Annoncé il y a un peu moins de deux ans, lors de l'E3 2015, Mass Effect : Andromeda est ce nouveau commencement. Si vous réalisez à cet instant précis que le jeu sort dans deux ou trois semaines et que vous n'en avez pas beaucoup entendu parler, rassurez-vous : c'est normal. Electronic Arts a en effet appliqué ce que nous appelons par chez nous la « stratégie Bethesda », qui consiste à ne quasiment pas communiquer sur le jeu, ou à tout le moins dévoiler le minimum de contenu, jusqu'à ce que la dernière ligne droite soit amorcée. Mi-février, l'éditeur a donc organisé à Paris une grosse présentation d'Andromeda au cours de laquelle nous avons pu y jouer pendant plus de deux heures. Pour être franc, malgré l'indéniable plaisir éprouvé sur les précédents, la perspective de ce nouvel épisode en 2015 m'avait laissé relativement indifférent. Comme si on annonçait à la radio un pic de pollution aux particules fines ou une mise en examen des époux Balkany : la routine… Néanmoins, à l'issue de cette session, j'avoue avoir levé un sourcil et m'être découvert plus impatient de mettre la main sur la version complète que je ne l'aurais pensé.
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Mass Effect : Andromeda
Il a plus d'une corde à son arche
À en croire les réactions des joueurs de l'époque, il conviendrait de placer la fin de Mass Effect 3 entre le Watergate et les frais de bouche de Chirac sur l'échelle des grands scandales de l'histoire de l'humanité. Triste épilogue pour une saga qui avait pourtant suscité beaucoup d'amour chez nombre de joueurs. Car si la première impression est capitale, la dernière n'est pas moins importante : qui n'est pas terrifié à l'idée d'être fauché par la mort sur le siège des toilettes, son caleçon Dark Vador au niveau des chevilles, un numéro de Tricot Magazine à la main ? Or, quoi de mieux pour faire oublier une mauvaise fin qu'un nouveau commencement ?
Ce nouveau Mass Effect sera jugé sur l'affect que le joueur placera dans ce vaste univers et ses occupants.
Ils voulaient revoir leur Normandy... Outre le secret qui a entouré son développement jusqu'à récemment, ce manque d'intérêt pouvait s'expliquer par la direction prise par la saga, et notamment le troisième opus avec son accumulation de combats au détriment de l'exploration. Si elle avait continué sur cette lancée, cette nouvelle itération n'aurait probablement pas beaucoup d'arguments pour convaincre les gens comme moi. En repensant à la stratégie Bethesda, on pouvait même craindre de voir un dirigeant de Bioware, tel un Pete Hines résumant l'esprit Fallout à des gros flingues pour exploser des super-mutants (« Les dialogues, ce n'est pas notre bataille* ») que l'essence de Mass Effect, c'est du sexe interspécifique et du tir à la troisième personne. Heureusement, c'est un discours radicalement opposé qui nous a été tenu. Le représentant du studio canadien a tenu à insister sur l'importance des racines de la saga que sont les dialogues, les relations entre Ryder (voir encadré sur l'histoire) et les membres de son groupe, et l'exploration.
*Pour rappel, l'excellent livre de notre camarade Izual sur la saga Fallout est disponible sur la boutique du site Canard PC.
L'histoire qui se déroule dans le futur du passé Les événements de Mass Effect : Andromeda se déroulent sur une ligne temporelle parallèle à celle de la trilogie connue. L'Initiative Andromède, fondée avant le premier opus, devient en quelque sorte le plan B des civilisations de la voie lactée, sur lesquelles pèse la menace des Moissonneurs. En 2185, soit entre les épisodes 2 et 3, la station Nexus, accompagnée de plusieurs arches (dont l'Hyperion, qui abrite la totalité des 20 000 humains volontaires qui sont du voyage), est envoyée vers la lointaine galaxie d'Andromède, sélectionnée pour sa grosse concentration de planètes potentiellement habitables. 634 ans plus tard, donc bien après la fin honnie de Mass Effect 3, ces arches de Noé modernes arrivent à destination et leurs passagers, ignorants du sort de la voie lactée et conscients d'être peut-être le dernier espoir de survie de leur espèce, émergent de leur sommeil cryogénique. L'Hyperion se place en orbite de la Nouvelle-Terre, la planète pressentie pour devenir le nouveau berceau de l'humanité. C'est là que débute Andromeda : avec une situation qui part en sucette, conformément à la tradition des Mass Effect. Une collision avec une étrange énergie noire provoque la panique à bord, la planète n'est pas aussi hospitalière que prévu et une civilisation alien avancée est repérée à sa surface. Quant à vous, vous êtes Sarah ou Scott Ryder, membre des pionniers, un groupe d'élite chargé de repérer et d'explorer les sites potentiellement colonisables dirigés par votre papa, Alec Ryder. Hmm... Paternité plus subordination ? À en croire ma précieuse encyclopédie des clichés narratifs, on aura intérêt à ne pas trop s'attacher au personnage.
