivement varier l'image dans des dominantes de plus en plus bleutées. On pourrait penser, a priori, que baisser la température de couleur permet de limiter l'intensité de la lumière bleue (comme c'est le cas avec les ampoules LED). Erreur. Dans tous les cas testés, cette option ne fonctionne pas dans ce sens. Si l'on observe par exemple le spectrogramme (1), on constate que la correction colorimétrique n'affecte pas du tout les longueurs d'onde de 400 à 500 nm : le pic de bleu reste identique dans les trois cas. La modification de température des couleurs est en fait obtenue en atténuant uniquement l'intensité dans le reste du spectre (du vert au rouge). On obtient donc un bleu plus marqué même si lui-même n'a pas varié.Pour limiter la quantité de lumière bleue, il existe une solution bien plus évidente : les paramètres personnalisés. Tous les moniteurs permettent de configurer indépendamment la balance des trois couleurs fondamentales (rouge/vert/bleu). Nous avons mesuré les résultats obtenus avec un moniteur Asus PG278Q (dalle TN) en positionnant le rouge et le vert à 100 % et en faisant varier le bleu (2). Sur ce modèle, l'intensité de la lumière bleue s'effondre très rapidement : à 75 % dans le menu, elle diminue quasiment de moitié en pratique ! Comme on le voit sur les courbes, descendre encore plus permet de la supprimer presque entièrement. L'effet visuel ressemble d'ailleurs à s'y méprendre à celui des lunettes teintées. L'image du moniteur vire au jaune dès que l'intensité du bleu atteint les 75 %, comme si vous portiez des Gunnar. À 50 %, on obtient la même teinte jaune foncé qu'avec les lunettes QARK. Les spectrogrammes s'avèrent d'ailleurs très similaires, du moins dans le bleu.

F.lux

Modifier les réglages colorimétriques de son moniteur permet d'obtenir un effet quasi identique à celui des lunettes anti-lumière bleue. La méthode n'en demeure pas moins peu pratique. Et pour cause : si la lumière bleue peut être néfaste en soirée en perturbant l'endormissement, elle reste bénéfique en journée pour maintenir l'éveil ; il faudrait donc modifier ses réglages deux fois par jour, ce qui s'avère assez fastidieux. Heureusement, quelques logiciels peuvent effectuer cette tâche contraignante automatiquement. Le plus connu, F.lux, ne présente que des avantages. Il est simple, multiplateforme (Windows, Mac, Linux, Android), intuitif, très léger (500 Ko), complet… et gratuit !

Magie bleue.

Restait à analyser la façon dont les constructeurs implémentent leurs fonctions spécifiquement dédiées à la réduction de lumière bleue. On les retrouve sur un nombre croissant de moniteurs, des plus simples destinés aux applications bureautiques jusqu'aux modèles gamer hors de prix. Pour l'occasion, nous avons cette fois utilisé un BenQ BL2205, assez récent mais qui ne paye pas de mine. Le mode "Low Blue Light" comporte quatre options : Multimédia (-30 %), Surf Web (-50 %), Bureau (-60 %) et enfin Lecture (-70 %). Le spectrogramme (3) montre que ces valeurs sont grosso modo respectées, à 10-15 % près. Le plus intéressant ici vient de la méthode implémentée par le constructeur : il ne s'agit pas d'une simple réduction du bleu, mais d'une correction complète incluant aussi une atténuation pondérée du vert et du rouge. On en retire deux avantages. D'abord, le déséquilibre colorimétrique est plus diffus, ce qui limite l'apparition d'une dominante jaune trop marquée. Ensuite, la luminosité totale baisse sensiblement, ce qui évite au passage les phénomènes d'éblouissement d'inconfort tels qu'évoqués précédemment. À noter que vous pouvez parfaitement reproduire le mode Low Blue Light avec un paramétrage personnalisé. L'option Multimédia (-30 %) correspond par exemple à un réglage rouge/vert/bleu d'environ 90/80/70. Avec un simple réglage du moniteur, on obtient donc un spectrogramme quasiment identique à celui des lunettes anti-lumière bleue sur tout le spectre. Et gratuitement…
Terminons enfin avec les fonctions spécialisées des appareils mobiles. C'est Apple qui a ouvert le bal en mars 2016 avec la sortie d'iOS 9.3 et son mode Night Shift. Google devait s'y mettre officiellement à partir d'Android 7, mais a finalement choisi de retarder (d'annuler ?) la disponibilité de son Night Mode. En cause : la trop grande disparité des dalles LCD, qui donnaient des résultats erratiques. Un problème qu'Apple ne connaît évidemment pas. Nous avons mesuré les résultats obtenus sur la dalle IPS d'un iPad Mini configuré à une luminosité standard. Impossible de ne pas admettre la qualité de la correction apportée par Apple (4). Non seulement les émissions de lumière bleue sont réduites de 60 %, mais une atténuation dans le vert couplée à un léger boost dans le rouge permet d'éviter une teinte trop jaune. Par rapport aux lunettes, on constate un blanc légèrement orangé qui ne dégrade que très peu l'image. L'IRC (indice de rendu des couleurs) ne chute que très peu lorsque Night Shift est activé. Si vous craignez que la lumière bleue ne vienne perturber vos nuits, il s'agit d'une fonction très efficace ; la meilleure que nous ayons testée dans ce dossier. À noter que nous avons tout de même mesuré deux smartphones sous Android 7 en réactivant la fonction cachée à l'aide d'une app tiers, mais les résultats restaient trop hétérogènes pour généraliser.