Ryder on the storm. Oh bien sûr, il n'a pas occulté l'aspect romances, précisant même qu'elles seraient approfondies – sans mauvais jeu de mot, on vous voit venir – ni le combat qui, personne n'est dupe, aura toujours une place prépondérante dans Andromeda. Et puisque l'on parle des bastons, abordons tout de suite l'un des principaux changements : la disparition de la pause active. Si son utilité tout au long de la trilogie peut être discutée, selon les goûts et types de jeu de chacun, son absence demeure regrettable pour ceux qui aiment prendre leur temps pour donner des ordres tactiques à ses compagnons. En guise de compensation, Bioware étoffe un peu les affrontements, avec plus d'importance accordée au corps à corps, des cooldowns qui ne sont plus globaux mais spécifiques à chaque compétence, une grosse variété dans l'arsenal et davantage de verticalité. Ryder possède d'ailleurs un jetpack qui lui permet non seulement de léviter quelques secondes pour flinguer les pleutres qui baissent la tête, mais également d'effectuer un dash pour les charger comme un bourrin. Dernier détail : s'abriter derrière un couvert est désormais automatique. On n'est pas contre le principe, mais en pratique, le système montrait parfois ses limites. Allez, dans l'ensemble, les affrontements n'étaient pas déplaisants, mais toujours un peu mous, preuve que Bioware a bien l'intention de rester fidèle aux racines de la saga.
Mass Hysteria. Les combats ne figurant que rarement parmi les moments mémorables d'un Mass Effect, intéressons-nous plutôt au reste. Andromeda semble parfois être un best-of de la trilogie originelle. Les missions de loyauté propres à chaque compagnon de Mass Effect 2 ? Présentes. Le mini-jeu consistant à sonder les planètes inconnues ? Itou. Leur exploration à bord d'un véhicule tout-terrain ? Le grand retour. Le Mako et son hilarante capacité à défier les lois de la physique du premier Mass Effect laissent désormais place au Nomade, une charrette bien plus, disons… cohérente. Même si cet adjectif ne collait pas franchement à la manière dont étaient, ce jour-là, gérées les collisions avec la faune locale. Depuis son vaisseau, le Tempête, Ryder va devoir, en plus de s'occuper d'une menace alien parce qu'on n'est pas seulement là pour faire du tourisme, se mettre en quête de planètes habitables. L'occasion de faire la connaissance de nouvelles espèces, découvrir leur culture, récolter des ressources – qui permettront de fabriquer ce qui a semblé être une tétrachiée d'éléments d'armure, d'armes et d'améliorations –, débloquer des quêtes qui, à la manière de The Witcher 3, n'auraient de secondaires que le nom. Sans oublier la possibilité de fonder des colonies ou des avant-postes, ce que l'on n'a pas été en mesure de faire lors de cette présentation, mais qui titille la curiosité. Une précision toutefois : parcourir la surface de dizaines de cailloux quasi-vides comme on le faisait dans le premier ME n'est plus au programme. Seule une partie des planètes pourra être explorée. Mais elles sont, promet le studio, confectionnées à la main, avec amour, chacune étant plus vaste que toutes les zones de Dragon Age : Inquisition confondues. Combien d'entre elles pourront être visitées ? Sur ce point, silence radio total. On attendra de voir, mais on a bon espoir que ces cinq années de développement seront justifiées à l'arrivée.
Singularité spatiale. Non content d'avoir accouché d'un jeu particulièrement plaisant à l’œil (à l'exception de la synchronisation labiale lors des dialogues, un peu pétée), Bioware l'a fourré d'un maximum de contenu. L'artisanat promet d'être extrêmement complet, la quête de ressources motivante, l'exploration intéressante… Même le volet JdR, avec son système de compétences ouvert – elles sont toutes accessibles, et c'est la maîtrise combinée de certaines d'entre elles qui débloque des classes spéciales assorties de bonus – serait, à en croire Bioware, le plus fourni et le plus complexe que le studio ait jamais conçu. Non sans omettre de préciser qu'à l'instar de ME3, Andromeda proposera des modes de jeu centrés sur l'histoire à l'intention de ceux qui ne veulent pas s’embarrasser de statistiques ou de répartition de points dans une feuille de personnage. Mais, si encourageante cette profusion de contenu soit-elle, ce nouveau Mass Effect sera jugé sur d'autres critères : l'histoire, l'écriture, les personnages ; bref, l'affect que le joueur placera dans ce vaste univers et ses occupants. Et là, ni les déclarations du studio, fussent-elles prometteuses, ni deux petites heures de jeu seulement ne permettent d'en savoir assez pour se prononcer.